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Moyen Orient et Monde - Pakistan

Même en vendant un rein, Safdar et Faqir n’auront pas de quoi fêter Noël

Les trafiquants d'organes trouvent des cibles faciles parmi la minorité chrétienne du pays.

En acceptant de vendre un de leurs reins pour quelques centaines de dollars, Safdar et Faqir espéraient pouvoir offrir un vrai Noël à leurs enfants. Mais comme nombre de chrétiens pakistanais, ce sacrifice leur a tout juste permis de survivre. « Je ne sais plus quand j'ai fêté Noël pour la dernière fois », dit Safdar Masih sur le seuil de sa maison rudimentaire de Yuhanabad, petite bourgade chrétienne démunie sise à 20 km de Lahore, la grande cité de l'est du pays. « Noël, c'est juste un rêve pour nous, mais je ne pense pas qu'il se réalisera un jour », ajoute ce père de cinq enfants âgé de 45 ans, employé dans un four à briques, qui a dû vendre un rein l'an dernier pour payer un mariage. Il avait alors cédé à un groupe d'inconnus qui lui en avaient proposé 150 000 roupies (1 240 euros environ), un pont d'or pour une famille engluée dans la misère. « Nous n'avions pas d'autre choix », dit-il. « J'ai été emmené dans un hôpital de Lahore, je ne sais pas lequel. » Mais après, « ils ne m'ont donné que 70 000 roupies (580 euros environ), et quand j'ai demandé plus, ils m'ont répondu qu'il valait mieux me taire si je voulais rester en sécurité ». Pour tout cadeau de Noël, ses enfants recevront cette année quelques vêtements d'occasion, donnés par la famille musulmane qui emploie sa femme comme employée de maison.
Les trafiquants d'organes trouvent des cibles faciles parmi la minorité chrétienne du Pakistan (3 % d'une population très largement musulmane), marginalisée et composée en grande partie de pauvres employés échoués dans des bidonvilles.
Un autre chrétien de Yuhanabad, Faqir Masih (pas de lien de famille avec Safdar), un vendeur de ballons de 32 ans, montre la large cicatrice qui barre son côté et le fait encore régulièrement se tordre de douleur. Lui aussi s'est résolu à vendre un rein l'an dernier, pour pouvoir nourrir sa famille après la mort de son père. Les trafiquants « m'ont dit que je pourrais m'acheter une nouvelle maison, et que mes frères et ma sœur pourraient aller dans une bonne école ». Après l'opération, même mauvais scénario que pour Safdar. Au lieu des 150 000 roupies promises, « ils ne m'ont donné que 40 000 roupies, et m'ont dit que je serai en danger si je réclamais plus ». Une arnaque qui empêche nombre de donneurs de sortir de la spirale des dettes. « Ils ne m'ont même pas soigné correctement après l'opération... La douleur me torture encore souvent », ajoute Faqir en montrant son abdomen balafré.
À Noël, il n'y aura ni jouets, ni arbre décoré, ni fête dans sa maison d'une pièce aux meubles délabrés, où un rideau fait office de fenêtre. « Comme d'habitude, nous ne pouvons rien faire pour le fêter », regrette Faqir, vêtu d'une tunique sale et assis sur un lit cassé. Et tous devront se serrer les uns contre les autres pour résister aux températures proches de zéro.
Selon Adeeb-ul-Hasan Rizvi, directeur de l'institut d'urologie et de transplantation de la province de Sindh (Sud), « près de 2 000 reins sont transplantés chaque année dans le pays, dont seulement 500 légalement », et ce commerce interdit a rapporté près de 12 millions de dollars l'an dernier. « Les pauvres vendent leurs reins pour se nourrir à de riches clients, dont une bonne partie viennent d'Occident ou du Golfe persique », explique-t-il, en décrivant le Pakistan comme « un supermarché du rein ». C'est le cas du rachitique Mohammad Ilyas, devenu le quatrième membre de sa famille, établie près d'Islamabad, à vendre un rein pour rembourser un prêt. Il en garde un souvenir effrayant : « J'ai vu un grand seau plein de couteaux, cutters et ciseaux. J'ai eu peur et j'ai pensé à m'enfuir, mais tout était fermé et j'étais entouré d'une demi-douzaine de personnes venues me charcuter. »
En acceptant de vendre un de leurs reins pour quelques centaines de dollars, Safdar et Faqir espéraient pouvoir offrir un vrai Noël à leurs enfants. Mais comme nombre de chrétiens pakistanais, ce sacrifice leur a tout juste permis de survivre. « Je ne sais plus quand j'ai fêté Noël pour la dernière fois », dit...

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