Les trafiquants d'organes trouvent des cibles faciles parmi la minorité chrétienne du Pakistan (3 % d'une population très largement musulmane), marginalisée et composée en grande partie de pauvres employés échoués dans des bidonvilles.
Un autre chrétien de Yuhanabad, Faqir Masih (pas de lien de famille avec Safdar), un vendeur de ballons de 32 ans, montre la large cicatrice qui barre son côté et le fait encore régulièrement se tordre de douleur. Lui aussi s'est résolu à vendre un rein l'an dernier, pour pouvoir nourrir sa famille après la mort de son père. Les trafiquants « m'ont dit que je pourrais m'acheter une nouvelle maison, et que mes frères et ma sœur pourraient aller dans une bonne école ». Après l'opération, même mauvais scénario que pour Safdar. Au lieu des 150 000 roupies promises, « ils ne m'ont donné que 40 000 roupies, et m'ont dit que je serai en danger si je réclamais plus ». Une arnaque qui empêche nombre de donneurs de sortir de la spirale des dettes. « Ils ne m'ont même pas soigné correctement après l'opération... La douleur me torture encore souvent », ajoute Faqir en montrant son abdomen balafré.
À Noël, il n'y aura ni jouets, ni arbre décoré, ni fête dans sa maison d'une pièce aux meubles délabrés, où un rideau fait office de fenêtre. « Comme d'habitude, nous ne pouvons rien faire pour le fêter », regrette Faqir, vêtu d'une tunique sale et assis sur un lit cassé. Et tous devront se serrer les uns contre les autres pour résister aux températures proches de zéro.
Selon Adeeb-ul-Hasan Rizvi, directeur de l'institut d'urologie et de transplantation de la province de Sindh (Sud), « près de 2 000 reins sont transplantés chaque année dans le pays, dont seulement 500 légalement », et ce commerce interdit a rapporté près de 12 millions de dollars l'an dernier. « Les pauvres vendent leurs reins pour se nourrir à de riches clients, dont une bonne partie viennent d'Occident ou du Golfe persique », explique-t-il, en décrivant le Pakistan comme « un supermarché du rein ». C'est le cas du rachitique Mohammad Ilyas, devenu le quatrième membre de sa famille, établie près d'Islamabad, à vendre un rein pour rembourser un prêt. Il en garde un souvenir effrayant : « J'ai vu un grand seau plein de couteaux, cutters et ciseaux. J'ai eu peur et j'ai pensé à m'enfuir, mais tout était fermé et j'étais entouré d'une demi-douzaine de personnes venues me charcuter. »
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