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Moyen Orient et Monde - Le point

Concertation vs Alliance

Ah ! Si seulement Michelle Bachelet avait pu se représenter... Elle l'aurait emporté haut la main, elle qui continue de surfer dans les sondages, avec une popularité de 70 pour cent, chiffre sans précédent dans les annales nationales. Seulement voilà : la Constitution ne l'autorise pas à briguer un second mandat consécutif et, de plus, ses concitoyens estiment que vingt ans de gouvernement Concertation, c'est trop, et même malsain, dit l'électeur moyen dans un pays connu pour pratiquer une démocratie qui n'a rien à envier aux coutumes scandinaves en la matière. Voilà pourquoi à Santiago, on s'apprêtait dimanche à tourner la page d'un centrisme de bon aloi, sans toutefois aller jusqu'à basculer carrément à droite, ce qui aurait représenté du jamais-vu depuis cinquante et un ans si l'on excepte la désastreuse expérience Pinochet reléguée, elle, au rang de mauvais souvenir après un interminable règne de dix-sept ans (1973-1990). Le dernier jefe de droite, tout le monde fait semblant de l'avoir oublié, est Jorge Alessandri.
Concertation, quel beau nom, s'agissant d'une coalition qui regroupe quatre formations : les chrétiens-démocrates, le Parti socialiste, le Parti pour la démocratie, le Parti radical social-démocrate ! L'ennui pour cette formation est qu'elle est en place depuis trop longtemps, que l'homme de la rue veut du changement et que, selon les dernières études, soixante pour cent de la population estime qu'aucun des dirigeants en place ne répond à ses aspirations, et certainement pas l'Alliance pour le Chili, comprenant l'Union des indépendants démocrates et le Renouveau national. Résultat : les jeunes se désintéressent de la politique, comme le prouve le fait qu'en septembre dernier, date limite fixée par le gouvernement, seulement 9,2 des moins de 30 ans pour cent s'étaient inscrits sur les registres électoraux.
Contre de telles (fausses ?) certitudes, tout homme politique normalement constitué vous le dira, les slogans et les engagements ne peuvent rien. Pourtant il a plu des promesses tout au long de la campagne électorale. Ainsi Sebastián Piñera n'a-t-il cessé de faire valoir que les années Bachelet n'avaient pas vraiment profité au bon peuple et fait miroiter le mirage d'un million de nouveaux emplois, d'une lutte de tous les instants contre les trafiquants. Ainsi Eduardo Frei a-t-il tout bonnement repris à son compte le programme de l'actuelle présidente (amélioration de la condition des femmes, élargissement de la sécurité sociale aux familles des ouvriers) tout en jouant à fond sur la fibre sentimentale de ses partisans, n'hésitant pas à l'occasion à rappeler que son père, Eduardo Frei Montalva, qui fut chef de l'État de 1964 à 1970, avait été assassiné en 1982 dans le cadre d'une conspiration dont on vient de révéler les détails.
Au terme du premier tour, le candidat de la droite caracole en tête, avec une confortable avance de 14 points sur l'ancien président mais sans avoir réussi à recueillir la moitié des suffrages exprimés. Le grand arbitre paraît être Marco Enriquez-Ominami, un producteur de cinéma âgé de 36 ans et socialiste repenti depuis que le parti a, comme c'était la coutume, refusé d'organiser des primaires à l'échelle nationale. Il a aussitôt décrété que « Concertation, c'est fini », a claqué la porte, s'est présenté en candidat indépendant, a recueilli 19 pour cent des suffrages pour se poser désormais, bien qu'il s'en défende, en arbitre de la situation. Une quasi-certitude : ses voix n'iront pas à Frei, lequel bénéficiera par contre du report des bulletins de Jorge Arrate, transfuge lui aussi du centre gauche, crédité d'un score plutôt modeste mais combien précieux de 5,8 pour cent. Toujours est-il qu'une dispersion des voix profiterait à Eduardo Frei et servirait de barrage à un retour de la droite.
Le glissement à droite - une droite chilienne, il faut le souligner, c'est-à-dire modérée - a donc commencé à s'opérer et se concrétisera le 17 janvier prochain, à la faveur du second tour de cette présidentielle, ce qui permettra à ce pays de demeurer une exception dans une Amérique latine voué au rouge-gauche. Les raisons de ce changement de cap sont multiples, avec en tête une croissance négative qui se maintient depuis douze mois. L'exercice annuel sera clôturé dans deux semaines sur -2 pour cent et un taux de chômage de 9,7 pour cent. Certes, les cours du cuivre, dont le Chili est le premier producteur (45 pour cent des exportations), commencent à remonter, ce qui pourrait porter la reprise à 4,5 pour cent. Mais nul n'est prêt à assurer que la crise mondiale est terminée ni que l'électrochoc promis par les uns et les autres s'avérera efficace.
Une certitude en attendant : le système des deux partis hérité de l'ère Augusto Pinochet semble bel et bien avoir vécu. Une presque victoire pour l'ex-dictateur. Et une presque défaite pour Salvador Allende qui s'était battu pour des libertés plus larges. L'une et l'autre amères pour leurs héritiers.
Ah ! Si seulement Michelle Bachelet avait pu se représenter... Elle l'aurait emporté haut la main, elle qui continue de surfer dans les sondages, avec une popularité de 70 pour cent, chiffre sans précédent dans les annales nationales. Seulement voilà : la Constitution ne l'autorise pas à briguer un second mandat...

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