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Moyen Orient et Monde - Le point

Le rocher d’Obama

On ne plaisante pas avec la loi et l'ordre en Afghanistan. Pour avoir négligé cette évidence, un lieutenant-colonel des gardes-frontières vient d'être condamné à 20 ans de prison ferme et à une amende de 40 000 dollars, ce qui met à un dollar le kilo de haschisch, dont 40 tonnes avaient été saisies à son domicile. Plus stupéfiant - si l'on peut dire - est la découverte de l'existence, dans un pays qui continue d'assurer 90 pour cent de la consommation mondiale, d'un tribunal antidrogue qui, pour peu que l'on suive l'évolution de la situation, nous a ainsi gratifié de l'une de ses premières sentences. Consolons-nous en pensant qu'il faut un commencement à tout, que le président Hamid Karzaï, fraîchement réélu, tient parole et qu'ainsi tracée la voie est ouverte à la lutte contre la corruption. Qui sait, le jour n'est pas loin peut-être où les Afghanes jetteront aux orties leurs burqas et retrouveront le chemin de l'école.
C'est sans doute contre de telles déviations que le mollah Omar a réagi en refusant hier de négocier avec le pouvoir central, parce qu'il voit dans l'offre un stratagème permettant aux Américains et à leurs suppôts de prolonger leur présence. Cette « occupation diabolique », ainsi que la qualifie l'autoproclamé « commandeur des croyants », parlons-en. À l'heure où Barack Obama se préparait à arrêter enfin sa décision sur l'engagement d'effectifs supplémentaires, le Congressional Research Service publie sur le coût de la guerre des chiffres qui donnent déjà à réfléchir aux élus de la nation. Depuis 2001, année qui vit Washington envoyer ses premiers GI, il en a coûté au contribuable 3,6 milliards de dollars par mois, soit la coquette somme de 43 milliards par an. Ce n'est pas fini : lorsque près de 30 000 (34 000, selon diverses estimations) débarqueront en renfort, l'ardoise pourrait fort bien s'élever à 68 milliards de dollars. C'est beaucoup pour un Trésor qui ploie sous le fardeau d'un déficit budgétaire représentant 10 pour cent du PIB. Et la prochaine annonce de la promulgation de cette « loi de partage du sacrifice » n'apaisera pas le courroux que l'on sent déjà monter de la rue. D'où l'interrogation inquiète de la présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi : « Pouvons-nous nous permettre cette guerre ? » (Can we afford this war ?). Rien de moins évident.
En début de semaine, le chef de l'Exécutif a convoqué ses principaux conseillers pour leur demander ce qu'ils pensaient de la conjoncture. Les réponses, a-t-on révélé au bout des deux heures de débats, allaient du « oui » sans réserve à des efforts accrus à un « oui » tout aussi clair au désengagement par étapes, comme cela avait été le cas pour l'Irak. Dans la capitale fédérale, on s'interroge ouvertement sur le sens qu'il convient de donner à l'expression présidentielle « finish the job ». Pour les obamalogues, difficilement crédibles en la circonstance, cela signifie qu'il faut passer par un accroissement des effectifs si l'on veut hâter le désengagement. Parallèlement, il conviendra d'accélérer le rythme de préparation de l'armée locale, tout en contenant la menace d'el-Qaëda et en portant des coups de plus en plus durs aux talibans. Mener de front cette entreprise titanesque s'avère ardu au moment où Canadiens et Hollandais s'apprêtent à plier bagage, où le Britannique Gordon Brown éprouve d'énormes difficultés à convaincre ses concitoyens de la nécessité de mobiliser 500 hommes supplémentaires, à condition, a-t-il pris soin de préciser, que d'autres pays membres de l'Alliance atlantique, au nombre de dix, en fassent de même. Où, enfin, Allemands et Italiens observent un silence qui ne présage rien de bon tant paraît impopulaire cette guerre.
De l'autre côté de la frontière, on sent monter les appréhensions. Que les yankees fassent une amorce de pas en arrière et les extrémistes reprendront le dessus, aidés en cela par des complices à l'intérieur même du pouvoir en place, et surtout de l'institution militaire. Après tout, les Soviétiques n'étaient-ils pas rentrés chez eux, il y a 20 ans, laissant l'ensemble du sous-continent en proie à ses anciens démons ? À Islamabad, on demeure convaincu qu'une réédition de ce scénario demeure à tout instant plausible, malgré les assurances répétées de Hillary Clinton à la faveur de ses récentes rencontres avec les officiels pakistanais.
Aujourd'hui, ils sont nombreux, à Washington, les journalistes à avouer leur perplexité : comment ce président à l'intelligence hors pair peut-il se révéler si hésitant face aux choix à faire ? Révélation combien éloquente, hier soir, du porte-parole Robert Gibbs : « Nous n'allons pas rester là-bas huit ou neuf ans encore. » Fort bien, mais dites combien de temps et, surtout, dans quel but précis.
On ne plaisante pas avec la loi et l'ordre en Afghanistan. Pour avoir négligé cette évidence, un lieutenant-colonel des gardes-frontières vient d'être condamné à 20 ans de prison ferme et à une amende de 40 000 dollars, ce qui met à un dollar le kilo de haschisch, dont 40 tonnes avaient été saisies...

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