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Moyen Orient et Monde - Le point

Entre deux feux

On le savait depuis la haute Antiquité : ce royaume de Saba a la particularité de se rappeler au bon souvenir du monde au moment où l'on s'y attend le moins. Ainsi, nul n'avait vu venir le coup d'État fomenté à la fin du mois de septembre de l'an 1962 par un obscur officier, Abdallah Sallal, propulsé à la tête de la naissante république, vague héritière du « royaume moutawakilite » longtemps régi par un imam et ayant pour monnaie... le thaler de l'impératrice Marie-Thérèse. Pas plus que les politologues n'avaient senti se lever le vent de la révolte houthie qui recommence à déferler et inquiète tant l'Arabie saoudite voisine. Au point que, renonçant aux fioritures de la diplomatie classique, l'Amérique d'Obama vient de signer avec Sanaa un accord militaire « dans les domaines du renseignement et de la formation », s'est-on contenté d'indiquer, sans plus de précision, de part et d'autre.
Contrairement à ce que l'on pourrait être amené à penser, l'insurrection chiite ne date pas d'hier. Elle remonte aux premières années de la présente décennie, quand Hussein Badreddine el-Houthie (ou Houti) brandit l'étendard de la révolte contre le pouvoir central, accusé d'ignorer les revendications des fidèles de la confession zaïdite. Ancien député, membre du parti islamiste al-Haq, l'homme se targuait de puiser dans le vivier des tribus du nord montagneux ainsi que dans les mosquées fréquentées par les fidèles de la secte. L'alliance entre les farouches guerriers, qui avaient fini par rebuter les soldats de Gamal Abdel Nasser et les nouveaux « fous de Dieu » avait de quoi susciter un sentiment de panique. À l'issue d'une série d'expéditions militaires, le héros de cette brève éruption fut abattu en juin 2004, en même temps qu'un certain nombre de ses partisans, membres de son mouvement des Jeunes croyants.
Depuis une dizaine de jours, c'est à la réanimation de cette flamme que l'on assiste, et aussi à l'irruption sur la scène d'une Arabie saoudite qui ne se contente plus de surveiller du coin de l'œil les incidents à sa frontière orientale, en particulier dans les zones de Saada et Amran. D'où la multiplication des raids aériens et l'annonce officielle, il y a quarante-huit heures, que l'ordre règne à nouveau dans le secteur. Détail qui a son importance : dans cette province est du royaume se trouvent concentrés 90 pour cent du pétrole ainsi que 75 pour cent de la population chiite (10 à 15 pour cent des quelque 20 millions habitants).
On comprend dès lors les raisons de la célérité mise par Washington à voler au secours des troupes du président Ali Abdallah Saleh. Une autre explication se trouve dans trois lointains précédents qui n'avaient pas fait grand bruit à l'époque. En décembre 1998, un groupe de touristes occidentaux, dont deux Américains, étaient enlevés par des « terroristes ». Quatre d'entre eux étaient exécutés peu après. Le 12 octobre 2000, le destroyer USS Cole, ancré dans le port d'Aden, recevait de plein fouet une salve de roquettes. Bilan : 17 marins tués, 39 autres blessés. Enfin, en octobre 2002, une barque de pêche bourrée d'explosifs entrait en collision avec le tanker géant français Limburg, attaque revendiquée par l'Armée islamique d'Aden-Abyan. Depuis, le Yémen est considéré par tous les états-majors du monde comme une zone hautement dangereuse.
Le département d'État a des raisons d'estimer que le duel avec l'Iran khomeyniste a (aussi) pour théâtre l'antique Arabia Felix. Il y a quelque temps, un responsable de l'Alliance démocratique érythréenne, Basher Esheq, révélait que Téhéran acheminait régulièrement armes et munitions aux rebelles yéménites à travers un chapelet de localités côtières, notamment le port d'Assab, sur la mer Rouge. Abou Sleimane, qui se présente comme un « houthi repenti », va plus loin : selon lui, il existe un plan pour créer un État chiite, à cheval entre le Yémen et l'Arabie saoudite, avec la bénédiction active des Iraniens. Téhéran a beau démentir à intervalles réguliers de telles rumeurs, la conviction des généraux du Pentagone est qu'il n'y a pas de fumée sans feu. Et d'ailleurs, le périmètre où se déroulent ces jours-ci les combats ne s'appelle-t-il pas Jabal el-Doukhan ?...
Dans son nid d'aigle de Sanaa, le président Saleh n'arrête pas de tonner contre « les tyrans, les traîtres, les mercenaires », et de promettre, menaçant : « Il n'y aura pas de répit cette fois. Les escarmouches des six années passées représentaient des exercices d'entraînement pour notre armée. »
De fait, la promenade de santé s'est arrêtée il y a une semaine.
On le savait depuis la haute Antiquité : ce royaume de Saba a la particularité de se rappeler au bon souvenir du monde au moment où l'on s'y attend le moins. Ainsi, nul n'avait vu venir le coup d'État fomenté à la fin du mois de septembre de l'an 1962 par un obscur officier, Abdallah Sallal, propulsé à la tête de la...

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