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Europa Jaratouna: l'action de l'Europe dans 8 pays sud-méditerranéens - Développement

Recréer un lien entre les Palestiniens et leur patrimoine naturel

Dans le cadre du programme de l'UE « Mutual Heritage », l'ONG palestinienne Riwaq a mis au point un circuit de deux jours qui traverse huit villages et un camp de réfugiés situés le long d'un arc Ramallah-Jéricho.

Dans les territoires occupés, la moindre activité, la plus anodine soit-elle, prend souvent des allures de parcours d'obstacles. C'est le cas des promenades dans la campagne. La perspective de zigzaguer entre les check-points, les miradors et les colonies israéliennes ôte souvent aux Palestiniens l'envie de flâner dans les collines de Cisjordanie. « Chacun de nous vit dans une petite prison : la prison de Ramallah, la prison de Naplouse, la prison de Jénine, etc., explique Ghada Moubarak, coordinatrice de projet à Riwaq, une ONG basée à Ramallah et spécialisée dans la restauration architecturale. Nous avons peur de sortir. Notre seule relation avec le paysage, c'est à travers la fenêtre du taxi collectif. » Perte de contact avec la nature, fragmentation de l'espace de vie : c'est tout un pan de leur patrimoine rural qui menace de disparaître de la conscience collective des Palestiniens.
Pour endiguer ce processus, l'association Riwaq s'est insérée dans le programme « Mutual Heritage ». Financé par l'Union européenne et mené en parallèle dans cinq pays (Palestine, France, Italie, Maroc et Tunisie), « Mutual Heritage » vise à promouvoir le patrimoine architectural des campagnes méditerranéennes et à l'intégrer dans le quotidien des villes. « L'intégration est la meilleure solution pour engendrer un processus de développement territorial soucieux de la population locale ainsi que pour pérenniser l'héritage historique et valoriser le patrimoine historique », explique Roméo Carabelli, professeur à l'université de Tours, en France, qui est l'un des parrains de « Mutual Heritage ».
En Palestine, ce projet a d'ores et déjà débouché sur la mise au point d'un circuit de ballade qui traverse huit villages et un camp de réfugiés, situés le long d'un arc Ramallah-Jéricho. Le trajet, qui dure deux jours, mêle visite de sites archéologiques, découverte de traditions rurales, initiation à la gastronomie locale et nuit en hôtel ou chez l'habitant. « Le tourisme, ça commence quand on passe au moins une nuit sur place, souligne Farhat Youssef, directeur de l'unité de planification de Riwaq. Faire la tournée des monuments au pas de course, comme ces groupes qui restent deux minutes dans l'église de la Nativité à Bethléem, et qui repartent aussitôt, ça ne nous intéresse pas. Nous visons une clientèle interne, soit palestinienne, soit d'étrangers qui résident en Palestine. Nous voulons que leur passage profite aux communautés locales. »
Le sentier dessiné par Riwaq serpente notamment dans les ruelles du camp de Jalazone, témoin du traumatisme de la Nakba, l'exode forcé de 700 000 Palestiniens en 1948, lors de la création d'Israël. Il passe aussi par les tourelles de pierre éparpillées dans les champs de Silwad. Tourelles qui étaient utilisées par les paysans au XIXe siècle pour protéger les récoltes des pillards. Il s'arrête dans la brasserie de Nadim Khoury, la seule de Palestine, fierté du village chrétien de Taybeh. Il rentre dans les vieilles demeures ottomanes de Bir Zeït et Jifna. Et il comprend, bien sûr, quelques haltes dans les restaurants des environs.

S'adapter au calendrier des régions
« Dans le sillage de ce sentier, nous voulons créer une dynamique de développement, explique Farhat Youssef. À Jifna, nous avons convaincu une famille qui gérait une petite pension, fermée depuis le début de l'intifada en 2000, de la rouvrir. À Taybeh, nous avons obtenu d'une vingtaine de propriétaires de bâtisses ottomanes que nous avions réhabilitées qu'ils financent des travaux de restauration à l'intérieur. »
Le circuit prévoit en outre de s'adapter au calendrier des évènements de la région : la semaine du patrimoine en juin à Bir Zeït ; le festival de l'abricot à Jifna en juillet et la fête de la Bière en octobre à Taybeh.
Ce tourisme vert et alternatif assume aussi sa dimension politique. Si Riwaq parie sur le potentiel de sites ruraux souvent méconnus, c'est aussi parce que les itinéraires classiques balisés par l'église de la Nativité à Bethléem, celle du Saint-Sépulcre à Jérusalem et les sites de la vallée du Jourdain profitent principalement aux professionnels israéliens. En incitant les Palestiniens à se réapproprier leur environnement naturel, Riwaq s'efforce de recoller les morceaux d'un territoire haché par les dispositifs d'occupation israéliens comme le mur, les routes de contournements réservées aux colons et les barrages militaires. « Les Israéliens veulent changer le paysage de la Palestine, dit Ghada Moubarak. Ils ont tenté à une époque de planter des espèces d'arbres européens, comme le chêne, en lieu et place de la végétation traditionnelle. Nous combattons cette approche. Nous voulons restaurer un lien direct et originel entre les Palestiniens et la nature. » L'intifada verte a commencé.

*Europa Jaratouna est un projet médiatique initié par le consortium L'Orient-Le Jour, al-Hayat, LBCI, et élaboré avec l'aide de l'Union européenne. Il traite des actions de l'UE dans 8 pays du sud de la Méditerranée. Pour en savoir plus, visitez le site www.eurojar.org. Le contenu de cette publication relève de la seule responsabilité de L'Orient-Le Jour et ne peut aucunement être considéré comme reflétant le point de vue de l'Union européenne.
Dans les territoires occupés, la moindre activité, la plus anodine soit-elle, prend souvent des allures de parcours d'obstacles. C'est le cas des promenades dans la campagne. La perspective de zigzaguer entre les check-points, les miradors et les colonies israéliennes ôte souvent aux Palestiniens l'envie de flâner dans les collines de Cisjordanie....