En 10 ans, nous avons déployé 20 opérations sur trois continents pour aider à prévenir la violence, à restaurer la paix et à reconstruire les zones touchées par les conflits. De Kaboul à Pristina, de Ramallah à Kinshasa, l'Union européenne surveille les frontières, supervise les accords de paix, forme les forces de police, établit des systèmes de justice pénale et protège le trafic maritime contre les attaques pirates. Forts de nos réussites, nous recevons de plus en plus d'appels à l'aide en cas de crises ou au lendemain de guerres. Nous avons la crédibilité, les valeurs et la volonté nécessaires pour cela. En 1999, l'Union européenne était en avance sur son temps. Le caractère exhaustif et multidimensionnel de notre démarche était inédit à l'époque. Et l'Union est toujours la seule organisation à pouvoir faire appel à toute une panoplie d'instruments et de ressources qui complètent les outils classiques de politique étrangère de ses États membres, à la fois pour anticiper ou empêcher les crises, et pour rétablir la paix et reconstruire les institutions après les conflits.
C'est là que repose la valeur ajoutée unique de l'Union européenne. Nous associons l'aide humanitaire, le soutien au renforcement des institutions et la bonne gouvernance à des capacités de gestion de crises, à l'assistance technique et financière, au dialogue politique et à la médiation. Offrant une certaine souplesse, l'approche civilo-militaire conjointe de l'Union européenne nous permet de trouver des solutions sur mesure à des problèmes complexes. Les conflits d'aujourd'hui montrent plus clairement que jamais que la solution militaire n'est ni la seule ni la meilleure option, en particulier en phase de stabilisation de crises - vérité sur laquelle le président Barack Obama a lui aussi insisté.
La PESD a d'abord fait ses dents dans les Balkans. Durant les guerres yougoslaves des années 90, nous avons assisté impuissants à la mise à feu et à sang de pays voisins parce que nous n'avions pas les moyens de réagir à la crise. Nous avons retenu la leçon et nous nous sommes organisés, développant un ensemble de capacités associées à des procédures décisionnelles et à une doctrine de sécurité. En 2003, nous avons empêché par nos efforts diplomatiques une nouvelle éruption d'hostilités dans l'ex-République yougoslave de Macédoine puis avons déployé l'opération Concordia. En 2004, l'opération Althea a succédé à la force de maintien de la paix de l'OTAN en Bosnie-Herzégovine. Aujourd'hui, nous nous investissons toujours beaucoup dans les Balkans en luttant contre le crime organisé et en consolidant les institutions de l'ordre public. Par exemple, Eulex au Kosovo est la plus grande mission de l'Union européenne à ce jour, avec un effectif d'environ 2 000 agents répartis dans le système policier et judiciaire, et les douanes volantes. Les activités de gestion de crise et d'instauration de la paix de l'Union européenne ne se limitent pas à sa zone d'influence. Nous avons fait une réelle différence en Afrique en aidant par exemple à instaurer un environnement sûr pour les élections en République démocratique du Congo, et en protégeant les réfugiés et les travailleurs humanitaires contre les séquelles de la crise du Darfour. L'année dernière, nous avons formé Eunavfor, notre première opération navale, pour lutter contre la piraterie dans les eaux au large de la Somalie. Qui aurait pensé il y a 10 ans que l'Union européenne serait aujourd'hui à la tête d'une flotte de 13 frégates dans l'océan Indien qui réduirait de moitié le taux de réussite des attaques pirates ?
Cette année, l'Union européenne compte 12 opérations simultanées en cours - ce qui est plus que jamais. Depuis 2003, environ 70 000 hommes et femmes ont été déployés au titre de 23 opérations de gestion de crises. Cet effectif vient des États membres de l'Union européenne et de pays non membres qui prennent également part à nos opérations, notamment la Norvège, la Suisse, l'Ukraine, la Turquie et les États-Unis. Sur ces 23 missions, 6 sont militaires et les 17 autres civiles. Nous déployons un personnel militaire ou naval quand et où cela est nécessaire ; mais notre mission est d'instaurer la paix, non de déclarer la guerre. L'Union européenne n'est pas une alliance militaire. La solution à toute crise, à toute situation d'urgence ou à tout conflit doit toujours être politique : les interventions de la PESD sont fermement ancrées dans des stratégies politiques basées sur le consensus. Nos missions au titre de la PESD nous ont conduits aussi loin qu'Aceh, en Indonésie, où nous avons procédé au suivi de l'accord de paix conclu au lendemain du tsunami de 2004, après des décennies de guerre civile. En étroite collaboration avec l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est, nous avons joué le rôle de médiateurs entre les rebelles et le gouvernement, et avons supervisé le désarmement.
À mesure que nous enrichissons notre expérience et notre savoir-faire, nous organisons des opérations de plus en plus ambitieuses. Notre succès avec l'opération Artémis en République démocratique du Congo, où l'Union européenne est intervenue en 2003 après de violents affrontements et la crise humanitaire de Bunia, nous a préparés à mettre sur pied l'opération Eufor au Tchad et en République centrafricaine, ainsi qu'Eunavfor en Somalie, à laquelle l'Afrique du Sud souhaite se rallier. L'année dernière, nous avons montré avec quelle rapidité - en moins de trois semaines - nous pouvions mobiliser et déployer une mission de surveillance au Caucase pour aider à désamorcer la crise entre la Russie et la Géorgie, selon l'accord de paix conclu sous l'égide de l'Union européenne. En tant que membre du quartette international, l'Union européenne est profondément engagée au niveau diplomatique dans le processus de paix du Moyen-Orient. Au moment de la conclusion d'un accord entre Israéliens et Palestiniens, nous serons prêts à contribuer à sa mise en œuvre sur le terrain. Nous avons déjà une mission en Cisjordanie qui aide à la création de la police civile et du système de justice pénal palestiniens. En Somalie, nous envisageons des mesures de réforme du secteur de la sécurité pour compléter Eunavfor, en plus de l'aide humanitaire et du soutien politique que nous apportons déjà.
Pour répondre aux appels à l'aide de plus en plus nombreux à résoudre les problèmes de sécurité régionale et mondiale, l'Union européenne doit encore améliorer l'efficience et la cohérence de ses actions extérieures. À l'heure actuelle, il y a un fossé entre nos ambitions et nos ressources, que nous devons combler. Des priorités claires et des décisions plus raisonnables en matière de budget sont nécessaires. Nous devons aussi renforcer nos capacités civiles et militaires, et stimuler leur financement afin de donner plus de poids à nos décisions politiques. Il importe de perfectionner la démarche civilo-militaire conjointe unique en son genre de l'Union européenne pour la rendre encore plus souple et de consolider notre capacité à déployer des forces de réaction rapide. Durant la seconde décennie de la PESD, le traité de Lisbonne mettra tout cela à la portée de l'Union européenne.
© Project Syndicate, 2009.
Traduit de l'anglais par Magali Adams.
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