Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Le billet


Je communique donc je suis

La mise en scène du politique. À longueur de journaux, on la constate, on la décrypte, on la dénonce. Le phénomène n'est pourtant pas nouveau. Aussi loin que remonte l'histoire, les politiciens et les dirigeants se sont mis en scène.
Les levers, couchers, dîners .... des Louis successifs furent autant de spectacles auxquels étaient conviés les membres de la cour versaillaise en odeur de sainteté. Alors que la télévision n'existait pas, c'est à grands coups de pinceaux de maîtres que les hommes de pouvoir travaillaient, couche après couche, leur image. À l'instar de Napoléon qui n'avait pas hésité à se faire représenter en guérisseur dans Les pestiférés de Jaffa d'Antoine-Jean Gros, alors que, selon toute vraisemblance historique, Bonaparte, lors de l'expédition d'Égypte, avait établi un bon périmètre de sécurité entre sa personne et les écrouelles de ses hommes.
C'est avec le développement des médias de masse que la communication politique prend un nouvel essor. L'un des premiers à saisir le potentiel des médias est Franklin Delano Roosevelt qui, avec ses « Causeries au coin du feu » (Fireside chats), établit un rendez-vous radiophonique régulier avec les Américains en grande dépression. Rendez-vous au cours duquel le président explique, d'homme à « home », son programme politique. Suivant l'évolution des médias de masse, Dwight Eisenhower, quelques années plus tard, opte pour la télévision, et, plus important encore, s'offre les conseils d'un cabinet d'experts en communication. Avec lui s'ouvre l'ère du marketing politique et la naissance du « spin doctor », gourou ès relations publiques.
Aujourd'hui, ce marketing politique tourne à plein régime. Sans répit. Preuve en est l'intérêt porté aux vacances des leaders et la mise en scène, par ces dirigeants, de leurs vacances.
En la matière, la palme revient assurément à Vladimir Poutine. Pour maintenir le lien avec les Russes, le leader qui se conjugue à tous les temps - l'ex (futur?) président et actuel Premier ministre - nous gratifie, chaque été, de son portfolio bombé du torse. Dans le désordre, nous avons : Vladimir chevauchant, pectoraux aux vents, dans la toundra sibérienne ; Vladimir pêchant la truite en treillis ; Vladimir nageant le papillon à contre-courant ; Vladimir touchant le fond à bord d'un sous-marin ; Vladimir fixant un émetteur sur le dos d'un beluga qui n'avait rien demandé et Vladimir forgeant. Nous avons également, sur le mode saint Louis sous son chêne, Vladimir méditant dans un arbre. Cet été, Vladimir a dû se démener car l'année dernière, il avait placé la barre très haut, en neutralisant, sous les flashs des photographes, une tigresse à l'aide d'une flèche hypodermique. De quoi s'inquiéter quant au programme de ses prochaines vacances. Poutine sur un char aux portes de Tbilissi ?
Plus à l'Ouest, crise oblige, les leaders font profil bas. Nicolas Sarkozy a remisé le bling bling. Cet été, pas de séjour sur yacht, pas de villa de milliardaire à Wolfeboro, mais des vacances Lavandouraines dans la résidence de son épouse au Cap Nègre. Au programme estival du président, des baignades dans un coin - à en juger par le nombre de photos de Nicolas en maillot - particulièrement accessible aux paparazzis. Pour Silvio Berlusconi, l'heure d'été est à la rédemption. « Papounet », comme le surnomme si affectueusement sa très jeune amie (18 ans) Noemi Letizia, va certes passer quelques jours dans sa villa de Sardaigne, mais entouré de sa famille, ou du moins des proches qui le soutiennent encore, et non de nymphettes seins à l'air. Étant donné l'ampleur des dernières frasques du Cavaliere, son chemin de croix passera aussi par L'Aquila, ville victime d'un tremblement de terre en avril dernier, dans laquelle il devrait s'afficher cet été.
En terme d'image, l'on trouve aussi les « geeks ». Si Roosevelt « causait au coin du feu », Gordon Brown et Barack Obama twittent. Quand le 10 Downing Street se met à communiquer sous la barre des 140 caractères, ça donne ça : « PM just finished Good Morning America interview for ABC, now focused on Iraq and US-UK relations. » Ou encore ça : « Rugby Union and Rugby League World Cup tournaments will be «tremendous» additions to UK's decade of sport, PM says. »
Quand Barack twitte, le résultat n'est pas plus excitant : « History was made today when Sonia Sotomayor took the judicial oath and joined the Supreme Court. Congratulations, Justice. » Ou encore : « To small business owners : your input is crucial in the health insurance reform debate. Please weigh in. » Et pourtant, Obama a des centaines de milliers d'adeptes de son compte twitter. Le jour où un président se fendra d'une sortie sur le mode « Je suis président, parce que je le vaux bien », l'on saura que le marketing politique a atteint son paroxysme. À la vitesse à laquelle se renforcent, dans certains pays, les relations entre grand patronat et pouvoir politique, l'on ne devrait pas être loin de l'apothéose.

La mise en scène du politique. À longueur de journaux, on la constate, on la décrypte, on la dénonce. Le phénomène n'est pourtant pas nouveau. Aussi loin que remonte l'histoire, les politiciens et les dirigeants se sont mis en scène. Les levers, couchers, dîners .... des Louis successifs furent autant de spectacles auxquels...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut