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Moyen Orient et Monde

Berlusconi, le sexe et le lit de Poutine

D'Arnold CASSOLA*
Les exploits politiques et sexuels du Premier ministre italien Silvio Berlusconi font la une des journaux du monde entier et pas seulement de la presse à sensation. Ces histoires ne seraient que drôles - ce qu'elles sont sans l'ombre d'un doute - si elles n'étaient si nuisibles à l'image de l'Italie et si révélatrices de l'immobilisme politique du pays. Malgré les scandales récurrents, « Il Silvio Nazionale » reste de loin le politicien italien le plus populaire (bien que sa cote de popularité soit maintenant tombée sous la barre des 50 pour cent pour la première fois depuis qu'il est revenu au pouvoir en 2008). L'une des raisons de la longévité politique de Berlusconi, malgré ses nombreux faux pas, est d'ordre culturel. Comme les autres sociétés latines ou méditerranéennes avec une forte tradition catholique, la société italienne a depuis longtemps appris à accepter sereinement l'idée d'une double vie, avec d'un côté un attachement déclaré aux valeurs familiales et de l'Église, et de l'autre, une autre vie, souvent vécue ouvertement et composée de maîtresses et d'autres connexions « douteuses ».
Les politiciens catholiques italiens mènent souvent ce genre de vie. Ces dernières années, outre Berlusconi lui-même, il n'était pas rare de voir d'autres politiciens divorcés, comme le dirigeant du Parti centriste catholique Pier Ferdinando Casini ou le porte-parole du Parlement Gianfranco Fini, déclamer un discours enflammé le matin sur l'importance de l'unité traditionnelle de la famille et les liens sacrés du mariage, participer à une audience émouvante avec le pape l'après-midi pour ensuite rejoindre en toute hâte dans la soirée leurs compagnes célibataires et mères de leurs derniers enfants.
L'acceptation tacite de ce genre de comportement a été plus ouvertement admise ces dernières années, grâce sans doute à Berlusconi et ses holdings de médias. Dans les années 1970, la principale ambition d'une famille de la classe ouvrière italienne pour ses enfants était qu'ils étudient, aillent à l'université et deviennent médecin ou avocat. Depuis la fin des années 1970, et surtout au cours des années 1980 et 1990, les trois chaînes de télévision privées de Berlusconi ont mis en exergue le modèle fallacieux et illusoire de la réussite fulgurante, popularisée par des séries américaines comme Dallas. Depuis les années 1990, ses chaînes diffusent des programmes comme Big Brother et d'autres programmes de variétés dominés par des comédiens, des culturistes et des jeunes filles fort peu vêtues, connues sous le nom de veline. En l'espace de trente ans à peine, les chaînes de télévision de Berlusconi sont parvenues à imposer à la société italienne cette image trompeuse de la réussite. Et aujourd'hui, l'ambition de nombreuses mamans de la classe ouvrière italienne est de voir leur fille devenir une velina, qui réussira à son tour à faire parler d'elle dans la presse à sensation en flirtant avec un culturiste devenu vedette de TV ou avec un jeune joueur de football prometteur. Devenir médecin ou avocat n'est plus considéré comme une marque de succès.
Malgré son absence de muscles et de cheveux, Berlusconi est l'incarnation de ce genre de réussite. L'ancien chanteur de cabaret, devenu l'un des hommes d'affaires les plus riches au monde, est aussi parvenu à devenir le politicien le plus puissant d'Italie - et certainement l'un des politiciens les plus hauts en couleur du monde. Jusqu'à récemment, l'Italien moyen le prenait comme modèle, comme un homme qui avait réussi sur tous les plans.
Mais ce n'est plus vraiment le cas. Les gens admirent moins Berlusconi aujourd'hui, parce que l'hypocrisie est devenue trop flagrante. Se vanter de son image de macho méditerranéen pouvait être porteur pour un politicien italien, mais cette image perd de son attrait quand le même politicien lance une campagne d'éradication de la prostitution, avec à la clé des peines de prison éventuelles pour les clients, alors que lui-même fréquente des escorts-girls. Les Italiens n'ont pas non plus particulièrement apprécié qu'un certain nombre de candidates choisies pour les récentes élections européennes n'aient pas d'autres qualifications apparentes que d'être de jolies jeunes filles ayant séjourné dans la villa de Sardaigne ou au palazzo romain du Cavaliere.
Il semble aujourd'hui certain que Berlusconi ne sera jamais élu président de l'Italie, le poste qu'il convoitait le plus ardemment. D'après certaines rumeurs, des membres de sa famille et de son propre parti se retourneraient aussi à présent contre lui à cause de son comportement. Certains affirment même qu'il sera obligé de démissionner avant la fin de l'année.
Ces rumeurs pourraient bien se révéler vraies. Le dernier scandale en date porte sur des conversations enregistrées entre Berlusconi et une escort-girl rémunérée, à propos de leurs ébats dans sa villa sarde, sur le grand lit que lui a offert son homologue russe Vladimir Poutine. Une disgrâce politique liée à un lit offert par le Kremlin serait un dénouement que même les chaînes de télévision de Berlusconi n'auraient pu inventer.

© Project Syndicate, 2009.
Traduit de l'anglais par Julia Gallin.

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