Y a-t-il, quelque part dans le monde évolué, une preuve que la femme est moins capable de prendre soin de ses parents, lorsque ces derniers prennent de l'âge et ont besoin d'assistance ?
Certainement pas.
Mais le Liban en a décidé autrement. Plus spécifiquement la Caisse nationale de Sécurité sociale, qui continue d'opérer une flagrante discrimination à l'égard de la femme active parce qu'elle est femme tout simplement.
Car, à la CNSS, sous prétexte que la femme active est destinée à se marier et à quitter le domicile parental, on lui refuse le droit d'avoir ses parents à charge de manière permanente. Ce droit, c'est chaque année qu'elle doit le faire valoir, alors que l'homme, lui, n'est tenu de le faire valoir que tous les cinq ans, et encore...
Je m'explique. Aussi bien l'homme que la femme professionnellement actifs ont en principe accès à la Sécurité sociale. Aussi bien l'un que l'autre s'acquittent à égalité de leurs cotisations mensuelles, directement prélevées sur leur salaire. L'un et l'autre devraient donc avoir la possibilité d'accorder à leurs parents l'accès aux soins médicaux de la CNSS à égalité. Logique, non ?
Mais alors, pourquoi la femme doit-elle, chaque année à la même période, renouveler la formalité et se pointer à la CNSS, munie de l'extrait d'état civil familial de ses parents datant de l'année en cours, d'une attestation de son emploi, de son affiliation et de celle de ses parents à la Sécurité sociale, et d'une preuve qu'elle est bien la seule personne de la fratrie à s'occuper de ses parents ? Pourquoi les inspecteurs de la CNSS doivent-ils chaque année mener l'enquête auprès des parents de la femme présentant cette requête, même si cette enquête n'est souvent que pure formalité ? Pourquoi l'homme, lui, est-il exempté de cette tracasserie annuelle et n'est invité à présenter la demande de renouvellement que tous les cinq ans ? Sans compter que l'on est nettement moins regardant envers ce dernier, comme l'affirme une fonctionnaire de la CNSS.
Pour une source proche de l'organisme en question, ces exigences ne sont pas une question d'inégalité, mais « un état de fait ». La Caisse estime que « la femme est appelée à se marier et qu'elle ne pourra donc plus rassembler les deux conditions indissociables pour avoir ses parents à charge » : entretenir ses parents et vivre avec eux sous le même toit, ou alors leur payer le logement.
Il est légitime à ce niveau de se demander où est le rapport entre le mariage de la femme et son soutien à ses parents. Il est aussi légitime de se demander pourquoi une telle considération ne s'applique pas aux hommes qui se marient. C'est tout simplement que l'homme est considéré par la CNSS comme jouissant « d'une plus grande stabilité que la femme ».
Pas une question d'inégalité, dites-vous ?
La décision est administrative et propre à la CNSS. Seul le directeur général et le conseil d'administration de la Caisse ont le pouvoir de lever la honteuse discrimination à l'égard des femmes opérée par l'organisme. Qu'il ne leur vienne pas à l'idée d'invoquer le prétexte de combattre la fraude. Car le cas échéant, ils auraient le devoir de s'acquitter de cette tâche auprès des femmes et des hommes au même titre. Mais l'organisme n'en est pas à une contradiction près...