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Moyen Orient et Monde

Mon plan pour lâcher la bombe

La destruction de Hiroshima et de Nagasaki en 1945 est à la fois une fin et un commencement. Après la Seconde Guerre mondiale, la guerre froide soutint une paix précaire reposant sur la menace de l'éventualité d'une destruction mutuelle. Le monde se retrouve aujourd'hui à un nouveau tournant de son histoire. La conviction qui prévalait selon laquelle les armes nucléaires seraient indispensables au maintien de la paix tend à s'effriter. Le désarmement est à nouveau réinscrit à l'agenda international - il était temps. Un ensemble de nouvelles initiatives internationales devraient permettre de faire avancer cet agenda.
La fin de la guerre froide, dont on fêtera le vingtième anniversaire cet automne, devait assurer la paix. Mais nous sommes toujours confrontés à de sérieuses menaces nucléaires. D'une part, il persiste encore aujourd'hui plus de 20 000 armes nucléaires en circulation et la contagieuse doctrine de la persuasion nucléaire fait encore des émules. À cela s'ajoutent les essais nucléaires, plus d'une douzaine depuis 20 ans, et ceux sur les missiles à longue portée. Enfin des inquiétudes subsistent quant à l'obstination de certains pays, et de terroristes, à s'approprier la bombe.
Pendant des dizaines d'années, nous avons cru que les terribles effets de l'arme nucléaire suffiraient à empêcher son utilisation. Les superpuissances étaient comparables à deux scorpions enfermés dans la même bouteille, chacun sachant qu'une première attaque serait suicidaire. La multiplication des nids de scorpions aujourd'hui, cependant, signifie que personne n'est plus en sécurité. Les présidents russe et américain, tous deux détenteurs des arsenaux nucléaires les plus importants, l'admettent. Ils se sont donc accordés, lors de leur récent sommet à Moscou, autour d'un objectif commun de libérer le monde de l'arme nucléaire et de trouver de nouvelles solutions pour réduire plus encore ces arsenaux. De nombreux efforts sont entrepris un peu partout dans le monde pour atteindre cet objectif. Les 65 membres de la conférence sur le désarmement, forum dont émanent les traités multilatéraux de désarmement, ont évité l'impasse en se mettant d'accord pour entamer des négociations en vue d'un traité sur les matériaux fissiles. Le désarmement nucléaire et la protection des États qui ne détiennent pas l'arme nucléaire seront d'autres thèmes qui devraient être abordés ultérieurement.
Par ailleurs, l'Australie et le Japon ont lancé une commission internationale d'importance sur la non-prolifération nucléaire et le désarmement. Ma propre campagne multimédia, intitulée « WMD-WeMustDisarm! » (Nous devons désarmer), dont le moment fort sera la Journée internationale de la paix le 21 septembre prochain, viendra renforcer les appels déjà nombreux en faveur du désarmement émanant d'anciens chefs d'État et de campagnes telles que « Global Zero ». Ces appels recevront un soutien supplémentaire en septembre lors de la réunion à Mexico de différents groupements de la société civile dans le cadre d'une conférence parrainée par les Nations unies sur le désarmement et le développement.
L'ONU travaille sur le désarmement depuis 1946, mais seuls deux traités négociés sous ses auspices concentrent l'attention du monde. En septembre se tiendra aussi la réunion des pays signataires du CTBT (Traité d'interdiction complète des essais nucléaires) à l'ONU pour définir les modalités de son entrée en vigueur dans les plus brefs délais. Les essais nucléaires de la Corée du Nord, ses lancements de missiles et ses attaques provocatrices sont autant de raisons de traiter ces sujets en urgence. L'ONU sera aussi le siège en mai prochain d'une importante conférence de révision prévue sur cinq ans réunissant les pays qui ont ratifié le Traité de non-prolifération nucléaire (NPT). Cette conférence permettra d'étudier l'état de ce « grand marché » des traités sur le désarmement, la non-prolifération et l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire. Si le CTBT peut effectivement entrer en vigueur, et si le travail de la conférence de révision du Traité de non-prolifération avance comme il se doit, le monde sera sur le bon chemin vers une planète sans armes nucléaires.
Mon plan en cinq points pour parvenir à cet objectif démarre par un appel aux États qui ont ratifié le Traité de non-prolifération pour qu'ils poursuivent les négociations sur le désarmement en toute bonne foi, ainsi que l'exige le traité, soit par une nouvelle convention, soit par une série d'instruments de renforcements mutuels adossés à un système de vérification crédible. Le désarmement doit pouvoir être vérifié de façon fiable. En second lieu, j'encourage vivement le Conseil de sécurité à envisager d'autres moyens pour renforcer la sécurité dans ce processus de désarmement et à protéger les États ne possédant pas l'arme nucléaire contre les menaces nucléaires. J'ai proposé au Conseil de convenir d'un sommet sur le désarmement nucléaire et j'encourage les pays non signataires du traité de non-prolifération à geler leur arsenal et à s'engager d'eux-mêmes sur la voie du désarmement. Le désarmement doit encourager la sécurité. Ma troisième proposition est en lien avec l'autorité de la loi. Il faut une adhésion universelle aux traités multilatéraux, comme au respect des zones régionales exemptes d'armes nucléaires et au nouveau traité sur les matériaux fissiles. Le soutien du président Barack Obama en faveur de la ratification américaine du CTBT est bien sur le bienvenu ; il ne manque que quelques signatures pour que le traité puisse entrer en vigueur. Le désarmement doit être ancré dans un cadre d'obligations légales. Mon quatrième point concerne la transparence et la responsabilité. Les pays détenant des armes nucléaires devraient publier plus d'informations sur ce qu'ils entreprennent pour remplir leurs engagements de désarmement. Alors que la plupart de ces pays ont déjà révélé certains détails de leurs programmes d'armement, nous ignorons toujours le chiffre exact des armes nucléaires existantes aujourd'hui dans le monde. Le secrétariat des Nations unies pourrait servir de dépositaire pour de telles données. Le désarmement doit être visible au public. Enfin, j'insiste sur la nécessité d'éliminer toutes les autres armes de destruction massive, de limiter les missiles, les armes spatiales et les armes conventionnelles. Tout cela est nécessaire pour parvenir à un monde sans armes nucléaires. Le désarmement doit anticiper les dangers provenant d'autres armes.
Ceci est donc mon programme pour lâcher la bombe. Les défis posés par la sécurité mondiale sont déjà suffisamment sérieux pour ne pas en rajouter avec les armes nucléaires ou leur acquisition par de nouveaux États, ou même des acteurs extérieurs. Bien sûr, le processus de désarmement bénéficierait clairement d'une plus grande stabilité stratégique, de la confiance entre les nations et du règlement des conflits régionaux. Mais le désarmement a sa propre contribution à apporter au service de ces objectifs et ne devrait plus être retardé. Cela permettrait de restaurer l'espoir pour un futur en paix, plus sûr et plus prospère. Il mérite le soutien de chacun.

© Project Syndicate,  2009. Traduit de l'anglais par Frédérique Destribats.
La destruction de Hiroshima et de Nagasaki en 1945 est à la fois une fin et un commencement. Après la Seconde Guerre mondiale, la guerre froide soutint une paix précaire reposant sur la menace de l'éventualité d'une destruction mutuelle. Le monde se retrouve aujourd'hui à un nouveau tournant de son histoire. La conviction qui prévalait...

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