Son collègue, Shfaqat Abbas Khan, expert des glaciers du Groenland à l'Institut spatial du Danemark, fait un constat encore plus « alarmant ». « Ce glacier, le plus rapide de l'hémisphère Nord et l'un des plus actifs au monde, n'a jamais déversé autant de glaces, plus de 30 km3 par an actuellement contre 10 vers 2000 et 5 seulement en 1992 », précise-t-il en se basant sur des observations par satellite, GPS et sur le terrain. Visité par des personnalités du monde entier, emmenées par hélicoptère à son chevet, Sermeq Kullajeq, est « l'exemple le plus visible et le plus frappant du changement climatique », selon ce scientifique.
La situation du glacier d'Ilulissat n'est pourtant pas unique. « Beaucoup de glaciers du Groenland fondent à un rythme plus ou moins rapide, et même un accord ambitieux au sommet (du climat) à Copenhague en décembre (sur une réduction significative des gaz à effet de serre dans le monde) ne pourrait pas stopper cette évolution », dit-il. « On peut espérer à tout le moins qu'en réduisant les émissions de CO2, on puisse limiter les dégâts », pense-t-il.
Et les conséquences de cette accélération du dégel des glaciers entraîneraient une augmentation du niveau des océans « beaucoup plus élevée que les estimations du panel du climat de l'ONU qui prévoyait une hausse comprise entre 18 et 59 cm d'ici à 2100 ». « En fait, si le dégel constaté dans les glaciers du sud-est, de l'ouest et du nord du Groenland s'étendait au reste de l'île, le niveau des mers augmenterait entre 1 et 1,5 m à la fin du siècle », estime-t-il, rappelant que « le panel onusien n'a pas tenu compte dans ses estimations des glaciers du Groenland ». La calotte glaciaire du Groenland (de 1,7 million de km2) « n'est pas en équilibre », comme « le croit ce panel », car elle « perd beaucoup plus de glaces l'été qu'elle ne reçoit de neige l'hiver », relève-t-il.
Du ciel, le glacier d'Ilulissat offre une vue majestueuse de pics, de herses, de lacs bleutés et de rivières serpentant dans un paysage fascinant. « Mais ne vous y trompez pas, ce glacier est "malade" à cause du réchauffement climatique brisant peu à peu son extrémité qui déverse avec fracas quelque 85 millions de tonnes de glace par jour, cavalant dans le fjord à une vitesse de 30 à 40 mètres par jour », selon le glaciologue.
Les scientifiques américains ont eux aussi constaté son état maladif, indiquant en 2008 que sa bordure n'avait jamais été aussi loin à l'intérieur des terres en 150 ans d'observation. « En fait, son front ne peut plus reculer aujourd'hui, car il ne repose plus sur l'eau, mais sur la terre ferme de l'indlandsis, à 500 mètres au-dessous du niveau de la mer », selon M. Ahlstroem, de l'Institut de recherches géologiques du Danemark et du Groenland (GEUS), et coresponsable d'un projet de l'UE, « ice2sea ». « La question est de savoir, dit-il, ce qui va se passer si les eaux plus chaudes du fjord s'infiltrent dans ce glacier pour en accélérer le dégel. »
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