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Moyen Orient et Monde - Le point

Lendemain de fête

Tout au long des journées précédant ce 30 juin 2009, la chaîne officielle al-Irakiya avait affiché sur un coin de l'écran une horloge marquant le compte à rebours, accompagnée de spots à la gloire du pays, de son peuple et de son histoire. Sur les murs un slogan fleurissait, répercuté à l'infini : « Irak ma patrie, ma gloire, mon honneur. » Et au jour J, Nouri Kamal al-Maliki s'en était donné à cœur joie, célébrant « une grande victoire » qui avait libéré le pays de l'occupation étrangère. Tête de « l'occupant étranger », résigné toutefois à voir le Premier ministre endosser les habits de libertador... Aucune allusion, dans le discours télévisé, à la présence secourable des troupes américaines même si, la veille, il avait tenu à remercier le général Ray Odierno pour les sacrifices consentis par ses hommes au nom de l'entreprise de pacification engagée six ans plus tôt.
Pragmatiques comme ils savent l'être, les Américains avaient tôt fait de trouver une justification à cette ingratitude, « la marque des grands peuples », disait Plutarque. Il est important pour le gouvernement de paraître fort aux yeux de son peuple surtout si, comme tout un chacun le prévoit, l'insurrection s'apprête à repartir à l'assaut, une perspective que laisse présager le désolant bilan des semaines passées : 200 civils tués, des centaines d'autres blessés, et quatre militaires US abattus lundi dans un affrontement qui a pris l'allure d'un sinistre adieu aux armes US. Le danger représenté par ce regain de violence, Maliki a cru pouvoir l'écarter en accusant de petits groupes de « takfiri », comprendre les anciens baassistes, autrefois principal soutien du régime de Saddam Hussein qui ont infiltré depuis quelque temps les « sahwas » (milices sunnites) après s'être battus aux côtés des forces du régime puis de se trouver de nouveaux alliés auprès de la direction d'el-Qaëda. Qu'adviendrait-il si, demain, il faudra de nouveau s'en remettre aux 131 000 Américains qui continuent de camper dans leurs baraquements ? Et à qui leurs officiers ont dit : « Votre travail est de faire ce que l'on vous dit. Un jour vous pouvez appuyer sur la gâchette, le lendemain nettoyer les vitres ou faire de l'humanitaire. »
Mais foin de sinistrose : l'heure, vous dit-on, est aux célébrations. Qu'importe dès lors si, sur les podiums, on retrouvait hier les chantres de l'ancien régime, passés avec une (pas si) déroutante aisance dans le camp des vainqueurs d'aujourd'hui. L'accent est mis non point sur la date de la chute du tyran mais sur le 30 juin 1920, quand Mirza Mohammad Taki el-Chirazi et ses Brigades de la révolution avaient déclenché un vaste mouvement de contestation contre l'occupant britannique, réprimé dans le sang. Prudent, Barack Obama parle, lui, du presque retrait comme d'une simple « étape importante » et met en garde contre « des jours difficiles à venir ». Signe qui ne trompe pas, sa brève remarque, le président l'a faite dans le cadre d'un discours prononcé lors d'une cérémonie dans la capitale fédérale en l'honneur d'un groupe d'hommes d'affaires.
En six ans, les politiciens du pays des bords de l'Euphrate n'ont pas manqué d'occasions de festoyer, qu'il s'agisse de la capture en décembre 2003 de l'ex-président, de 2004 quand l'Autorité provisoire de la coalition alliée a remis le pouvoir à un cabinet intérimaire, du 1er janvier dernier date à laquelle fut conclu l'accord de sécurité, en passant par l'année 2006 qui vit l'Irak renouer avec la démocratie grâce à des élections législatives. Les raisons d'espérer l'avènement de jours meilleurs sont multiples, ne serait-ce qu'en raison des précautions prises pour éviter des heurts interconfessionnels. À la police donc le contrôle des régions chiites et à l'armée celui des zones sunnites. Les check-up sont innombrables, censés suppléer l'absence de soldats américains, ces derniers devant rentrer chez eux dans les derniers jours de 2011.
En ce milieu de semaine, ce qui inquiète les autorités c'est, paradoxalement, moins l'état de la sécurité que le peu de succès rencontré par l'appel d'offre lancé pour l'exploitation de six champs pétrolifères et de deux gisements de gaz. Un seul consortium, emmené par British Petroleum et la Chinese National Petroleum Corp. a répondu présent, les autres soumissionnaires potentiels ayant avancé des propositions revues à la baisse. Il y a urgence car le Trésor, à court de liquidités, s'attendait à un rush sur les 43 milliards de barils de brut mis aux enchères. Il a dû déchanter. Pour un pays qui détient les troisièmes réserves de la planète (115 milliards de barils prouvés), derrière l'Arabie saoudite et l'Iran, le réveil est pénible.
Il risque de l'être davantage encore au plan sécuritaire s'il s'avère qu'en six ans, rien ou presque n'a été fait pour désarmer les esprits.
Tout au long des journées précédant ce 30 juin 2009, la chaîne officielle al-Irakiya avait affiché sur un coin de l'écran une horloge marquant le compte à rebours, accompagnée de spots à la gloire du pays, de son peuple et de son histoire. Sur les murs un slogan fleurissait, répercuté à l'infini :...

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