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Moyen Orient et Monde - Terrorisme

L’armée pakistanaise risque une victoire à la Pyrrhus dans la vallée de Swat

La reconstruction et la réinstallation des populations déplacées sont vitales pour Islamabad afin d'éviter une radicalisation des jeunes et leur ralliement aux talibans, estiment des experts.
L'armée pakistanaise va sans doute reprendre aux islamistes armés la vallée de Swat, mais si la bataille de la reconstruction et de la réinstallation des populations est perdue, ce sera une victoire à la Pyrrhus, préviennent des experts internationaux. Et le déplacement à l'intérieur du pays de près de 2,5 millions de Pachtounes pourrait déstabiliser le pays en modifiant les équilibres ethniques et politiques, ajoutent-ils.
Pour Mariam Abou Zahab, spécialiste de la région au CERI-Sciences-Po à Paris, « si les autorités pakistanaises n'arrivent pas très vite à venir en aide aux personnes déplacées, elles vont basculer de l'autre côté et prendre fait et cause pour les talibans ». « Il suffit de peu de choses. Pour l'instant, elles détestent autant l'armée qui les bombarde que les talibans qui faisaient régner la terreur », précise-t-elle à l'AFP. « Elles attendent de voir comment elles vont être traitées. Si leurs besoins sont pris en compte et qu'un effort considérable est fait, cela peut marcher. Mais le problème, c'est que ça se passe rarement comme ça », ajoute-t-elle.
Lors de catastrophes naturelles comme les tremblements de terre ou après des offensives militaires ailleurs, l'État pakistanais n'a pas fait preuve d'une grande efficacité dans la reconstruction, laissant la porte ouverte aux associations proches de la mouvance islamiste radicale, assure Farzana Shaikh, du Royal Institute of International Affairs (Chatham House) de Londres. « Dans le passé, le gouvernement a très mal géré les programmes de reconstruction et de réinstallation », dit-elle à l'AFP. « Il y a déjà des informations inquiétantes sur des ONG caritatives liées aux groupes militants très actives auprès des réfugiés, faisant auprès d'eux tout ce que le gouvernement est incapable de faire », indique-t-elle, ajoutant : « La réinstallation des gens dans le district de Swat va être vitale pour consolider les victoires militaires. L'armée va-t-elle réellement tenir à long terme les régions d'où elle chasse les militants ? Et le gouvernement a-t-il une stratégie cohérente pour la réinstallation de 2,5 millions de personnes ? Les tentatives précédentes pour gérer des conflits similaires ont généralement donné de très mauvais résultats. »
Craignant la chaleur et la promiscuité, ces populations de montagnards pachtounes, religieux et socialement conservateurs, évitent autant que possible les camps de réfugiés : seuls 15 à 20 % des personnes déplacées depuis le début de l'offensive fin avril y sont hébergées. Les autres se sont réparties dans les autres régions du pays, en particulier dans le Penjab ou à Karachi, où cet afflux de Pachtounes est vu d'un très mauvais œil par les forces ethniques et politiques locales.
« Les gens de Swat se sont dispersés dans toutes les directions, et c'est le principal danger actuellement », assure à l'AFP Arif Jamal, spécialiste de la région à la New York University. « Ce déplacement représente le changement démographique le plus important dans la région depuis la création du Pakistan en 1947 (...). Beaucoup s'installent au Penjab et vont y rester. Beaucoup s'installent à Karachi, qui était déjà la plus grande ville pachtoune au monde. Ils vont y constituer une menace sérieuse pour l'équilibre des pouvoirs. Des émeutes ont déjà eu lieu : un tel déplacement de populations peut dégénérer en guerre civile. » Pour Mariam Abou Zahab, « des Pachtounes urbanisés de force, coincés des années dans des camps, rejetés par les populations locales, peuvent avoir un effet destructeur sur la société... Un terreau parfait pour la radicalisation, surtout des jeunes ».
En attendant, l'armée pakistanaise a annoncé hier avoir neutralisé un bastion de militants islamistes dans le district de Swat et tué 28 combattants au cours des dernières 24 heures. Toutefois, il n'était pas possible de vérifier de source indépendante les informations communiquées par l'armée, la zone des combats étant interdite aux journalistes.
L'armée pakistanaise va sans doute reprendre aux islamistes armés la vallée de Swat, mais si la bataille de la reconstruction et de la réinstallation des populations est perdue, ce sera une victoire à la Pyrrhus, préviennent des experts internationaux. Et le déplacement à l'intérieur du pays de près de 2,5 millions...

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