Sur les épaules nues de la cantatrice, une écharpe (oui, la salle était une véritable glacière !) en soie au motif ramagé avec de longues fanfreluches arrivant aux chevilles, au ton bleu de nuit gitane...
Premiers accords flamboyants d'une guitare constamment éloquente, vibrante, véhémente. Pour battre le rythme et suivre la cadence, deux jeunes hommes vêtus de noir avec les cheveux en chignon au bas de la
nuque...
Debout, le geste vif, le regard étincelant, les talons plantés au sol de la scène, telle une tragédienne antique, Esperanza Fernandez est l'incarnation du chant flamenco.
De Bulerias à Fandangos, en passant par des Soleas, des Alegrias, des Granaima, des Seguiriya et un tango de Triana, la voix puissante de Fernandez a pris les rênes du pouvoir : celui de l'émotion, des cris du cœur, des élans de la passion...
Une voix délicate et voilée, tour à tour douce, âpre ou sophistiquée, plaintive ou péremptoire, recueillie ou aux débordements passionnés.
Une voix qui prête ses mille facettes pour un chant aux beautés multiples. Un chant unique et profond, qu'on appelle d'ailleurs si naturellement « La cante jondo ».
Auréolée de prix (prix al-Andalus 2009, prix Giraldillo del cante), familière des feux de la rampe dès ses seize printemps, dotée d'un impeccable sens de la mesure avec cette voix imprégnée de toutes les nuances, Esperanza Fernandez aborde avec aisance et brio des styles distincts et variés.
On peut, bien entendu, reprocher des accents trop criards, larmoyants ou répétitifs dans ce tour de chant voué aux éclats indomptables et presque sauvages de la passion. Mais nul ne conteste une prestation habitée par le feu sacré d'un chant absolument incantatoire.
L'approche du flamenco d'Esperanza Fernandez, par-delà les remarquables inflexions et modulations de sa voix, reste absolument sobre, originale et personnelle.