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Moyen Orient et Monde - Le point

Surcouf, Barberousse & C°

En novembre dernier, des pirates à bord d'un dinghy s'emparaient, au large des côtes kenyanes, du Sirius Star, un tanker saoudien de plus de 300 mètres de long, transportant deux millions de barils de pétrole, soit le quart de la production quotidienne du royaume. Dans les premiers jours du mois en cours, des bandits opérant dans le golfe de Aden réussissaient l'exploit de saisir 16 navires en l'espace de quarante-huit heures malgré la présence dans le secteur d'une armada mobilisée par une douzaine de nations, dont les États-Unis. Du coup, ressurgissent des images vieilles de 200 ans, quand les bandits des mers écumaient les eaux des États barbaresques et qu'un certain Thomas Jefferson évoquait, horrifié, « des hommes lancés à l'abordage, tenant une épée dans chaque main et une troisième entre les dents ».
De nos jours, les chiffres sont éloquents : un butin de près de 150 millions de dollars l'an dernier, fruit de plus de 120 attaques de navires marchands, menées le plus souvent à partir d'embarcations sommaires par une poignée d'hommes armés de fusils lance-roquettes et de kalachnikovs. Depuis février, on est passé à des assauts en haute mer contre 78 bateaux, dont 16 se sont évaporés dans la nature en même temps que quelque 300 otages. Et l'opinion publique découvre, étonnée, que la mobilisation décrétée par les puissances grandes et moins grandes, dont la Chine et la Russie, se révèle impuissante à contenir le danger qui guette les 20 000 navires qui empruntent chaque année cette voie maritime reliant le canal de Suez et la mer Rouge à l'océan Indien. La solution de rechange, qui consisterait à adopter le détour du Cap de Bonne Espérance, nécessiterait deux semaines supplémentaires et donc reviendrait bien plus cher. On pourrait toujours rêver d'un contrôle international si la zone incriminée ne représentait pas une superficie de 1 800 000 kilomètres carrés.
Il est évident que l'appât du gain constitue la seule motivation des bandits. Même si l'un de ceux-là, Omar Dahir Idle, déclarait l'autre jour à l'Associated Press : « Nul ne nous empêchera de défendre notre patrie ; nous sommes prêts à mourir pour elle. » Louable nationalisme, surtout si l'on songe que depuis l'effondrement de la Somalie, des centaines de bateaux de pêche opèrent dans cette région dont la faune marine est d'une richesse énorme. Un rapport des Nations unies estime que la razzia fait perdre à ce pays de la Corne de l'Afrique non moins de 300 millions de dollars chaque année.
La désintégration de l'ancienne colonie italienne puis britannique a commencé en 1991, quand les différents clans, soutenus et armés par l'Éthiopie, avaient renversé le régime du président Siad Barré. Depuis, elle n'a cessé de s'aggraver. De nos jours, les seigneurs de la guerre continuent de s'affronter en des combats sans issue, dans un pays ravagé par la famine et la maladie. Venus en 1992 au secours des 8 millions d'habitants, les Américains sont bien vite devenus la cible des groupes ennemis, perdant au cours d'un affrontement avec les partisans de Mohammad Farah Aidid 18 des leurs. À Washington, on se dit convaincu qu'el-Qaëda d'Oussama Ben Laden dispose d'un quartier général à partir duquel des opérations sont régulièrement lancées, en particulier au Yémen. Mais nul à la Central Intelligence Agency ne veut s'aventurer loin dans ses supputations tant les informations sont rares, sinon inexistantes. D'ailleurs, les objectifs sont quasi inaccessibles ; quant aux insurgés et aux pirates, ils se fondent dans la population sitôt accompli leur méfait.
On le voit, ce qui se passe en mer est le reflet de la conjoncture à terre. Le Premier ministre, Omar Abirachid Ali Sharmarke, se plaint - « Nous sommes tenus pour quantité négligeable » -, mais bombe le torse : «Nous savons tout sur les écumeurs de mer, leur identité et la manière dont leurs groupes fonctionnent. Si seulement on voulait nous donner le feu vert... » Quant au président, cheikh Charif cheikh Ahmad, il cite le précédent de 2006, époque où un calme, certes précaire et de courte durée, avait prévalu. À l'époque, dit-il, nos cours islamiques menaçaient d'appliquer la charia et d'exécuter les contrevenants aux lois en vigueur. Aujourd'hui, il suffirait selon lui d'un millier d'hommes pour rétablir la sécurité. Pas facile à trouver car les crédits manquent cruellement, et le flot d'argent jadis fourni par les organisations internationales est tari. Il reste les recettes provenant des taxes portuaires, nettement insuffisantes avec leurs misérables 2 millions de dollars par mois.
Le même Sharmarke : « Les boucaniers s'enrichissent et l'État s'appauvrit. Bientôt, ils seront peut-être en mesure de renverser le régime. » Dont les maîtres se transformeraient à leur tour en pirates ?...
En novembre dernier, des pirates à bord d'un dinghy s'emparaient, au large des côtes kenyanes, du Sirius Star, un tanker saoudien de plus de 300 mètres de long, transportant deux millions de barils de pétrole, soit le quart de la production quotidienne du royaume. Dans les premiers jours du mois en cours, des bandits opérant dans le golfe de Aden...

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