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Moyen Orient et Monde - Le point

De la mesure

Dans un pays où il arrive souvent aux ministres de demeurer en place une trentaine d'années, le remaniement intervenu le week-end dernier en Arabie saoudite revêt la forme d'un bouleversement appelé à avoir, par-delà le retentissement médiatique qu'il a déjà eu, une série de répliques d'ordre pratique sur le triple plan local, régional et même international. Le roi vient en effet de dessaisir les instances religieuses de deux secteurs-clés : la justice et l'enseignement, de nommer une pédagogue éminemment respectée, Noura el-Fayez, au poste de vice-ministre chargée de superviser l'instruction dans les établissements réservés aux jeunes filles, d'ouvrir le Comité des grands ulémas aux représentants des quatre doctrines de l'islam - et non plus à la seule secte des hanbalis -, de limoger Ibrahim el-Ghaith, le chef de la toute-puissante police religieuse, et de remplacer le gouverneur de la Banque centrale. Dans la foulée, il aura renvoyé à ses études le redoutable Saleh al-Louheidan, en place depuis les années quatre-vingt, devenu célèbre à la suite d'une « fatwa » prônant l'assassinat des propriétaires de chaînes satellitaires diffusant des programmes « immoraux ». Quelques esprits chagrins relèveront que le maroquin dévolu à Mme Fayez signifie que la nette séparation entre hommes et femmes n'est pas près d'être abolie. Il n'en reste pas moins que le tableau est impressionnant si l'on songe qu'il est l'œuvre d'un monarque de 84 ans, ayant accédé en août 2005 au trône d'un pays donné pour l'un des plus conservateurs du monde.
Le virage, l'opinion internationale l'attendait depuis longtemps tant la réputation de réformateur avait précédé Abdallah ben Abdel Aziz bien avant qu'il ne succède à son demi-frère. D'avoir attendu trois ans et demi pour passer à l'action n'ôte rien à son mérite, pas plus qu'à l'importance de l'événement. Certains affirment aujourd'hui que cette révolution, le protecteur des Lieux saints de l'islam comptait l'initier l'été prochain mais qu'il a dû bouleverser quelque peu le calendrier à la suite de l'élection de Barack Obama. Elle constituerait en quelque sorte un geste en direction du nouveau président américain. Celui-ci, en effet, est conscient de la place qu'est appelé à occuper - et pour longtemps encore - le royaume en tant que fournisseur de pétrole maintenant que l'Irak paraît avoir déçu tous les espoirs, qu'une éventuelle réconciliation avec l'Iran prendra, si l'on veut se montrer optimiste, quelque temps avant de se concrétiser et que l'irascible Hugo Chavez ne semble pas désireux de renoncer à son intransigeance. Le deuxième élément dont il convient de tenir compte est représenté par la conjoncture proche-orientale. Depuis les législatives israéliennes du 10 février et le virage à droite qu'elles paraissent annoncer, le plan de paix avancé par le monarque wahhabite lors du sommet arabe tenu en mars 2002 à Beyrouth - alors qu'il était encore prince héritier - apparaît comme la solution la moins mauvaise à un conflit vieux de soixante ans. La troisième raison ayant milité en faveur d'une accélération du début d'ouverture, il faut la rechercher dans l'évaluation des progrès accomplis par le royaume dans le domaine des droits de l'homme, contenue dans un rapport des Nations unies appelé à être publié à la fin du mois en cours. On peut relever à cet égard que le prince Turki al-Sudeiri vient lui aussi d'être remplacé (à sa demande) en tant que président de la commission ad hoc saoudienne par un homme plus jeune, Bandar Mohammad Abdel Aiban.
Si la Défense, l'Intérieur, les Affaires étrangères, le Pétrole et les Finances n'ont pas été touchés par le mouvement, il reste que le palais a privé l'aile traditionaliste du contrôle de deux départements dirigés désormais par les réformateurs. Il aura fallu attendre deux ans pour en arriver là, les changements promis ayant été bloqués par la vieille garde et ses alliés. Entre-temps, le roi aura obtenu le ralliement des religieux modérés et, tout aussi décisif, celui de la maison des Saoud à l'idée qu'il faut « du sang neuf et surtout des idées neuves ». Il était grand temps. Pour la première fois depuis l'exercice 2001, le pays affiche cette année un budget déficitaire en raison de l'accroissement des dépenses publiques et de la baisse des revenus provenant du pétrole. Il n'existe pas, en outre, de chiffres officiels sur l'emploi, mais on sait que dans le monde arabe - 317 millions d'habitants -, le chômage touche une moyenne de 15 pour cent de la population. La proportion chez les 15-24 ans atteint 40 pour cent, soit 66 millions de jeunes. C'est pourquoi l'accent est mis désormais sur la science et la technologie, avec des programmes inspirés de pays comme la France, la Finlande, les USA et le Canada, mais aussi la Malaisie, Singapour et même la Chine. Comme le dit si bien un nouveau responsable : « Un pas en avant à la fois vaut mieux que le surplace. » Une sagesse qui devra bien s'avérer payante tant a duré trop longtemps l'immobilisme.
Dans un pays où il arrive souvent aux ministres de demeurer en place une trentaine d'années, le remaniement intervenu le week-end dernier en Arabie saoudite revêt la forme d'un bouleversement appelé à avoir, par-delà le retentissement médiatique qu'il a déjà eu, une série de répliques d'ordre pratique sur le...

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