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Actualités - OPINION

Ce matin, un lapin… L’analyse de Ziyad Makhoul

Obama apprend vite. Colin Powell Drôle de journée que ce 5 novembre. Drôle de date – là-bas et, dans une (infinie) moindre mesure, ici. En ce jour, la planète, comme souvent, comme désespérément, comme inévitablement, aura les yeux rivés sur les États-Unis. Pas seulement parce que cette 44e élection a une odeur de jamais-vu. Pas seulement parce que son résultat pourrait être littéralement historique. Pas seulement parce que les Américains n’ont jamais été aussi (indécis, certes, mais surtout) enthousiastes. Pas seulement parce que cette crise financière mouture 2008 concerne tout le monde et fait, bizarrement, que les électeurs n’ont pas voté, de prime abord, pour un Noir ou pour un Blanc. Pas seulement… Le cœur de la planète battra au rythme US parce que cette planète, de Tokyo à Caracas via Kaboul, de La Havane à Khartoum, de Paris à Téhéran, de Moscou à Sydney en passant par Beyrouth, toute cette planète vit, depuis deux siècles, dans une fusion quasi totale, une interminable love-hate story avec l’Amérique, avec l’American way of life, avec les Américains. La planète est jalouse, envieuse, haineuse, amoureuse, pleine d’empathie, tout entière folle de ce pays qu’elle voudrait imiter ou anéantir – et pour le président duquel elle voudrait, comme n’importe quel Américain, voter. Drôle de journée que ce 5 novembre. Aujourd’hui, quel que soit le successeur de W., cet homme déjà présenté, partout, comme le pire des présidents américains (un verdict réducteur, simpliste et manichéen, même si Bush Jr a tout fait pour), c’est le néoconservatisme que l’on va enterrer (pour mieux le ressusciter dans quelques années ?). Il n’empêche : rien que pour cela, la planète se sent mieux. Et, dans son immense majorité, elle ne s’en est pas cachée : elle se sentira encore beaucoup mieux si le 44e locataire de la Maison-Blanche s’appelle Barack Obama. Pas seulement parce que George W. Bush n’est pas aimé, mais bien pour ce que le candidat démocrate représente : le métissage – et tout ce qu’il promet en termes de sérénité. Pour tous, ou presque, le monde sera bien plus at peace, bien plus à l’écoute, bien moins tout blanc ou tout noir, bien loin du néoconservatisme donc, sous la baguette/houlette d’Obama. Un métissage tous azimuts qui ne devrait pourtant pas leurrer grand monde : dans le fond, la politique étrangère des États-Unis (un paramètre auquel les Américains ne pensent pas lorsqu’ils votent), leur gestion de la planète et de ses crises, ne connaîtra aucun tsunami – encore moins dans son essence, dans le fond. Il n’y aura pas de 11/9 politique si Barack Obama devient le 44e président américain. Il y aura, par contre, définitivement, de la douceur : celle dont seuls savent accoucher un, douze, cent, mille espoirs. Aujourd’hui, le monde se réveillera ; tétanisé par cette leçon de démocratie assénée par un pays capable du pire comme du meilleur, ce monde, sans doute, se mettra à espérer. Au Liban aussi, il y aura de l’espoir, même si, ici, John McCain est moins impopulaire qu’ailleurs. Les Libanais vont espérer : que Barack Obama, s’il était élu, sache ressusciter l’Afghanistan et l’Irak ; ramener l’Iran et la Corée du Nord dans de bien plus raisonnables girons ; réchauffer les relations avec Moscou ; redresser les Bourses du monde ; établir un véritable partenariat avec l’Europe ; pacifier l’Amérique du Sud ; relancer et faire aboutir le processus de paix israélo-palestinien puis israélo-arabe ; bref, privilégier et sacraliser le soft, institutionnaliser le dialogue, dans sa conception à la fois la plus souple et la plus ferme. Mais surtout, les Libanais vont se mettre à espérer l’impensable : que Barack Obama sache juguler, en même temps, les velléités agressives et revanchardes d’Israël d’un côté, de la Syrie de l’autre. Qu’il centuple ses efforts pour que soient appliquées, stricto sensu, toutes les résolutions onusiennes concernant le Liban – toutes, absolument toutes. Sauf que ces mêmes Libanais seront bien distraits aujourd’hui. Drôle de journée que ce 5 novembre donc, puisque reprendra à Baabda, ce matin, une des plus grosses fumisteries que ce pays, qui en a pourtant vécu beaucoup, a connues depuis quelques années : le dialogue national sur la stratégie de défense. D’absolues urgences, ce dialogue, cette stratégie de défense, mais que les histrions du landernau libanais ont su transformer en blague du siècle. Des histrions appartenant bien sûr aux deux camps, mais en tête desquels trônent, bien sûr, tous ceux que rebutent une résurrection de l’État, un établissement indiscutable de sa primauté, son monopole des armes sur l’ensemble de son territoire, sa libre et souveraine décision de faire la guerre ou la paix, etc. : le Hezbollah et le CPL – même pas capables, soit dit en passant, de se mettre d’accord, de trancher entre un élargissement ou une réduction de cette table de dialogue. Mais tout cela n’est pas bien grave. Il faut sérieusement que les politiques de ce pays cessent de confondre leurs compatriotes avec d’irrécupérables crétins. Surtout que ce matin, les Libanais se moqueront gentiment de la poudre lancée en plein sur leurs rétines à partir de Baabda par les Quatorze en général, Mohammad Raad et Michel Aoun en particulier. Ce matin, les Libanais, comme tout le monde, auront la tête dans les étoiles d’une bannière – et tant pis pour ceux, parmi ces Quatorze, parmi leurs électeurs, qui voulaient réellement que les choses avancent, que les contours de l’indispensable stratégie de défense commencent enfin à être dessinés.
Obama apprend vite.
Colin Powell

Drôle de journée que ce 5 novembre. Drôle de date – là-bas et, dans une (infinie) moindre mesure, ici.
En ce jour, la planète, comme souvent, comme désespérément, comme inévitablement, aura les yeux rivés sur les États-Unis. Pas seulement parce que cette 44e élection a une odeur de jamais-vu. Pas seulement parce que son résultat pourrait être...