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Actualités - OPINION

Le point « We the people »

par Christian Merville Tout le monde vous le dira : nous venons de vivre, nous continuons de vivre des semaines qui marqueront de manière indélébile – négative, il faut le craindre – notre vie au quotidien, mais aussi notre avenir et celui des générations futures. Tous les montreurs qui avaient oublié d’éclairer leur lanterne (Florian pas mort…) s’accordent à nous prédire moult crises à venir, semblables à ces répliques aussi redoutables que le séisme lui-même et qui mettent à terre les rares pans encore debout d’un système en train de vivre ses derniers instants. C’est que, nous disent les cassandres de Wall Street, on n’a pas fini de recenser les dégâts puisqu’il continue, tous les jours que Dieu a fait, de s’en produire. Autant donc se résigner, nolens volens, à l’inéluctable et attendre, transformés malgré nous en ce personnage de Georges Duhamel qui se décrivait comme un « spectateur pur ». À cette différence près, il importe de le relever, que nous sommes conviés, nous, à assister à une débâcle qui est surtout la nôtre. Parce que tout le monde a eu tort : financiers, traders, présidents de banques centrales, directeurs d’agences de notation, mathématiciens qui avaient échafaudé de savants calculs sur base desquels on nous avait concocté des produits tout aussi compliqués, et même les augustes maîtres qui, tout au long des siècles, se sont penchés sur des systèmes, souvent empiriques, qu’ils ont codifiés pour en faire la bible que l’on vient d’envoyer au pilon. Le résultat est là, catastrophique, avec la récession qui s’installe aux États-Unis, rattrape le Vieux Continent et frappe aux portes des tigres (de papier ?) asiatiques. Mais comme « à quelque chose malheur est bon » l’électrochoc aura été salutaire, qui nous a permis de découvrir que, non, ce n’est pas la politique qui guide les pas de l’économie, mais bien l’inverse, surtout en ces temps où – grâces soient rendues aux bienfaits d’une médiatisation poussée à l’extrême – l’on découvre la fragilité, l’indigence intellectuelle des maîtres du siècle. De là l’importance somme toute relative de ce 4 novembre dont on attend beaucoup et qui pourrait fort bien ne donner que des effets placebos tant il est évident que les changements appelés à se produire seront de nature cosmétique. Attention, objectera-t-on, le style sera différent et, finalement, tout est dans la manière de gouverner. George W. Bush avait promis une politique étrangère « humble » et estimé que le rôle de l’Amérique n’était pas de diriger le monde. On a vu que l’humilité, cette vertu qui mériterait d’être cardinale, n’a nullement été la marque d’une présidence qui n’a cessé d’ignorer superbement les organisations internationales, s’agissant des guerres à mener, du réchauffement planétaire ou encore des énergies de substitution, pour ne citer que trois des innombrables thèmes majeurs qui préoccupent l’humanité, et qui a bâti toute sa diplomatie sur le combat contre le terrorisme – avec les résultats que l’on connaît. On a vu, ailleurs, un Nicolas Sarkozy agitant le miroir du « travailler plus pour gagner plus » sous les yeux des alouettes françaises pour finir par se colleter avec la dure realeconomik. Ce soir, le rideau tombera, signant l’épilogue d’une représentation qui s’est jouée vingt-deux mois durant sur les tréteaux américains. Un supershow à nul autre pareil puisqu’il a mis aux prises, à coups de centaines de millions de dollars, un septuagénaire aux contours politiques plutôt flous et un métis fervent adepte du changement. Et la vox populi, en réalité celle de 538 happy few, dira lequel de ces deux hommes sera « le maître du monde » pour quatre ans, si le sénateur de l’Arizona est élu ; pour huit ans, si son collègue de l’Illinois décroche la timbale. Difficile en effet de voir John McCain rempiler pour un nouveau mandat à 76 ans passés et tout aussi impensable l’idée d’un Barack Obama renonçant au rythme trépidant de la vie publique pour se consacrer aux bonnes œuvres. Au fait, Grand Timonier vraiment ? Plutôt maître d’un navire ballotté au gré de vagues sur lesquelles il n’a aucune prise, ou si peu, un chef qui réagit plutôt qu’il n’agit, feignant d’être l’organisateur de mystères qui le dépassent, l’un soucieux de se démarquer d’un prédécesseur au bilan désastreux, l’autre désireux de partager avec ses concitoyens sa volonté d’imposer un New Deal que viendrait à point nommé fouetter l’ardeur d’un peuple inquiet devant la perte de tous ses repères et de voir ressurgir, pour une issue aussi cruciale, la vieille question de la couleur de la peau. Après le temps des certitudes, dans l’ivresse de l’après-1945 – nous sommes les plus forts, les plus riches, les plus intelligents –, voici venu le temps du doute, quand se trempent ou chancellent les volontés. C’est aussi le moment où ce qui se veut une civilisation, achevant de définir sa nature véritable, assure ou non sa survie. C’est-à-dire, combien illusoire, sa suprématie.
par Christian Merville

Tout le monde vous le dira : nous venons de vivre, nous continuons de vivre des semaines qui marqueront de manière indélébile – négative, il faut le craindre – notre vie au quotidien, mais aussi notre avenir et celui des générations futures. Tous les montreurs qui avaient oublié d’éclairer leur lanterne (Florian pas mort…) s’accordent à...