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Actualités - CHRONOLOGIE

La grotte de Jeïta Cinquante ans et mal en point Maria CHAKHTOURA

Septembre 1958 - septembre 2008 : un anniversaire à marquer d’une pierre noire plutôt que blanche. Il y a 50 ans, les spéléologues Raymond Khawam, Robert Kasparian, Sami Karkabi et Georges Farra découvraient la galerie supérieure de cette célèbre cavité, Jeïta, une grotte et une vallée aux charmes magiques qui ont inspiré des chefs- d’œuvre de l’expression artistique musicale, picturale et littéraire. Un anniversaire passé inaperçu, un site aujourd’hui défiguré, et pourtant … Personne, évidemment, n’a jamais pensé rendre hommage à ces pères de l’un des lieux touristiques les plus visités du pays, véritable richesse du patrimoine. Personne non plus ne se soucie, semble-t-il, de l’état de ce joyau de la nature et de son environnement transformé en capharnaüm aux revenus juteux, semble-t-il. État des lieux surprenant Jeïta, 50 ans. Au départ, une architecture adaptée, une approche dépouillée et écologique se fondaient dans la nature de la vallée, son silence, sa beauté sauvage et la sérénité qu’elle dégageait. Aujourd’hui, comme pour la mettre au diapason d’un pays qui s’enlaidit de jour en jour, l’environnement de la grotte est transformé en une véritable cour des miracles où l’on découvre, notamment : une série de cages d’animaux (oies, poules, chèvres, oiseaux exotiques, etc.) construites et placées en enfilade sur tout le parcours entre le parking et la grotte, et qui se déclinent en une sorte de zoo, surprenant et inapproprié aux lieux ; des sculptures de différentes tailles et formes d’un goût douteux qui occupent tous les espaces verts et signées (à l’exception de deux autres) par un artiste amateur jouissant d’un atelier sur place (puisqu’il est employé de la société d’exploitation) ; des échoppes de souvenirs et des restaurants; un train de wagonnettes, en guise de moyen de transport amusant, certes, mais qui crache le mazout au nez des passants. Enfin, incroyable mais vrai, de fausses stalactites coulées dans la pierre à l’entrée de la galerie supérieure comme pour enfoncer le clou de ce décor insolite et, cerise sur le gâteau, une stèle gravée au nom de la société d’exploitation et placée bien en vue en guise d’autopromotion, au lieu d’une plaque en hommage aux spéléologues découvreurs de cette merveille de la nature. Cela sans compter le parcours de la promenade, dans la rivière souterraine, réduit à quelque 250 mètres au lieu des 800 au départ, puis 600 à la veille de la guerre. Ce ne sont là que quelques détails d’une invasion de la laideur qui agresse et surprend le touriste et les Libanais lambda ayant connu la vraie Jeïta ou sensibles au beau tout simplement. Le point de vue du gérant Le but élémentaire de toute exploitation touristique étant d’éduquer le public et de montrer une des richesses de la nature libanaise, dévier la vocation d’un tel endroit est un sacrilège doublé d’une insulte à l’intelligence du Libanais. Ainsi, l’exploitation se présente comme une privatisation abusive d’un patrimoine national. À l’époque (1994), l’établissement du contrat d’exploitation du site octroyé à une société soi-disant allemande, qui s’est vite avérée être libanaise pur jus, avait fait beaucoup de vagues. Les appréhensions tant des spéléologues que des compatriotes familiers des lieux étaient-elles alors bien fondées ? Le propriétaire et gérant de la société a, lui, son point de vue. Son objectif est d’animer les lieux, de créer une attraction destinée aux familles qui viennent se détendre et pas nécessairement voir la grotte, aux enfants qui n’ont jamais vu d’animaux domestiques par exemple, aux touristes étrangers qui découvrent la nature libanaise et ses éléments, et, surtout, à la photo souvenir pour les uns et les autres qui repartent comblés et heureux. Pour sa part, le ministère du Tourisme, autorité de tutelle des sites touristiques, se dit impuissant à engager une quelconque action, formulant beaucoup de réserves sur l’exploitation de Jeïta. Mais l’endroit est propre, très propre et vert, contrastant avec la route menant à cette vallée. Une route cabossée, désordonnée et devenue un dépotoir à ciel ouvert sur une bonne partie du parcours. Comme si la municipalité de Jeïta n’était pas concernée par son patrimoine. Ce n’est là qu’un constat d’un état des lieux. Un constat qui est un SOS pour la sauvegarde de la vallée et de l’environnement de la grotte de Jeïta, une bouteille à la mer. Dans l’espoir de voir enfin un quelconque « responsable » s’intéresser à un problème qui touche à l’une des vocations qui sont l’essence même du Liban. En attendant que des spécialistes puissent dresser un état des lieux à l’intérieur même de la grotte. Ce qui est autrement plus intéressant.
Septembre 1958 - septembre 2008 : un anniversaire à marquer d’une pierre noire plutôt que blanche.
Il y a 50 ans, les spéléologues Raymond Khawam, Robert Kasparian, Sami Karkabi et Georges Farra découvraient la galerie supérieure de cette célèbre cavité, Jeïta, une grotte et une vallée aux charmes magiques qui ont inspiré des chefs- d’œuvre de l’expression artistique...