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Actualités - OPINION

TRIBUNE Relèvement des salaires : pourquoi et comment ?

Par Hyam MALLAT* Le relèvement du salaire minimum et des traitements dans les secteurs public et privé constitue une question sociale économique et financière d’actualité où des positions publiques et syndicales sont prises en prévision d’une négociation difficile, mais inévitable. Il est toutefois évident qu’avant de procéder aux solutions quelques éléments fondamentaux méritent d’être identifiés et éclaircis. Et d’abord une distinction s’impose entre la situation des traitements et des salaires dans le secteur public et celle du secteur privé. Pour le secteur public, il y a lieu de résumer rapidement les points essentiels suivants : – Depuis 1998, le secteur public n’a pas connu de réajustement des traitements au titre de la vie chère et de l’inflation. Aucune flexibilité au niveau de l’échelle publique des traitements n’étant permise sans l’aval du Parlement et en l’absence de toute proposition du gouvernement, les traitements publics se sont donc détériorés en termes réels au cours de ces dix dernières années renforçant ainsi le naufrage de l’administration publique. Certes, pourrait-on dire, nombre de fonctionnaires emportés par le vent de la corruption se sont servis directement auprès du citoyen. Mais les exceptions honteuses et malheureusement acceptées ne doivent pas cacher qu’il existe toujours dans cette administration des fonctionnaires honnêtes et scrupuleux et qu’un problème de traitement se pose cruellement à eux et à leurs familles. – Plus encore, la loi 717 du 5/11/1998 qui a relevé le salaire minimum des traitements dans l’administration civile et la loi 718 du 5/11/1998 qui a réévalué les traitements dans les forces armées ont toutes deux disposé de l’effet rétroactif de ces textes de lois à partir du 1/1/1996. Toutefois, en raison de l’état du budget à l’époque, il a été prévu d’appliquer ces deux lois à dater du 1/1/1999 avec un solde rétroactif dû aux fonctionnaires entre le 1/1/1996 et le 31/12/1998 – soit 36 mois de différence – à payer dès que les possibilités du budget le permettraient. Cela n’a pas été respecté par l’État, ces montants dus sur les trente-six mois n’ayant toujours pas été payés. Des centaines de fonctionnaires sont ainsi allés à la retraite ou sont décédés sans avoir perçu ces arriérés. Pour le secteur privé, en revanche, les exigences du marché du travail et la flexibilité l’ont poussé à aligner les salaires sur ses besoins et ses capacités. Et donc le salaire minimum de 300 000 LL en vigueur depuis ce décret de 1996 a été progressivement dépassé en termes de paiement réel de salaires en dépit souvent du recours à la déclaration des cotisations de Sécurité sociale sur la base du salaire minimum. Si telle est donc la situation résumée des traitements et des salaires, dans les secteurs public et privé, comment envisager les aménagements de leur redressement ? Pour le secteur public, l’action doit porter autant sur le paiement des 36 mois d’arriérés que du relèvement du salaire minimum et du réajustement des traitements, soit ce qui suit : – une décision de payer les 36 mois d’arriérés à tout fonctionnaire atteint par l’âge de la retraite et avec effet rétroactif pour tous ceux qui ont été à la retraite depuis 1998 ou à leurs familles s’ils sont décédés ; – échelonner le paiement des arriérés de tous les fonctionnaires en service selon les commodités financières du Trésor public – surtout que ces arriérés ont déjà été payés pour les enseignants du secteur public qui ont fait grève ; – relever le salaire minimum conformément à des négociations fondées sur les études statistiques sur la hausse du coût de la vie tout en considérant que le marché a déjà anticipé la hausse forfaitaire de 200 000 LL décidée à la sauvette en mai 2008 et non appliquée encore ; – incorporer les montants dus au relèvement dans les traitements et ne pas les considérer comme une augmentation marginale indépendante de l’échelle des salaires ; – ne pas priver les fonctionnaires qui arriveront à l’âge de la retraite dans deux ans de voir leurs indemnités ou leur pension calculée sur la base du dernier traitement puisque depuis 10 ans aucune hausse ne leur a été accordée sur ces mêmes traitements et qu’il serait franchement inéquitable et moralement indéfendable de les priver de cet avantage social à l’heure de la retraite. Pour le secteur privé, le relèvement du salaire minimum pourrait ne pas s’accompagner d’un réajustement de toute l’échelle des salaires. Le patronat a déjà accepté le relèvement du salaire minimum, ce qui pour les grandes sociétés et celles qui se respectent est déjà dépassé depuis longtemps. Mais il refuse le réajustement de l’échelle des salaires réclamant de laisser cela à l’appréciation des capacités de ces sociétés. Nous pensons que cette formule a, au moins, le mérite de responsabiliser les secteurs de production économique vis-à-vis de l’importance non seulement financière et économique mais également morale du salaire. Dès lors, si dans le décret de relèvement du salaire minimum la responsabilité des ajustements dans le secteur privé est lié à l’engagement des organismes du patronat de mener les négociations nécessaires avec les syndicats, secteur par secteur, pour réajuster les salaires dans un délai raisonnable, pourquoi ne pas adopter pareille démarche quitte à prévoir dans le décret la possibilité pour le gouvernement en l’absence de décision à ce sujet dans le délai fixé de décider des tranches de réajustement de ces salaires. Le dossier des traitements des salaires n’a pas été ouvert depuis longtemps. Il l’est aujourd’hui et il n’existe pas de mystères dans ce dossier. Le gouvernement, le patronat et les syndicats ont pour mission de négocier et de décider sur une question intéressant la nation dans ses forces productives, sociales et familiales. Être à la hauteur des espérances est un minimum. À défaut de quoi, mieux vaut ne rien entreprendre car en ne faisant rien le gouvernement laisse au moins l’espoir intact dans le cœur du citoyen pour de grandes réalisations ajournées. *Avocat et professeur. Ancien président du conseil d’administration de la Sécurité sociale et des Archives nationales
Par Hyam MALLAT*

Le relèvement du salaire minimum et des traitements dans les secteurs public et privé constitue une question sociale économique et financière d’actualité où des positions publiques et syndicales sont prises en prévision d’une négociation difficile, mais inévitable. Il est toutefois évident qu’avant de procéder aux solutions quelques éléments fondamentaux...