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SOCIÉTÉ - 90 % des détenues de la prison des femmes d’Omdurman sont emprisonnées pour avoir été suspectées de vendre de l’arak L’alcool, un commerce dangereux pour les Soudanaises sous la loi islamique

Zakia, une Soudanaise musulmane qui vit à Halfaya, près de Khartoum, est considérée comme une criminelle parce qu’elle prépare et vend de l’alcool, interdit par la charia, pour nourrir sa nombreuse famille. Simple, la recette est préparée par des milliers de femmes dans les camps sordides et les quartiers miséreux où vivent ceux qui ont fuit la guerre civile dans le sud, l’ouest et l’est du Soudan. Mélange de dattes, de levure et d’eau, la mixture est couverte d’un sac en plastique pour la protéger de la poussière et enterrée pendant deux à cinq jours, selon la saison. Une fois l’eau ajoutée, Zakia, 23 ans, a assez de bouteilles d’arak pour en vendre aux ouvriers locaux pendant une semaine. Elle gagne suffisamment pour nourrir et habiller la famille que son père a abandonnée : sa mère, son frère, sa nièce et ses sept sœurs. Séparée de son mari depuis un an, elle a l’attitude endurcie et pleine de défi de ceux qui survivent dans les rues. Pour elle, son indépendance financière et les affaires sont plus importantes que la loi islamique qui interdit la consommation d’alcool. Elle-même ne boit pas, peut-être par crainte de devenir comme ses clients, saouls et désœuvrés. « Ce n’est qu’un commerce », dit-elle, niant toute mauvaise conscience à faire des profits sur un interdit du Coran. Mais c’est un commerce dangereux. Les descentes de police sont fréquentes. 90 % des détenues de la prison des femmes d’Omdurman, ville jumelle de Khartoum, sont emprisonnées pour avoir été suspectées de vendre de l’arak. Elles se plaignent d’être battues, rackettées, leurs maisons sont mises à sac et leur alcool confisqué. Selon des travailleurs sociaux, la police se cache derrière l’islam pour s’adonner à du trafic d’alcool confisqué et compléter leurs maigres salaires. Ils parlent de femmes qui se prostituent ou rendent des services sexuels en échange de protection. La prison des femmes est humide, surpeuplée et sale. D’anciennes détenues parlent de nourriture immangeable, de cruauté de la part des gardiennes et de mauvais traitements pour leurs enfants. Faire de la prison représente une tare au regard de la société. Chol Sakina, une chrétienne du Sud, vit à Khartoum depuis plus de deux ans. Extrêmement pauvre, elle a arrêté de fabriquer de l’alcool avec sa tante depuis que la police a jeté leur équipement dans la rivière quatre mois plus tôt. « Parfois, on ne mange que de la farine et du sel », dit Kadose, sa tante. « C’est la nourriture des pauvres, nous allons en mourir », ajoute-t-elle. Magda Ali, une femme médecin qui a perdu son travail de fonctionnaire après le coup d’État islamiste de 1989, dirige l’organisation al-Manar d’aide aux femmes qui vivent de la vente d’alcool. « La pauvreté existe partout au Soudan. Pour briser son cercle vicieux, la meilleure chose est de développer des compétences (...). Le problème est que le marché ne les accepte pas », dit-elle. Plus grand pays d’Afrique, le Soudan est dirigé par une élite arabe qui a adopté l’islam et la culture des pays arabes. Toutefois, la majorité des Soudanais se voient comme Africains, issue d’une culture tribale dans laquelle les boissons fermentées ou alcoolisées sont parfaitement acceptables. De fait, les vendeurs d’alcool comptent des policiers, des fonctionnaires et diverses professions parmi leurs clients. « Les dattes fermentées font partie de la culture dans tout le Soudan. Ce n’est pas un crime (...). Elles sont préparées pour les mariages et c’est une boisson alcoolisée », dit Mme Ali. « Nous avons une culture africaine mais, depuis l’indépendance (1956), nous sommes dirigés par un gouvernement de culture arabe. Ils nous imposent des coutumes qui ne sont pas africaines », a-t-elle ajouté.
Zakia, une Soudanaise musulmane qui vit à Halfaya, près de Khartoum, est considérée comme une criminelle parce qu’elle prépare et vend de l’alcool, interdit par la charia, pour nourrir sa nombreuse famille.
Simple, la recette est préparée par des milliers de femmes dans les camps sordides et les quartiers miséreux où vivent ceux qui ont fuit la guerre civile dans le sud,...