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La parole aux médecins Cancer du sein : halte à la panique Pr Antoine GHOSSAIN

Le cancer du sein reste un problème majeur pour le public féminin et pour le corps médical. L’information abondante à son sujet reste néanmoins quelque peu tronquée. L’insistance sur sa fréquence et son diagnostic précoce occulte les progrès considérables réalisés dans l’humanisation de son traitement et l’amélioration des taux de guérison même dans les formes avancées. Épidémiologie et dépistage Il reste que le cancer du sein est fréquent. Une femme sur huit dans les statistiques américaines, 1 sur 11 en France risque d’avoir un cancer du sein pendant toute sa vie. Mais ce risque est faible chez les jeunes et augmente avec l’âge. Le tableau suivant, modifié à partir de l’American Institute of Cancer, donne des précisions sur ce risque. Ce risque paraît élevé, mais beaucoup de patientes guérissent à cause du dépistage précoce qui permet de diagnostiquer la maladie à son début, contribuant ainsi à sauver la patiente, à lui préserver le sein et parfois à lui éviter la chimiothérapie. Le taux de guérison dépasse 90 % dans les cas précoces et des survies prolongées sont souvent rapportées au stade 4 de la maladie, lorsque celle-ci est métastasée. Comme on n’a pas encore trouvé de moyen de prévention du cancer du sein, il faut donc compter sur le dépistage précoce. Trois moyens sont préconisés dans ce cadre et demeurent complémentaires : – l’auto-examen du sein par la vue et le palper une fois par mois selon une technique facile à enseigner à la femme par son médecin ; – l’examen annuel du sein par un médecin ; – la mammographie, accompagnée parfois d’une échographie, à partir de 40 ans ou à un âge plus jeune chez les personnes à risque, proposée tous les ans ou tous les deux ans selon certaines conditions. Il faut se rappeler que la plus grande partie des « masses » trouvées lors de ces examens sont souvent bénignes (kystes, adénofibromes), surtout si elles sont d’apparition récente ou accompagnées de douleur. Inutile de paniquer à l’avance et de fuir l’examen. Confirmation du diagnostic Les nodules palpés et les anomalies suspectes à l’imagerie doivent avoir une confirmation microscopique. Dans ces cas, la biopsie visant à confirmer le diagnostic se faisait chirurgicalement. Aujourd’hui, elle est remplacée de plus en plus par une ponction simple de la masse suspecte par une aiguille, sans cicatrice, sans hospitalisation et sans pansement. Le résultat peut être obtenu en une demi-heure, si on emploie une aiguille fine (aussi fine qu’un cheveu) qui enlève des cellules, ou en 2 à 3 jours si on utilise une aiguille plus grosse, enlevant une carotte fine, plus fine qu’un vermicelle. Dans les deux cas, la ponction est anodine et faite en externe. Elle s’impose maintenant chez la majorité des patientes, assez informées, qui viennent consulter avec des mammographies et souvent des échographies de dépistage montrant des nodules infracentimétriques et/ou des foyers de microcalcifications souvent bénignes, parfois suspectes, qui sont traitées par des excisions limitées respectant le sein et son aspect cosmétique. Le traitement chirurgical, premier geste à faire Ce geste avait consisté durant plusieurs décennies du siècle dernier en une mastectomie radicale, c’est-à-dire une ablation du sein, des muscles et des ganglions de l’aisselle qui pouvaient contenir des cellules cancéreuses. On a réalisé durant les trente dernières années qu’on pouvait avoir les mêmes résultats sur la survie en enlevant seulement le nodule malin, préservant ainsi le sein. Ce traitement conservateur doit toutefois être accompagné, en postopératoire, d’une trentaine de séances de radiothérapie de vingt minutes chacune effectuées tous les jours, sauf les week-ends, en externe et au prix d’une absence de deux heures du travail lequel reste tout à fait compatible avec le traitement. Des essais sont actuellement menés pour raccourcir la durée de ce traitement à une semaine ou encore le remplacer par un traitement radiothérapique unique en préopératoire. Mais il faut attendre les résultats de ces essais. Les ganglions axillaires qui étaient systématiquement enlevés font actuellement l’objet d’un traitement sélectif. Grâce à une injection en préopératoire d’un produit radioactif et d’un colorant, on arrive à détecter et à enlever seulement le premier ganglion, appelé ganglion satellite. Celui-ci est examiné au microscope en pleine opération. S’il n’est pas atteint, les autres ganglions ne seront pas enlevés. Cette tendance à des traitements mini-invasifs sur le sein et sur les ganglions est une des grandes avancées des trois dernières décennies. Traitement adjuvant Si la tumeur a grossi (souvent à cause de la négligence ou dans le cadre du syndrome du déni de la maladie) et surtout si les ganglions sont positifs, des traitements dits adjuvants sont proposés pour tuer les éventuelles cellules qui auraient pu quitter la tumeur avant son ablation. Celles-ci sont invisibles à l’examen clinique et à l’imagerie avant l’opération, mais pourraient grandir et donner des symptômes des mois ou des années plus tard. Ces traitements reposent essentiellement sur la chimiothérapie suivant des protocoles variés (six séances en moyenne, d’une demi-journée à l’hôpital toutes les 3 semaines) ou l’hormonothérapie, c’est-à-dire la prise d’une pilule par jour à domicile pendant cinq ans, sans effets secondaires gênants. Mastectomie et reconstitution du sein Si la tumeur est grosse et le sein petit, l’ablation de la tumeur seule laisse un sein difforme. Dans ce cas, on préfère enlever tout le sein (mastectomie) pour le reconstruire au cours de la même séance ou quelques mois plus tard. On peut donc promettre à une patiente qui rentre au bloc opératoire pour être opérée d’un cancer mammaire qu’elle sortira avec son propre sein, qu’on a conservé après ablation de la tumeur, ou avec un néosein reconstitué si on a procédé à l’ablation du sein malade, et qu’elle pourra dans les deux cas s’habiller normalement. Les cancers du sein localement avancés Ces cancers sont encore rencontrés surtout dans certains milieux socio-économiques. Ils bénéficient maintenant d’un traitement chimiothérapique préopératoire (appelé néoadjuvant) qui est censé réduire la tumeur et permettre souvent de sauver le sein par une chirurgie conservatrice. Tendance futuriste ultraconservatrice, sans chirurgie La médecine moderne connaît deux tendances opposées. D’un côté, on pratique des opérations complexes comme les transplantations sur le cœur, le foie, les reins, et, d’un autre côté, on fait des traitements dits mini-invasifs comme la laparoscopie ou la chirurgie conservatrice du sein. Des centres hautement spécialisés sont, à titre d’exemple, en train d’essayer de brûler des petites tumeurs du sein par une méthode simple, appelée radio fréquence, grâce à une aiguille qui pique et brûle la tumeur, sans chirurgie. Ces méthodes dites ultraconservatrices sont à l’essai avec prudence. Suivi des opérées du sein Une simplification de la surveillance des patientes opérées du sein est proposée par la prestigieuse American Society of Clinical Oncology (ASCO) dans son meeting de 2006. La patiente déjà opérée est examinée par son médecin une ou deux fois par an. Si elle est asymptomatique, c’est-à-dire ne se plaint de rien, et si l’examen des seins et celui de tout le corps est normal, comme c’est souvent le cas, aucun examen de sang ou aucun test radiologique n’est indiqué de routine. Seule une mammographie, plus ou moins une échographie, est faite pour contrôler le sein opéré et le sein controlatéral. Si la patiente a des symptômes (céphalée, toux, douleurs…) ou si l’examen montre des anomalies nouvelles (masses dans le sein ou ailleurs), on procède alors à des tests sanguins ou à des radios à la demande. Ces recommandations contrôlées sur des milliers de malades ont montré l’absence de risque sur la survie. Elles sont censées relaxer les patientes et les déconnecter de leur passé stressant.
Le cancer du sein reste un problème majeur pour le public féminin et pour le corps médical. L’information abondante à son sujet reste néanmoins quelque peu tronquée. L’insistance sur sa fréquence et son diagnostic précoce occulte les progrès considérables réalisés dans l’humanisation de son traitement et l’amélioration des taux de guérison même dans les formes...