Mille livres turcs le palais Chéhab

Construit vers 1775, le Sérail était à l’origine le palais de l’émir Haïdar Chéhab. En 1868, Franco Pacha, moutassarref du Petit-Liban, attiré par l’édifice, le loue et en fait le siège de son gouvernement. Avec l’avènement de Rustom Pacha, en 1872, les choses se gâtent. Connu pour son anticléricalisme, Rustom Pacha, avec l’aide du consul de France, M. Tricau, obtient l’exil de l’évêque Boutros Boustani à Jérusalem, suscitant ainsi l’indignation des Libanais, notamment des habitants de Baabda qui se réunissent et signent une motion de protestation contre cette mesure. Furieux, Rustom Pacha transfère son gouvernement à Hadath. La ville s’en ressent sur le plan socio-économique et les habitants décident de faire tout ce qui était en leur pouvoir pour ramener le siège du gouvernement chez eux. À la fin du mandat de Rustom Pacha, en 1882, ils achètent le palais mis en vente à mille livres turcs par les héritiers, pour l’offrir au nouveau moutassarref. Un riche commerçant, Sélim Élias Hélou, grand-père de Pierre Hélou, avance aux habitants les montants nécessaires. Pour rembourser le prêt, un comité groupant les différentes familles de Baabda décide d’imposer un impôt progressif sur le revenu. Une somme à payer est fixée par superficie cultivable. Sur les loyers, les maisons et les boutiques, elle s’élevait à 5 %. Chaque homme âgé entre 20 et 60 ans, inscrit sur les registres de Baabda, devait payer un certain montant en piastres. Ceux qui n’avaient pas les moyens de le faire offraient leur travail. Cet engagement fut parfaitement respecté durant les 20 années mentionnées dans le contrat et l’argent fut totalement remboursé. Tous les dossiers relatifs à cette procédure sont précieusement conservés par Farès Mallat, arrière-petit-fils de Antoun Aouad, l’un des principaux initiateurs du projet. En 1883, Wassa Pacha accepte l’offre des habitants et s’y installe, faisant de Baabda le siège administratif de la moutassarrifia. C’est ainsi que le palais de l’émir est devenu le Sérail de Baabda et Baabda la capitale du Petit-Liban autonome jusqu’en 1918.