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Actualités - REPORTAGE

Après la menace communiste, la guerre froide et le 11-Septembre, l’Alliance est aujourd’hui confrontée à de nouveaux défis Afghanistan, élargissement et défense antimissiles : redéfinir la stratégie politico-militaire de l’OTAN Rania MASSOUD

Le sommet de l’OTAN à Bucarest a été une occasion importante pour les Occidentaux de réaffirmer leur engagement en Afghanistan, d’ouvrir les négociations d’adhésion à l’Albanie et à la Croatie et de soutenir l’installation en Pologne et en République tchèque des éléments du bouclier antimissile américain. Initialement créée pour défendre l’Europe face à la menace communiste, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Alliance est confrontée, depuis les attentats du 11 septembre, à de nouveaux périls, dont la lutte contre le terrorisme international. Aujourd’hui, plus de vingt ans après la fin de la guerre froide, de nombreux experts estiment qu’il est désormais nécessaire de redéfinir la stratégie politico-militaire de l’OTAN afin de mieux répondre aux défis de notre époque. Il y a 10 ans, il aurait été impensable d’imaginer l’Organisation du traité de l’Atlantique-Nord (OTAN) engagée dans une opération militaire de grande envergure dans un pays comme l’Afghanistan. À l’époque, certains analystes estimaient même que l’Alliance aurait dû disparaître avec la fin de la guerre froide. Pourtant, près de 20 ans après la chute du communisme en Europe, l’OTAN s’est non seulement élargie, mais elle s’est également définie un nouvel ennemi : « le terrorisme international ». Et aujourd’hui, près de cinq ans après le début de sa mission en Afghanistan, l’Alliance est confrontée à de nouveaux défis qui dépassent les domaines politico-militaires auxquels elle est accoutumée. Alors qu’en 2003 la présence des troupes de l’OTAN en Afghanistan ne se limitait qu’à la capitale, Kaboul, le rôle de l’Alliance s’est aujourd’hui étendu non seulement pour combattre les talibans dans l’ensemble du pays, mais aussi pour lutter contre le trafic de drogue, former les forces afghanes et soutenir le gouvernement de Hamid Karzaï. Un rôle « important » « Le rôle de l’Alliance en Afghanistan est devenu aujourd’hui de plus en plus important », indique à L’Orient-Le Jour Joseph Henrotin, spécialiste en sécurité internationale. « La mission de l’OTAN dans ce pays est passée de la sécurisation à celle de la reconstruction, de la formation, de combat et de stabilisation, poursuit-il. Les pays européens membres de l’OTAN sont, de ce point de vue, un réservoir de forces pour les États-Unis. » Les dirigeants de l’OTAN, qui étaient réunis du 2 au 4 avril en Roumanie, se sont sentis obligés de justifier le maintien de leurs troupes en Afghanistan et de mettre une sourdine à leurs divergences sur les renforts militaires indispensables face à la combativité des talibans. Face aux doutes de l’opinion publique sur l’intérêt de se battre des années durant en Asie centrale contre un adversaire insaisissable, sur fond de trafic de drogue record et de corruption, les dirigeants de l’OTAN se sont engagés jeudi dernier à accroître leurs effectifs en Afghanistan et à mieux se partager le « fardeau » des opérations militaires contre les talibans. La France a notamment offert d’envoyer 700 soldats supplémentaires en renfort dans l’est du pays, ce qui devrait permettre de déplacer des soldats américains vers le Sud afghan, où la force de l’OTAN a le plus de difficultés avec les talibans. L’Alliance commande en Afghanistan la Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF) réunissant 47 000 soldats de 40 pays, sous mandat de l’ONU. L’insurrection en Afghanistan ne cesse de s’étendre et, l’an dernier, les violences ont tué plus de 8 000 personnes, dont 1 500 civils, et plus de 160 attentats-suicide ont été dénombrés par les Nations unies. « En contre-insurrection, ce ne sont pas quelques bataillons qui feront la différence sur le terrain, précise M. Henrotin. L’OTAN a besoin de redéfinir sa stratégie car, prises indépendamment, les missions de reconstruction, de formation ou de combat sont naturellement insuffisantes. » Selon l’expert, l’Alliance doit « d’abord et avant tout gagner le soutien de la population afghane » pour éviter tout échec. « La réussite de la mission de l’OTAN en Afghanistan est non seulement essentielle pour la stabilisation de la région, mais elle est également nécessaire pour la sécurité internationale », indique de son côté Philip H. Gordon, chercheur au Brookings Institute. « Un échec de l’Alliance faciliterait l’émergence d’une talibanisation, ce qui constituerait une menace directe contre les États-Unis et l’Occident », poursuit-il. De son côté, Ronald Asmus, directeur du Centre transatlantique à Bruxelles, estime que c’est l’avenir de l’Alliance qui se joue en Afghanistan. « L’OTAN doit aujourd’hui redéfinir sa stratégie de manière à protéger les valeurs et les intérêts des pays membres de façon plus globale sur la scène internationale », souligne-t-il. Englober les Balkans C’est d’ailleurs dans ce contexte que pourrait être interprété l’objectif que s’est fixé l’Alliance à Bucarest d’englober à terme tous les pays balkans, et en particulier son ancien ennemi des années 1990, la Serbie. L’OTAN, fondée par 12 pays en 1949, avait perdu son rôle central après la fin de la guerre froide. Elle a toutefois réussi à attirer les pays postcommunistes désireux d’assurer leur sécurité et de s’intégrer rapidement dans les structures occidentales. Et jeudi dernier, lors du sommet de Bucarest, l’Alliance a officiellement invité l’Albanie et la Croatie à la rejoindre. Les deux pays issus du bloc communiste vont ainsi devenir les 27 et 28e membres, une fois que le processus d’adhésion et de ratification aura été achevé, dans à peu près un an. L’OTAN s’était élargie pour la dernière fois en 2004 lorsqu’elle a intégré un nombre record de sept nouveaux membres, tous post-communistes : la Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie. Cependant, certains analystes et observateurs mettent en garde contre un élargissement de l’OTAN davantage à l’Est. Cinq chefs d’état-major des Pays-Bas, de Grande-Bretagne, de France, d’Allemagne et des États-Unis soulignent, dans un rapport récemment publié, que « si l’OTAN continue à intégrer de nouveaux membres sans avoir adopté une nouvelle stratégie, elle risque de devenir une alliance vide de sens ». Pourquoi une nouvelle stratégie ? Selon le rapport, « le “concept stratégique” actuel de l’OTAN date de 1999, mais depuis, le monde a considérablement évolué. À cette époque, l’OTAN était une alliance régionale rassemblée essentiellement autour d’une défense réactive de la zone du traité. Mais l’urgence est aujourd’hui dans la prévention des crises, des conflits armés et des guerres, ce qui nécessite une action autre que militaire ». La sécurité par un bouclier Les crises auxquelles est confronté aujourd’hui l’Occident sont nombreuses. Parmi celles-ci, les États-Unis mettent en avant la « menace iranienne ». Lors du sommet de Bucarest, les 26 ont reconnu « la contribution substantielle (du bouclier antimissile américain en Pologne et en République tchèque) à la protection des alliés », tout en poursuivant le développement d’un système antimissile propre à l’OTAN, les deux étant connectés. Ce projet, censé mettre l’Europe à l’abri d’un tir de missile provenant de « pays voyous », comme l’Iran, a suscité une vive opposition de la Russie, qui y voit un plan pour saper sa propre sécurité. « Le projet du bouclier antimissile peut paraître alléchant pour les États dont la compréhension des phénomènes militaires décline », explique M. Henrotin. La Russie, déjà hostile à l’extension de l’Alliance à ses portes, « bombe le torse en multipliant les manœuvres militaires impressionnantes, y compris à proximité immédiate des espaces aériens des pays membres de l’OTAN », poursuit l’expert en sécurité internationale. « Cette attitude, à terme, ne pourra que renforcer la volonté des alliés de disposer d’un bouclier, même s’il a de fortes chances d’être inefficace », conclut-il. Face à tous les défis auxquels sont confrontés non seulement les Occidentaux mais le monde entier, l’OTAN se transforme lentement – mais progressivement – en une Alliance politico-militaire destinée à renforcer la sécurité sur le plan mondial. Vu l’ampleur de la menace du terrorisme international, les alliés semblent avoir compris que la sécurité de l’Europe et des États-Unis passe désormais par la stabilité et le développement du reste du monde.
Le sommet de l’OTAN à Bucarest a été une occasion importante pour les Occidentaux de réaffirmer leur engagement en Afghanistan, d’ouvrir les négociations d’adhésion à l’Albanie et à la Croatie et de soutenir l’installation en Pologne et en République tchèque des éléments du bouclier antimissile américain. Initialement créée pour défendre l’Europe face à la...