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Actualités

Le découpage de 1960 et ses nécessaires révisions

La loi de 1960 était principalement fondée sur l’adoption des cazas comme circonscriptions électorales. À quelques exceptions près. D’abord dans la capitale, divisée, en l’absence de cazas, en trois unités découpées verticalement. La première était et demeure à majorité écrasante chrétienne, la seconde est majoritairement sunnite, mais avec une minorité chiite qui a fortement grossi depuis, et enfin, la troisième est un fief sunnite, avec une minorité chrétienne qui a fondu. Ailleurs, le caza de Saïda était déjà divisé en deux circonscriptions, la ville de Saïda, d’une part, et le Zahrani, de l’autre, alors que dans le sens contraire, les cazas de Baalbeck et du Hermel formaient une seule circonscription, tout comme la Békaa-Ouest et Rachaya, ainsi que Marjeyoun et Hasbaya. Ces trois derniers cas méritent révision, dans la mesure où ces cazas mineurs (démographiquement parlant) qu’étaient le Hermel, Rachaya et Hasbaya ne le sont plus aujourd’hui. Politiquement, l’émancipation de ces trois cazas en circonscriptions ne serait significative et porteuse de changement que dans le troisième, Hasbaya. En effet, adjoint à Marjeyoun, un caza bien plus peuplé et formé d’une très grande majorité chiite, ce dernier ne pèse pas lourd électoralement parlant. En revanche, s’il se retrouve seul, il change automatiquement de camp, dans la mesure où il est formé d’une écrasante majorité sunnito-druze et d’une minorité chrétienne… et presque pas de chiites. De plus - et c’est là la difficulté -, il faudrait songer, en cas de séparation des deux unités, à caser quelque part le siège grec-orthodoxe. Or, à la fois d’un point de vue géographique et dans un souci d’équilibre, ce ne peut être qu’à Hasbaya. Seulement, pour que ce siège mérite d’exister, il faudrait impérativement adjoindre les localités chrétiennes de Marjeyoun, à commencer par le chef-lieu lui-même, à la nouvelle circonscription de Hasbaya. De la sorte, l’électorat chrétien, en particulier grec-orthodoxe, serait suffisamment nombreux pour mériter ce siège. D’autre part, son poids dans l’élection serait plus grand. Seulement voilà, il faudrait alors compter trois sièges de moins pour l’opposition. Un autre problème se pose à Jezzine et à Zahrani, deux cazas limitrophes. L’évolution démographique fait que, dans le premier, le poids de l’électorat chiite, quoique minoritaire, se fait de plus en déterminant dans le pourvoi des trois sièges (deux maronites, un grec-catholique) du caza. Alors que dans le second, la minorité chrétienne ne pèse plus du tout face à la formidable concentration chiite. Il serait donc juste, en vertu du souci d’équilibre évoqué plus haut, de déplacer la frontière entre les deux cazas, de façon à adjoindre au caza de Jezzine les villages chrétiens à l’est de Saida et d’annexer à Zahrani les localités chiites de Jezzine. De cette façon, au lieu d’avoir deux zones d’influence chiites, l’une en « terre chrétienne » et l’autre en « terre chiite », chacun serait déterminant chez soi. Politiquement, l’avantage serait de permettre aux quatre sièges chrétiens ainsi réunis d’être élus à l’issue d’une bataille entre chrétiens. Tant dans le cas de Hasbaya que dans celui de Jezzine, de telles modifications se feraient au détriment un peu du Hezbollah, mais beaucoup de Nabih Berry, qui compte énormément sur l’électorat non chiite au Liban-Sud pour contrebalancer le poids de plus en plus écrasant de son allié aux allures de prédateur. On l’a vu lors des dernières municipales à Tyr, en 2004, lorsque M. Berry dut quasiment aller chercher par la main les électeurs chrétiens établis au Metn ou au Kesrouan pour que le Hezbollah ne puisse pas lui arracher l’un de ses derniers bastions. Le problème, c’est que les chrétiens de ce pays, et en particulier ceux du Liban-Sud, ne sont pas faits uniquement pour permettre au président de la Chambre de ne pas rester seul, entre chiites. Et après tout, ce n’est pas de leur faute si l’électorat chiite préfère « l’original » à la « copie » ! Ailleurs, d’autres circonscriptions, mixtes ou à dominante unique, posent un problème de surdimensionnement par rapport au reste du pays. Ainsi, dans le Akkar, une circonscription qui totalise un nombre d’inscrits cinq fois supérieur à celui de Bécharré, il serait recommandable de former deux circonscriptions. Sachant qu’il est géographiquement possible de dessiner deux unités mixtes, l’une à grande dominante sunnite et l’autre à légère dominante chrétienne. Ce même problème de surdimensionnement se pose aussi à Tripoli, Baalbeck, Zahlé, au Metn, au Chouf et à Tyr, ainsi que dans la capitale. Enfin, évoquons le cas très spécifique de Baabda. De tous les cazas libanais, celui-ci est, de loin, le plus artificiellement fabriqué. Le problème, contrairement à ce que l’on prétend parfois, ne réside pas dans le gonflement récent de l’électorat chiite en son sein, mais plutôt dans l’absence de tout lien entre l’électeur de Hammana ou de Ras el-Metn, d’une part, celui de Furn el-Chebbak ou de Bourj Brajneh de l’autre. L’enjeu, ici, n’est nullement de mettre face à face chiites et druzes, ou chiites et chrétiens, ou encore druzes et chrétiens, mais de souligner l’inadéquation géographique, sociologique et économique de cette circonscription. Cette inadéquation crée donc une frustration légitime chez les électeurs de la Montagne, qu’aggrave naturellement le gonflement chiite sur le littoral. L’une des solutions, qui de plus servirait le nécessaire rééquilibrage en faveur des chrétiens, serait d’adjoindre la partie montagneuse du caza à une circonscription unique du Haut-Metn, dès le moment où le Metn-Nord serait lui-même divisé en deux unités, l’une dans les hauteurs et l’autre sur le littoral. Ainsi, un député druze sur huit serait élu par des voix principalement chrétiennes, ce qui ne serait pas de trop, puisqu’en sens inverse, pas moins de sept sièges chrétiens resteront dépendants d’une majorité druzo-sunnite entre Aley et le Chouf. Il reste à savoir si tous ces rééquilibrages, conformes au vœu du patriarche, conviennent à ceux qui affirment aujourd’hui être les « patriarches politiques » des chrétiens. É.F.
La loi de 1960 était principalement fondée sur l’adoption des cazas comme circonscriptions électorales. À quelques exceptions près. D’abord dans la capitale, divisée, en l’absence de cazas, en trois unités découpées verticalement. La première était et demeure à majorité écrasante chrétienne, la seconde est majoritairement sunnite, mais avec une minorité chiite qui...