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Dérives…

Crise politique, crise de confiance, crise même d’identité, tout cela est vrai, tout cela est évident, mais en profondeur, telle une termitière qui ronge les fondements d’un édifice, il est une crise beaucoup plus grave, beaucoup plus pernicieuse : c’est celle des valeurs. Une bombe à retardement implantée dans les esprits, incrustée dans les cerveaux et qui, sournoisement, subrepticement pose les jalons d’un avenir incertain, crée de nouveaux critères, d’étranges références aux antipodes de celles qui ont façonné notre passé et notre présent. En substance, c’est tout le paysage culturel du pays qui se modifie, un paysage qui, dans quelques années, dans quelques décennies, n’aura probablement plus rien à voir avec celui qui dessine encore notre quotidien. Sans nullement nous aventurer dans des procès d’intention, il suffit d’observer une pause, de nous arrêter sur le discours politique ambiant, sur la qualité de l’intervenant comme celle du verbe utilisé pour mettre le doigt sur la plaie. Qu’on en juge, mais à titre uniquement anecdotique : « Suppôts d’Israël, laquais de Bush, vermine se nourrissant de la botte impérialiste, employés à la petite semaine à l’ambassade américaine » : des amabilités qui nous cueillent à froid, dès le lever du lit, répercutées par les stations radio, les chaînes de télévision. Et, en fin de journée, quand la nuit apaisante tombe sur la ville, les talk-shows, vite fait, bien fait, prennent le relais : « Escrocs, voleurs, vipères, baudets » et des noms d’oiseaux et de plantigrades dont je tairais les noms par respect pour eux… Mais qui sont donc ces serpents qui sifflent sur nos têtes, qui sont ces ours mal léchés qui jurent comme des charretiers, qui se donnent en spectacle comme s’ils se trouvaient dans le bouge d’un quartier malfamé fréquenté par des malotrus ? Des hommes politiques pardi ou qui se prétendent comme tels ! Très BCBG, en complet veston et cravate signée, sourire en coin de la personne qui sait tout, mais ne le dit pas. Et, quand ils ouvrent la bouche, la nature reprend vite ses droits : c’est alors la terre qui vomit ses souillures, les viscères qui crachent leurs déjections. Mais n’accordons pas à ces tristes personnages plus d’importance qu’ils n’en ont. Ils ne sont que le grotesque reflet du basculement d’une certaine mentalité, la caricature d’une nouvelle forme de pensée faite d’arrogance et de mépris. Une dérive vers un totalitarisme primaire où les prophètes de l’ordre nouveau prêchent la bonne parole à des assemblées de fidèles pris au piège du « leader charismatique ». L’histoire du monde est riche en exemples de ce type de dérives et le Liban, aujourd’hui, ne semble malheureusement pas pouvoir en réchapper. Et c’est institution après institution que le travail de sape est mené : un Parlement mis en sommeil, un gouvernement emmuré vif, une armée mise en conditionnement, une présidence quasiment subtilisée et, cerise sur le gâteau, l’insulte faite à Bkerké, l’injure faite à l’instance religieuse la plus respectée, celle devenue, au fil des ans, une référence nationale incontournable. Étrange, bien bizarre paradoxe où l’on voit les autoproclamés hérauts de la cause chrétienne (alors que leur parcours se voulait laïc au départ) participer activement à l’entreprise de démolition, aiguiser l’arme que l’exécutant des basses œuvres enfonce dans le corps meurtri de l’Église maronite. Culture de vie, culture de mort, le Hezbollah, lui, a choisi le deuxième terme de l’équation et Hassan Nasrallah, dans sa dernière intervention, en a clairement fait l’apologie, sans que son allié chrétien, le Courant patriotique libre, ne trouve rien à y redire. Et pourtant, il est plus qu’évident qu’on ne construit pas une nation sur une culture de la mort, qu’on ne met pas aux enchères des restes humains, même quand on négocie avec le plus vil des ennemis. De la destruction systématique des symboles de notre vie nationale à l’exhibitionnisme macabre applaudi par une foule en délire, c’est une page de notre histoire qui se tourne, c’est l’antithèse de tout ce qui a fait le Liban : tolérance, dialogue, respect de l’autre, pluralité. Un président aujourd’hui, demain ou dans un an ? Quelle importance ! Au rythme où vont les choses, au rythme des victoires divines et des agressions contre les derniers remparts de l’État de droit, il ne nous restera plus, peut-être, un jour qu’à pleurer sur les ruines d’une illusion. Nagib AOUN
Crise politique, crise de confiance, crise même d’identité, tout cela est vrai, tout cela est évident, mais en profondeur, telle une termitière qui ronge les fondements d’un édifice, il est une crise beaucoup plus grave, beaucoup plus pernicieuse : c’est celle des valeurs.
Une bombe à retardement implantée dans les esprits, incrustée dans les cerveaux et qui, sournoisement,...