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Actualités - CHRONOLOGIE

MP5-DANSE - Deux soirées consécutives au Tournesol pour « Waçl », la performance tunisienne Saisir le flottant avec Selma et Sofiane Ouissi

« Peut-on capturer l’ineffable ? L’invisible peut-il être dansé et chorégraphié ? » La réponse à ces questions est rapportée par les deux chorégraphes tunisiens Selma et Sofiane Ouissi, qui ont plongé, par une chorégraphie baptisée « Waçl » (ou liaison au sens spirituel du terme), le public du théâtre Tournesol si ce n’est dans les limbes, du moins dans des nimbes lumineuses. Inspirée de la littérature classique mystique, la nouvelle création des frère et sœur Ouissi, Waçl (liaison), réunit plusieurs artistes, même si on n’en voit que quatre sur scène : Éric Faes pour la création sonore, Mounir Troudi, chanteur musicien, Simon Siegmann, pour la scénographie et lumière, Béchir Kahouaji, poète traducteur, Salah Barka, pour la création des costumes, aux côtés de Selma et Sofiane Ouissi, pour la dramaturgie et la scénographie. Avec un diplôme de danse du Conservatoire national de Tunis, Sofiane Ouissi devient interprète de la Compagnie de Syhem Belkhoja et intègre en 2001, à Bruxelles, celle de Michèle-Anne de Mey où il participe à plusieurs créations. Il dansera également dans le film Deep in the Wood de Thierry de Mey, avant d’effectuer, en 2001-2002, une tournée européenne dans la comédie musicale Notre-Dame de Paris. Quant à sa sœur Selma, da nseuse, interprète et chorégraphe, c’est également munie de son diplôme de danse de Tunis qu’elle s’envole pour Paris, où elle intègre l’école internationale de danse Paul et Yvonne Goubé. En 2000, elle obtient son diplôme d’État d’enseignement de la danse. Elle poursuit à peu près le même circuit que son frère Sofiane. Aujourd’hui, c’est également dans une fusion totale qu’ils présentent leur seconde création au Tournesol. Le spectateur est convié dans Waçl à un voyage intérieur, voire mystique. Dès la première minute de la performance, il sait qu’il a le choix entre accepter ce voyage dans un univers de silence et d’inertie, ou le rejeter. Pour ceux qui ont embarqué avec les frère et sœur Ouissi, ils vont petit à petit sonder le monde du mouvement, du son et des voix dans une scénographie faite tout en transparence et en effacement. Voyage intérieur Puisant dans la poésie mythique de Djâlal al-Din Rûmi (inspirateur persan du soufisme), Lien ou Liaison se construit et se déconstruit sur les planches. Dans un immense cube en tulle qui enveloppe la scène, les chorégraphes vont glisser peu à peu du monde des ténèbres vers la lumière, pour revenir de nouveau à l’obscurité totale. Par petits pas (réglés au millimètre près), effleurant ou frottant le sol de leurs pieds nus, Selma et Sofiane Ouissi, créatures androgynes (puisqu’on ne discerne pas leurs traits dans la pénombre), évoluent dans un univers de brume (grâce à un éclairage élaboré d’une manière fabuleuse). Torses arqués vers l’arrière et composant des boucles et des spirales répétitives, ils annulent par cette action centrifuge toute temporalité et toute spatialité. En quête d’un centre impossible (serait-ce celui de la vie ?), leurs corps forment des corolles qui vont petit à petit se restreindre à un cercle limité. Nimbé par le jeu des lumières qui s’éteignent ou plutôt disparaissent d’une manière imperceptible, le silence est également ponctué par les chants douloureux du poète musicien. Au son des lamentations et des voix gutturales, de bruits de meules ou de fontaines qui rythment l’espace, les corps oscillent comme ceux des derviches tourneurs et opèrent une liaison entre les âges, passés et futurs. Leurs mouvements, effectués dans des circonvolutions intérieures, mais aussi dans une verticalité tendant vers le haut, s’inscrivent dans une rotation qui semblerait immobile puisqu’elle ramène au bout du compte à l’inertie totale. Dans cette ronde qui n’en finit pas de se renouveler, de s’éteindre, de s’étouffer en son propre sein, les danseurs semblent indifférents aux gémissements et plaintes des musiciens et à leurs sourdes intériorités. Ils poursuivent leur évolution circulaire comme mus par un axe invisible. Évanescent mais aussi flottant, le spectacle de Selma et Sofiane Ouissi est une performance hors norme. Exigeante, la démarche artistique impose ses propres règles d’ascétisme et module un nouvel univers, à certains instants, impénétrable. Et peu importe si le public suit ou non (ce qui était le cas), les deux chorégraphes auraient, pendant soixante-quinze minutes, suspendu le temps. À tel point que l’étreinte du cercle s’étant peu à peu desserrée et que les mouvements, évanouis à nouveau dans l’obscurité, l’audience, ne réalisant pas la césure, ne savait plus s’il fallait applaudir ou réfléchir... encore. Colette KHALAF
« Peut-on capturer l’ineffable ? L’invisible peut-il être dansé et chorégraphié ? » La réponse à ces questions est rapportée par les deux chorégraphes tunisiens Selma et Sofiane Ouissi, qui ont plongé, par une chorégraphie baptisée « Waçl » (ou liaison au sens spirituel du terme), le public du théâtre Tournesol si ce n’est dans les limbes, du moins dans des...