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Actualités - CHRONOLOGIE

Une thérapie encore à ses premiers balbutiements Le XXIe siècle est celui de la médecine régénératrice, affirme le Pr Juan Carlos Chachques Rubrique réalisée par Nada Merhi

Les qualités thérapeutiques des cellules souches défraient depuis quelques années la chronique. Et les domaines d’intervention qu’on leur attribue ne sont que très nombreux allant des maladies du sang aux problèmes cardiaques, en passant par les problèmes neurologiques, endocrinologiques, ophtalmologiques et autres. Le Pr Juan Carlos Chachques, directeur de recherche du laboratoire d’investigations biochirurgicales de l’Université de Paris et à la Fondation Alain Carpentier, en visite récemment au Liban à l’invitation du Centre culturel, sportif et social du Collège Notre-Dame de Jamhour, expose à « L’Orient-Le Jour » les avantages de cette médecine encore à ses premiers balbutiements. Le Pr Chachques a à son actif plus de dix ouvrages et 200 articles médicaux dans le domaine. Ses travaux récents sur les cellules souches ont démontré leur importance dans la thérapie cellulaire qui consiste à greffer des cellules pour régénérer un tissu ou un organe endommagé. Ils ont également abouti au développement de la cardio-myoplastie et du myocarde bioartificiel. Les cellules souches sont des cellules indifférenciées qui existent dans notre organisme, mais aussi dans l’origine de l’être humain, c’est-à-dire chez l’embryon et chez le fœtus. Ces cellules peuvent produire n’importe quel tissu ou organe (cœur, pancréas, cerveau, foie…) et se caractérisent par leur capacité à se différencier avec l’évolution du corps et à se multiplier quasi infiniment, notamment en milieu de culture. « Si, toutefois, nous les prenons alors qu’elles sont encore à leur origine, nous pouvons les utiliser pour réparer et régénérer l’organisme ou une partie endommagée par une maladie », remarque le Pr Chachques. Jusqu’à il y a une dizaine d’années, les spécialistes ne pouvaient pas encore utiliser les cellules souches, parce qu’ils avaient une difficulté à les isoler et les reproduire dans les laboratoires. « Grâce à la biologie cellulaire, il est désormais possible d’utiliser ces cellules souches pour réparer des zones malades dans le corps », explique le Pr Chachques, précisant que les avancées effectuées dans ce domaine sont vastes et touchent à des maladies aussi diverses que la leucémie ou la maladie de Hodgkin, qui sont des maladies du sang, considérées jusqu’à une période récente comme « mortelles ». « Aujourd’hui, le pronostic a complètement changé, insiste le chercheur. Grâce aux cellules souches, il est désormais possible, chez une personne souffrant de leucémie, de remplacer la moelle osseuse qui est indispensable pour la production des globules rouges et blancs. Le patient doit avoir auparavant suivi un traitement de radiothérapie ou de chimiothérapie pour éradiquer les cellules cancéreuses. » Les cellules souches ont également fait leurs preuves dans le traitement des maladies cardiaques, notamment l’infarctus du myocarde. « Lorsqu’une artère est bouchée, la partie du myocarde qui pompe le sang dans le corps est fragilisée, observe le Pr Chachques. Le but de la thérapie cellulaire, dans ce cas, est de la faire revivre en injectant ces cellules souches directement dans le cœur. Quelque 500 malades ont déjà bénéficié de ce genre de traitement. » La thérapie cellulaire a de même été utilisée en ophtalmologie pour réparer un ulcère de la cornée, en orthopédie pour remédier aux problèmes observés au niveau des articulations du genou, principalement chez les personnes sportives, en urologie, dans les cas de l’incontinence urinaire chez les hommes et les femmes, et en endocrinologie notamment dans le cas de diabète de type II. Dix à 15 grammes Dans la majorité des cas, les cellules souches proviennent du patient lui-même. « On en prélève 10 à 15 grammes par biopsie d’un muscle squelettique de la jambe et on les cultive en laboratoire, souligne le Pr Chachques. Trois semaines plus tard, on en obtient quelque 500 à 600 millions par multiplication. Les cellules souches peuvent aussi être prélevées de la moelle osseuse, qui en demeure d’ailleurs la source la plus importante. On peut de même les trouver dans les tissus gras et le cordon ombilical. » « Il serait intéressant à l’avenir de prendre, au moment de la naissance, le sang du cordon ombilical et le cordon lui-même qui renferme des veines et des artères que l’on peut congeler pendant des années, poursuit-il. Ces cellules du cordon ombilical pourront ainsi être utilisées chez cet individu le jour où il en aura besoin. Si elles sont différenciées, ces cellules ont plusieurs domaines d’application, comme je l’ai déjà précisé, et peuvent même être utilisées pour traiter les maladies neurologiques, comme la sclérose en plaques, l’alzheimer, les traumatismes de la moelle épinière, etc. Dans ces cas, les cellules souches permettent de régénérer les tissus nerveux. » Inventions brevetées Sommité du monde médicale, le Pr Chachques a à son actif plusieurs inventions dans ce domaine. « Nous avons principalement travaillé sur le cœur, explique-t-il. Nous avons ainsi créé des infarctus expérimentaux sur certains animaux au laboratoire qu’on a traités par la suite par des cellules souches. Les résultats étaient très positifs. Mais on s’est aperçu que les cellules ne survivaient pas longtemps dans les tissus malades, en l’absence d’une circulation sanguine. Nous avons ainsi développé une matrice de collagène biodégradable, qui est une espèce d’éponge de collagène, dans laquelle nous plaçons les cellules souches avant de la fixer sur la surface cardiaque. Nous avons donc réussi à associer la thérapie cellulaire à la régénération des tissus, ce qui nous a permis de corriger de manière définitive les lésions cardiaques. » « Nous avons également associé des pacemakers à la thérapie cellulaire, ajoute-t-il. Parfois, les cellules auxquelles nous essayons de redonner une contractilité sont passives. Nous avons donc associé l’électrostimulation à la thérapie cellulaire, ce qui a permis à ces cellules de bouger grâce à l’électricité générée par le pacemaker. Sur un autre plan, nous avons développé une nouvelle méthode dans la culture cellulaire. Jusqu’à présent, on utilisait le sérum de bœuf fœtal pour faire des cultures de cellules dans les laboratoires. Nous avons démontré qu’il y a certains risques, notamment en ce qui concerne la maladie de la vache folle. Nous avons ainsi développé la culture des cellules avec le sérum du malade lui-même, qui sont des protéines retrouvées dans le sang. Nos créations ont toutes des brevets d’invention et elles ont été reconnues par le United States Patent Office et l’Union européenne. » Problème éthique ? Cette thérapie ne pose-t-elle pas un problème éthique ? « Non, tant qu’on utilise les cellules du patient lui-même, répond le Pr Chachques. Même si on utilise les cellules d’un autre individu, le problème ne se pose pas puisque la procédure ressemble à une transfusion sanguine, qui ne présente pas vraiment des problèmes éthiques. Le problème commence à se poser lorsque nous utilisons les cellules de l’embryon ou du fœtus. La question est celle de savoir à quel moment cet embryon représente une vie qu’on va détruire. Je pense que toutes les recherches dans ce domaine ont été réalisées sur des embryons surnuméraires. En fait, pour les fécondations in vitro, une dizaine d’embryons sont préparés. Au bout de 4 à 5 jours, quelques-uns sont implantés dans l’utérus de la femme. S’ils grandissent et que la grossesse évolue, les autres embryons sont gardés dans le congélateur. Ils n’ont aucune utilisation si les parents ne souhaitent pas avoir d’autres enfants. Et ce sont ces embryons que les chercheurs demandent à avoir. » Et le Pr Chachques d’ajouter : « Quant aux cellules fœtales, on sait tous qu’il existe des avortements spontanés ou thérapeutiques. Une partie de ces tissus fœtaux, comme le foie et le pancréas, peut être utilisée après la mort. Elle est récupérable après quelques heures du décès. Dans ces cas, il n’y a aucune mort intentionnelle pour avoir la matière, qui n’est d’ailleurs récupérée que lorsqu’il a été décidé qu’elle ne peut plus servir à autre chose. » Promulguer les lois parallèlement à la recherche Pour le Pr Chachques, le XXIe siècle est celui de la médecine régénératrice. « Le XXe siècle était le siècle de la physique, de la chimie, de la chirurgie classique, commente-t-il. C’était un peu destructif, parce que la physique a fini avec la bombe atomique et les radiations, la chimie avec l’intoxication et la contamination du sol avec les pesticides. » « Le XXIe siècle est celui de la biologie, poursuit-il. On a compris que la vie est très importante et qu’il fallait essayer de préserver autant que possible notre corps ou en utiliser une partie saine, les cellules souches à titre d’exemple, pour réparer une partie déficiente. La biologie, c’est l’étude de la vie. Elle a un rôle très important dans la médecine moderne. Je pense qu’il faut en profiter parce que c’est ainsi qu’on respecte la vie, en utilisant des matériaux naturels, dont le coût n’est pas exagéré et qui sont accessibles à tous. » Vous ne pensez pas qu’il y aura des abus ? « La biologie n’est pas la destruction, c’est la vie, assure le Pr Chachques. La destruction peut provenir de la physique ou de la chimie. Le seul risque que présente la biologie demeure celui de la manipulation génétique, c’est-à-dire insister à modifier les cellules de l’être humain pour qu’elles deviennent parfaites. Ce qui n’est pas acceptable. Même le clonage ne doit pas être considéré comme un traitement possible. Le clonage et la manipulation génétique doivent servir uniquement pour la recherche fondamentale. Parce que, en somme, le meilleur est l’ennemi du bon. Il ne faut pas chercher la perfection. Si on a un traitement efficace, il faut le développer, mais le perfectionnement trop exagéré peut nuire. Il est très important pour le moment d’éviter la manipulation génétique, ce qui permettrait d’offrir une thérapie sans risque à l’Êêtre humain. Mais il est tout aussi important de promulguer les lois de bioéthique parallèlement à la recherche scientifique et non pas après. Il faut punir et limiter les risques d’abus grâce à l’encadrement légal de tout traitement. »
Les qualités thérapeutiques des cellules souches défraient depuis quelques années la chronique. Et les domaines d’intervention qu’on leur attribue ne sont que très nombreux allant des maladies du sang aux problèmes cardiaques, en passant par les problèmes neurologiques, endocrinologiques, ophtalmologiques et autres. Le Pr Juan Carlos Chachques, directeur de recherche du...