La récente rencontre au Vatican du « gardien des lieux saints », le roi Abdallah d’Arabie saoudite, et du pape Benoît XVI est un événement majeur, notamment car elle s’est produite alors que les musulmans radicaux réfutent le rôle des « croisés » dans la politique du Moyen-Orient. C’est aussi le signe le plus net de la naissance d’une « sainte-alliance »...
Actualités
Commentaire Une nouvelle Sainte-Alliance ?
le 17 novembre 2007 à 00h00
Par Mai YAMANI*
La récente rencontre au Vatican du « gardien des lieux saints », le roi Abdallah d’Arabie saoudite, et du pape Benoît XVI est un événement majeur, notamment car elle s’est produite alors que les musulmans radicaux réfutent le rôle des « croisés » dans la politique du Moyen-Orient. C’est aussi le signe le plus net de la naissance d’une « sainte-alliance » des dirigeants conservateurs du monde. Car le public principal de cette rencontre entre un roi musulman et un pontife catholique n’était pas leurs partisans, mais un autre dirigeant conservateur, le président George W. Bush.
La première Sainte-Alliance était une création du prince autrichien Metternich après les guerres napoléoniennes. Elle visait à préserver la paix (et la sécurité de l’empire autrichien relativement fragile) par le biais d’une coalition de vainqueurs partageant les mêmes valeurs.
La Sainte-Alliance de Metternich fut la seule idée politique originale à émerger de la défaite de Napoléon. Derrière son appellation exaltante se cache une innovation d’une grande portée diplomatique : l’introduction d’un élément de contrôle moral calculé dans les relations internationales. Les intérêts particuliers que les membres de l’alliance – l’Autriche, la Prusse et la Russie – entretenaient dans la survie de leurs institutions nationales les menèrent tous à chercher à éviter des conflits que, dans le passé, ils auraient poursuivis automatiquement.
Le système de Metternich fonctionna pendant la plus grande partie du XIXe siècle, car il protégeait un authentique équilibre des pouvoirs entre des pays qui partageaient certaines valeurs. Mais quelles valeurs communes le roi, le pape et le président américain partagent-ils ?
Le fait qu’une telle rencontre ait pu se produire indique que le pape et le roi pensaient tous deux qu’un résultat était possible. D’ailleurs, Abdallah, qui estime être le dirigeant le plus important du monde musulman, est le premier roi saoudien à initier une rencontre avec un dirigeant de la foi chrétienne.
Les deux hommes se sont rencontrés, apparemment sur un pied d’égalité, non pas pour exprimer les valeurs communes du conservatisme, mais pour promouvoir et confirmer leur autorité à faire respecter les valeurs traditionnelles. Tous deux s’accordent à dire que les réformes doivent être lentes, prudentes, et qu’elles ne doivent en aucun cas saper les institutions établies, notamment la religion et la famille patriarcale.
Abdallah a recherché cette rencontre car il estime que le monde, depuis 2001, a divisé la fraternité des conservateurs. Jusque-là, lui et Bush partageaient la même vision du monde, où prévalait l’importance de la religion, de la famille traditionnelle (en fonction de l’idée que s’en faisait chaque pays), de la discipline sociale et du rôle de l’État dans le soutien de ces institutions.
Mais Bush, après les attaques terroristes de 2001, s’est détourné du conservatisme. Il a cherché à réinventer radicalement le Moyen-Orient, pas seulement en renversant le régime taliban en Afghanistan et celui de Saddam Hussein en Irak, mais aussi par le biais de son appel acharné à la démocratisation.
Cependant, le radicalisme américain a provoqué une intensification des tensions entre communautés religieuses au Moyen-Orient, et de la montée de l’Iran radical avec sa tentative d’hégémonie régionale. Depuis 2001, les minorités chrétiennes servent de cibles dans la région, même la communauté chrétienne maronite du Liban. Et en Irak, les sunnites se sentent assiégés par la majorité chiite aujourd’hui au pouvoir.
C’est là qu’intervient le concept de contrôle moral de la Sainte-Alliance. Abdallah a compris peut-être avant tout le monde qu’un code de contrôle était nécessaire pour éviter que toute la région ne sombre dans une guerre de chacun contre tous.
En outre, Abdallah comprend que son fragile régime ne sera capable de résister aux vents radicaux qui soufflent désormais que s’il parvient à établir le genre d’alliance pour la stabilité que Metternich avait créée. Le roi, à l’instar de Metternich et des kaisers autrichiens, comprend le principe de Tocqueville selon lequel le moment le plus dangereux pour un régime est celui où il entreprend des réformes. Comme il a commencé, bien que très prudemment, à ouvrir son pays politiquement, le roi sait que la paix dans la région lui est nécessaire, ainsi que l’adoucissement de la sainte colère islamique.
Le problème est que Abdallah ne peut pas se fier à ses alliés nationaux conservateurs pour lui donner le temps dont a besoin le royaume. L’establishment religieux de la religion wahhabite, les codirigeants cachés de l’Arabie saoudite, pourrait parfaitement entraver les tentatives de Abdallah de parvenir à une réconciliation religieuse régionale. Des membres de la police religieuse maintiennent catégoriquement que les habitants chrétiens du pays doivent continuer à vivre en respectant les stricts codes de conduite wahhabites. Alors que les Wahhabites pourraient à nouveau se laisser corrompre par l’argent du pétrole, les juges avides de pouvoir de la secte attendent avec impatience la prochaine décapitation, lapidation ou les prochains coups de fouet infligés sur la place publique de Ryad.
Par conséquent, unir les forces du conservatisme immobile, même si certains de ces conservateurs sont chrétiens, est la seule stratégie diplomatique viable accessible à l’Arabie saoudite. Car les dirigeants conservateurs tombent généralement quand ils échouent à appréhender leur propre vulnérabilité, surtout quand le défi révolutionnaire se drape dans des atours conservateurs. Après tout, peu de systèmes politiques ont les moyens de se défendre contre ceux, comme les islamistes radicaux d’Arabie saoudite, qui prétendent qu’ils peuvent protéger le système et ses valeurs religieuses de manière plus efficace que les dirigeants actuels.
Pour Abdallah, seule une alliance de puissances et de dirigeants conservateurs (comprenant un renoncement par les Américains au radicalisme diplomatique) peut restaurer un peu de stabilité au Moyen-Orient.
*Mai Yamani est chercheur à la Brookings Institution.
© Project Syndicate, 2007. Traduit de l’anglais par Bérengère Viennot.
Par Mai YAMANI*
La récente rencontre au Vatican du « gardien des lieux saints », le roi Abdallah d’Arabie saoudite, et du pape Benoît XVI est un événement majeur, notamment car elle s’est produite alors que les musulmans radicaux réfutent le rôle des « croisés » dans la politique du Moyen-Orient. C’est aussi le signe le plus net de la naissance d’une « sainte-alliance »...
La récente rencontre au Vatican du « gardien des lieux saints », le roi Abdallah d’Arabie saoudite, et du pape Benoît XVI est un événement majeur, notamment car elle s’est produite alors que les musulmans radicaux réfutent le rôle des « croisés » dans la politique du Moyen-Orient. C’est aussi le signe le plus net de la naissance d’une « sainte-alliance »...
Les plus commentés
« Nous ne sommes pas une partie de l'opposition, nous sommes l'opposition », réitère Gebran Bassil
Le Liban n’a pas besoin d’un nouveau Riad Salamé
Bassil : Le CPL ne sabordera pas le travail de l'exécutif