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Actualités - CHRONOLOGIE

L’ART et le Conseil de la privatisation lancent l’appel d’offres international pour les deux licences de téléphonie mobile Les Libanais peuvent-ils enfin commencer à rêver d’une baisse des tarifs des cellulaires ?

Les réformes, slogan préféré des politiques, les Libanais n’y croient plus depuis bien longtemps. Mais est-il possible, qu’enfin, le chantier démarre, au moment où le gouvernement s’apprête à plier bagage, et que le pays est plongé dans une inextricable crise politique ? Est-il surtout possible, dans ce contexte, d’entamer l’une des réformes les plus attendues, mais aussi l’une des plus « sensibles » : la privatisation des deux réseaux de cellulaires ? Oui, répondent sans osciller Kamal Shéhadé et Ziad Hayek, respectivement présidents de l’Autorité de régulation des télécoms (ART) et du Haut Conseil de la privatisation. La preuve, les deux hommes ont officiellement lancé hier le début de l’opération, en publiant les demandes d’application (Request for Application - RFA) à l’appel d’offres pour les deux licences et la cession des actifs de l’État, au cours d’une conférence de presse à laquelle n’a participé aucun membre du gouvernement. Sans doute pour essayer de « dépolitiser » le dossier, alors que le bloc de Nabih Berry a d’ores et déjà contesté la légitimité de l’opération, sans le consentement du Parlement. À ce propos, M. Hayek a souligné que la commission des consultations au sein du ministère de la Justice avait juridiquement validé l’opération. Et pour couper court à d’autres critiques d’ordre politique, les deux hommes ont tour à tour assuré que le gouvernement n’avait à aucun moment interféré dans l’élaboration du cahier des charges, approuvé récemment en Conseil des ministres. « Aucune compagnie connue d’avance ne remportera cet appel d’offres ni ne bénéficiera d’un traitement préférentiel, ni le gouvernement ni personne d’autre (…) ne connaîtra le nom du vainqueur une seconde avant la fin de l’adjudication publique, le cahier des charges n’a pas été taillé de sorte à favoriser une personnalité quelconque au détriment de la crédibilité, de la transparence et de l’intérêt du Liban, a martelé Kamal Shéhadé. Notre crédibilité, notre professionnalisme et notre conscience sont en jeu, et ils ne sont ni à vendre ni à acheter. » Les deux hommes ont d’ailleurs largement insisté sur ce point alors que les expériences passées dans le secteur de la téléphonie mobile n’ont laissé que de mauvais souvenirs aux Libanais. Pour garantir la transparence de l’opération, des réunions auront lieu régulièrement entre les deux instances et les représentants de la société civile (association des consommateurs, organismes économiques…) tout au long du processus. Aussi, les offres financières des compagnies qualifiées demeureront sous pli jusqu’à leur soumission au Conseil des ministres, qui ne sera pas informé de l’identité des postulants. Enfin une adjudication publique, en présence des médias, aura lieu le jour même (voir le détail du mécanisme par ailleurs). « Je sais qu’il nous est impossible de gagner la confiance des Libanais aujourd’hui quoi que nous disions (…), et que beaucoup préfèrent que ce dossier ne soit pas rouvert », a reconnu Ziad Hayek, mais il est impossible d’ignorer son impact sur l’économie ni le fait que les Libanais payent le tarif le plus cher de la région. Le tiers des deux compagnies introduit en Bourse Shéhadé avait indiqué la veille à l’AFP « que le Libanais paye en moyenne 65 dollars par mois, contre 40 dollars par exemple pour un Saoudien, sachant que le produit intérieur brut du royaume est deux fois supérieur à celui du Liban, et qu’un Européen paye encore moins ». Il est en effet impossible d’ignorer que le monopole exercé par l’État sur les cellulaires, en empêchant la concurrence entre les deux opérateurs, a totalement anéanti le développement du secteur, en termes d’investissements, de qualité et de coût des services. Aujourd’hui, seul un tiers des Libanais ont accès au cellulaire. Or, l’introduction de la concurrence, prévue en mars 2008, entraînera inexorablement une baisse des tarifs des cellulaires et la croissance du nombre d’abonnés. Et selon M. Hayek, une hausse du taux de pénétration de 10 % induirait une augmentation du PIB d’au moins 1 %, surtout dans une économie basée sur les services. Autre avantage économique de la privatisation : la dynamisation des marchés financiers puisqu’un tiers des parts de chacune des compagnies sera conservé par l’État avant d’être introduit à la Bourse de Beyrouth au plus tard en 2009. Les Libanais pourront pour la première fois détenir des titres de leurs opérateurs de téléphonie. Le secteur des télécoms a certes été longtemps considéré comme une poule aux œufs d’or, rapportant plus de 800 millions de dollars par an au Trésor, « mais il ne faut pas oublier que ces recettes proviennent des poches des citoyens », a souligné Ziad Hayek. Aussi, la privatisation n’empêchera pas l’État de bénéficier de la TVA et des impôts sur les revenus des opérateurs, voire d’une partie des recettes (voir par ailleurs). De plus, les revenus de la privatisation seront exclusivement destinés à éteindre la dette publique, comme l’impose la loi, et permettront donc d’économiser une partie du service de la dette, ont souligné les deux hommes. Duopole privé ? Restent les craintes du passage d’un monopole public à un duopole privé. Kamal Hayek, expert dans les télécoms avant d’être président de l’ART, a souvent prôné la libéralisation du secteur avant sa privatisation. Mais « cela s’applique aux pays n’ayant qu’un seul réseau. Au Liban, nous en avons déjà trois. Et l’Autorité de régulation garantira la concurrence entre les deux futurs opérateurs privés », a-t-il affirmé à L’Orient-Le Jour. En effet, l’Autorité fixe la réglementation du secteur et surveille son application. En cas d’entrave à la concurrence, elle peut infliger des amendes aux opérateurs, voire annuler la licence octroyée. De toute façon, la concurrence ne s’arrêtera pas là. La troisième licence de GSM doit également être cédée l’année prochaine à la future Liban Telecom. Mais M. Shéhadé a prévenu que si cette dernière tardait à voir le jour, la licence sera cédée à un troisième opérateur privé. Pour le moment on ne peut donc que saluer le courage politique qu’il a fallu pour lancer un tel chantier dans un tel contexte. En espérant que les engagements de transparence seront respectés, et que l’opération ne sera pas avortée en cours de route. Pourquoi privatiser maintenant ? La question est sur toutes les lèvres : pourquoi privatiser maintenant ? Pour Kamal Schéhadé, le moment a financièrement été bien choisi. Grâce aux liquidités du pétrole, les valorisations des compagnies de téléphonie mobile dans la région sont au plus haut, a-t-il souligné. Certes, la situation politique actuelle assombrit quelque peu les perspectives, mais le dernier délai de déclaration d’intérêt a été fixé au 25 janvier 2008, et celui de la soumission des candidatures au 1er février, avec l’espoir que la crise soit passée, et qu’un nouveau gouvernement soit en place. Rebondissant sur ce sujet, Ziad Hayek a estimé qu’il n’y a pas de moment « idéal » au Liban : « En juillet 2006, il y a eu la guerre, en décembre, le sit-in, en mai 2007, Nahr el-Bared…. » L’autre urgence est que les contrats de gestion conclus avec les deux opérateurs actuels se terminent mi-2008. Dans sa dernière réunion, le Conseil des ministres a accordé l’autorisation au ministère des Télécommunications de négocier une prolongation d’une durée maximale de 6 mois, pour assurer la transition avec les nouveaux opérateurs. Mais si le prochain gouvernement décide de reprendre le processus dès le début, il faudra signer de nouveaux contrats de gestion, généralement d’au moins trois ans. Enfin la dernière raison, qui n’a pas été évoquée par les deux hommes, est que le Liban s’était engagé à mener ces réformes devant la communauté internationale à Paris III. Et surtout, devant le Fonds monétaire international, qui a conditionné son aide financière, dans le cadre du programme d’urgence postconflit, à la privatisation des cellulaires, entre autres mesures. Sahar AL-ATTAR
Les réformes, slogan préféré des politiques, les Libanais n’y croient plus depuis bien longtemps. Mais est-il possible, qu’enfin, le chantier démarre, au moment où le gouvernement s’apprête à plier bagage, et que le pays est plongé dans une inextricable crise politique ? Est-il surtout possible, dans ce contexte, d’entamer l’une des réformes les plus attendues, mais aussi...