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Actualités - REPORTAGE

Reportage En Haïti, le déluge est venu de la montagne déboisée

Des femmes, des enfants et des jeunes, les pieds dans la boue infecte, tentent de dégager les objets hétéroclites qui encombrent les salles de classe de la petite école Maranatha de Cabaret, à 35 kilomètres de Port-au-Prince. C’est la première image à l’entrée du village où 25 personnes ont péri et une dizaine sont portées disparues dans les inondations de ces derniers jours causées par une semaine de pluies, selon le ministère de l’Intérieur. « Tout est venu de là-haut », explique Welène Nelson, pointant l’index vers la montagne où très peu d’arbres sont debout. Dans ce village, l’abattage de bois pour faire du charbon est une pratique ouverte, non réprimée par les autorités. Un moyen de survie pour une partie de la population, mais aussi la principale cause des inondations qui frappent le pays. « L’eau est arrivée en force des montagnes, elle a débordé la rivière complètement empierrée et envahi les maisons sur son passage », poursuit la jeune femme, épuisée après des heures passées à nettoyer sa maison. Des écoliers et des gens du voisinage tentent de retirer des cuvettes de boue des branches d’arbre pour retrouver les livres et toute la documentation de l’école. Des femmes lavent dans l’eau sale de la rivière ce qu’elles ont pu récupérer de leurs maisons inondées. « On n’a rien sauvé, mais Dieu nous a épargnés », dit l’une d’entre elles. L’église a été inondée, et un torrent de boue a envahi le presbytère que le personnel s’affaire depuis trois jours à déblayer. Mais, des actes de naissance aux certificats de baptême, les archives de l’église sont enfouies sous des tonnes de boue, irrécupérables. Un retraité, Raoul Bien-Aimé, n’a pas la force de raconter l’enfer qu’il a vécu dans sa belle résidence défigurée. Un véhicule tout-terrain emporté par la force des eaux explique tout. Le reste, ce sont des souvenirs et des biens perdus dans la boue. Revenu des États-Unis où il a vécu pendant plus de trente ans, Raoul avait bien meublé sa maison, équipée de génératrices et d’appareils modernes. Aujourd’hui, il est un des milliers de sinistrés et ne peut même pas utiliser ses rutilants 4x4 car toutes les voies d’accès sont coupées. « L’eau est arrivée à plus d’un mètre dans certaines résidences. Ici, j’ai tout perdu », se lamente un enseignant qui fait visiter sa maison pour montrer les dégâts. « Vous savez, je ne regrette rien, sauf ma bibliothèque », dit sa femme, l’air fatigué, qui a connu d’autres inondations dans la maison familiale. Dans le quartier et dans une bonne partie de Cabaret, chacun se plaint d’une perte et veut donner son nom pour une hypothétique aide de l’État. « Je n’ai que ces vêtements », dit un jeune en short et maillot. « Ma mère et moi nous sommes logés chez des parents dans un autre quartier », se console Garry, qui n’attend rien du gouvernement. « Un peu d’eau, des sachets de nourriture, un matelas, cela ne changera rien dans la vie des gens », renchérit un agent de la protection civile employé à dénombrer les victimes. « Nous sommes tous des sinistrés et des victimes », résume le juge de paix de la ville, Ferdinand Sénatus, qui reçoit depuis trois jours des dépositions de gens qui ont tout perdu, jusqu’aux pièces pouvant les identifier. Clarens RENOIS (AFP)
Des femmes, des enfants et des jeunes, les pieds dans la boue infecte, tentent de dégager les objets hétéroclites qui encombrent les salles de classe de la petite école Maranatha de Cabaret, à 35 kilomètres de Port-au-Prince. C’est la première image à l’entrée du village où 25 personnes ont péri et une dizaine sont portées disparues dans les inondations de ces derniers...