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VIOLON D’INGRES Avocat et membre du Spéléo-Club du Liban Joe Zgheib plaide la cause de la spéléologie !

Avocat reconnu, Joe Zgheib n’appartient certainement pas à la catégorie des rhétoriciens qui manient avec emphase la circonlocution verbale. Direct et dynamique, cet homme d’une cinquantaine d’années dévoile, dès le premier abord, sa nature franche, qui peut même passer – dans une société de faux-semblants comme la nôtre – pour abrupte. Abrupte, comme les grottes et les gouffres qu’il lui arrive de descendre en rappel lors de ses explorations spéléologiques du week-end. Une activité tout à la fois sportive, touristique et scientifique qui lui permet de « déstresser et d’oublier les tensions professionnelles de la semaine », tout en nourrissant son attirance pour « l’aventure, le risque et les défis », assure cet ancien secouriste de la Croix-Rouge. On l’aura deviné, maître Joe Zgheib est autant un homme de conviction que d’action – et pas seulement en justice ! C’est par conviction qu’il a intégré le barreau – alors qu’il se destinait originairement à des études de chimie – après un accident de voiture au cours duquel une amie, sa passagère, avait trouvé la mort. « J’ai été arrêté. D’enquête en enquête, de tribunaux en avocats », il se retrouve au cœur de la machine judiciaire et – bizarrement dans sa situation ! – apprécie cet univers. Sans plus hésiter, il abandonne alors la chimie pour le droit. Un domaine qui convient bien mieux à son goût du challenge. Sauf que dans le droit, on gagne toujours contre quelqu’un, alors qu’en spéléologie, la « poussée d’adrénaline » n’est dirigée que dans le sens d’une compétition avec soi-même. « C’est une activité qui permet d’éprouver ses limites, sa résistance physique, ses capacités d’endurance et même sa patience, car il faut savoir parfois rester à l’affût, ce qui n’est pas toujours mon fort », reconnaît-il en riant. C’est en 1983, lorsque le Spéléo-Club du Liban voulant relancer ses activités – gelées par la guerre – s’adresse à un confrère pour régulariser sa situation juridique, que Joe Zgheib, qui « rêvait de spéléo depuis l’adolescence », va sauter sur l’occasion pour s’y essayer. Première sortie : la grotte de Roueiss à Majdel Aquoura. « C’était plutôt une excursion », se souvient-il, comme si c’était hier. Sauf qu’il y rencontre Sami Karkabi, chef de file des spéléologues libanais, avec qui il nouera une solide amitié qui achèvera de le convaincre, si besoin en était, d’intégrer le Spéléo-Club du Liban. Piètre spéléologue ? Depuis, c’est à raison d’une sortie hebdomadaire – avec de temps en temps une nuit passée sous terre— qu’il pratique ce loisir, du début du printemps jusqu’à la fin de l’automne. Mais en hiver aussi, en ski de randonnée pour prospecter les sites. « Un des attraits majeurs de la spéléologie est qu’elle s’élargit à d’autres activités, comme le ski de fond, la marche dans la nature, le vélo tout-terrain, la plongée (en grotte)... Tout le monde y trouve son compte, fait-il d’ailleurs remarquer. Les scientifiques qui recherchent les cavernicoles (les petites bêtes des grottes, de pigmentées et sans yeux ou les chauves-souris qu’on y trouve par milliers), les archéologues, les géologues ou encore les architectes qui en scrutent le karst (les formations géologiques), les artistes et photographes qui prennent de superbes photos souterraines, et bien sûr les explorateurs et les sportifs pour la découverte et la dépense physique », assure-t-il avec l’enthousiasme de celui qui prêche pour sa paroisse. Ou est-ce un plaidoyer ? Avant de... confesser n’être, pour sa part, qu’un « piètre spéléologue ». « Il y a certaines choses qu’un spéléologue doit maîtriser parfaitement : les nœuds pour amarrer une corde, le rapport de sortie, le repérage sur carte ou encore la topographie de la grotte (mesurer, prendre les directions à la boussole, prendre les inclinaisons, etc.) Des exercices que je n’ai jamais su faire, que je n’ai pas la patience de faire et que je déteste faire », affirme, sans fausse honte, ce néanmoins passionné d’exploration et de randonnée spéléologiques, qui trouve son compte dans la dépense physique et l’atmosphère conviviale que ce sport d’équipe lui offre. Sans oublier la découverte émerveillée des richesses de la nature : des paysages grandioses (« les salles en profondeurs de Jeïta par exemple, qui ne sont pas ouvertes au public, et dont le sol, comme de la dentelle, est tellement immaculé qu’il faut se déchausser avant d’y mettre le pied »), parfois des sources (« directement signalées à l’Office des eaux »), d’autres fois des restes archéologiques (comme ce silex taillé qui remonte au Cro-Magnon). « Là aussi on avise directement la Direction générale des antiquités ». Sauf qu’à l’instar d’une société secrète, les spéléologues se gardent bien d’ébruiter leurs découvertes à tout venant, « afin de les préserver du vandalisme. Certaines cavités sont d’une beauté si exaltante qu’il serait dommage de laisser des gens, dont le seul souci est de rapporter une stalactite ou une stalagmite en souvenir à la maison, les altérer », conclut ce fervent défenseur de la nature. Qui trouve en son sein l’équilibre dont il a besoin pour relever avec sérénité les défis du quotidien... Zéna ZALZAL Vandalisme et chasse aux trésors C’est avec colère que Joe Zgheib dénonce le vandalisme parfois outrancier dont font preuve les Libanais. Parmi les exemples les plus choquants celui de la grotte de Kfaraaïl, à Antélias, découverte dans les années 50-60, et où se trouvait le premier Neandertal. « La grotte n’existe plus aujourd’hui. Elle a été détruite par les carrières », fulmine-t-il. Par contre, c’est avec amusement qu’il raconte comment son groupe est souvent « suivi et épié lors de nos sorties exploratoires par des gens de la région qui s’imaginent que nous sommes en quête d’un trésor caché ».
Avocat reconnu, Joe Zgheib n’appartient certainement pas à la catégorie des rhétoriciens qui manient avec emphase la circonlocution verbale. Direct et dynamique, cet homme d’une cinquantaine d’années dévoile, dès le premier abord, sa nature franche, qui peut même passer – dans une société de faux-semblants comme la nôtre – pour abrupte.
Abrupte, comme les grottes...