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Actualités

Cas de pauvreté extrême et casse-tête sociologiques dans la banlieue sud

Il y a des cas de pauvreté extrême dans la banlieue sud de Beyrouth. Ça, les dames de l’Association de l’avancement social le savent bien. Cette organisation indépendante, basée à Haret Hreik, sillonne les rues pour venir en aide à plus de 300 familles ayant des enfants en âge d’être scolarisés, et distribuent chaque année, durant le mois de ramadan, quelque 1 300 repas par jour à plus de 450 familles nécessiteuses. Mais alors que l’objectif premier de leurs contacts avec les familles est d’assurer l’éducation des enfants (elles organisent aussi le suivi scolaire et des cours particuliers), ces dames découvrent souvent des problèmes sociaux à la pelle, exacerbés par la pauvreté extrême et par l’ignorance (la tournée des domiciles est effectuée par des assistantes sociales). Hyam Mansour, directrice du département de l’éducation, constate une nette dégradation de la situation économique : c’est à cela qu’elle impute la hausse de la demande d’aide alimentaire durant le jeûne du ramadan, et la nette augmentation du nombre des enfants pris en charge par l’association, et qui totalisent cette année un millier contre quelque 700 l’année dernière, 300 il y a cinq ans. En effet, un grand nombre des familles assistées par l’association sont de celles qui ont connu une dégradation de leur situation économique, après avoir fait partie de la classe moyenne. « Les critères pour accepter les familles sont simplement les suivants : il faut qu’il y ait des enfants en âge d’être scolarisés, que les parents soient incapables de payer cette scolarité, mais qu’ils aient la volonté de garder leurs enfants à l’école », explique-t-elle. Mme Mansour ajoute que selon les observations de l’association, l’aggravation de la pauvreté est souvent causée par la maladie ou le handicap du père (des problèmes de santé résultant souvent de l’absence d’assurance médicale ou encore du manque de sensibilisation), le décès ou l’absence de celui-ci, et l’incapacité de la mère à trouver du travail parce qu’elle n’a pas le niveau d’éducation suffisant. Mais il est des cas que la pauvreté absolue a tellement compliqués qu’il « devient difficile de savoir par où commencer », comme l’expriment les membres de l’association. Mme Mansour se souvient particulièrement de deux d’entre eux, de véritables casse-tête sociologiques, parfaits exemples des avatars qui résultent de la misère et de la sensibilisation insuffisante. « Nous entendons souvent parler des cas de familles en difficulté par les conversations qui se nouent lors de la distribution de rations alimentaires durant le mois de ramadan, raconte-t-elle. Un jour, il y a environ trois ans, une mère est passée au centre de ravitaillement, et s’est plainte du fait que sa fille était martyrisée et séquestrée par ses frères. Nous avons décidé d’enquêter davantage sur l’affaire, et avons été reçues au domicile de cette famille modeste pour y trouver une jeune fille traumatisée. Peu à peu, elle s’est ouverte à nous, et nous avons soupçonné un problème psychologique. Le psychiatre qui l’a prise en charge par nos soins a diagnostiqué un manque de lithium dans le sang, cause de la nymphomanie dont elle souffrait et qui a provoqué le comportement violent de ses frères, en vue, il s’est avéré, de l’empêcher de quitter la maison. Elle est aujourd’hui tirée d’affaire et mariée. Le reste de la famille a été pris en charge par l’association également. » Le cas d’une autre famille, habitant non loin du siège de l’association, est encore plus spectaculaire. Mme Mansour se souvient n’avoir même pas été capable d’entrer dans la pièce unique qui sert de domicile à cette famille démunie de tout. « Les murs sont si sales qu’on croirait qu’ils sont peints en noir », raconte-t-elle. Le père, la cinquantaine, est atteint d’un cancer du foie en phase terminale. La mère semble souffrir d’un retard mental. « Dans ce cas-là, il faudrait sortir les jeunes filles de cette ambiance, dit-elle. Le problème, c’est qu’il n’existe pas au Liban d’établissements conçus pour les cas qui ne sont ni déments ni normaux. On ne peut intégrer ces enfants à Dar al-Ajaza ou au couvent de la Croix. Un autre point à soulever, c’est que le traitement psychologique n’est pas couvert au Liban, or il est le plus coûteux. » Mme Mansour révèle un projet ambitieux de l’association qui est de fonder un foyer pour des jeunes filles qui doivent être retirées de leur famille, où celles-ci seraient accompagnées et pourraient apprendre un métier. Mais pour cela, il faudrait un financement. Pour l’instant, l’association compte surtout, pour remplir ses caisses, sur ses propres activités de collecte de fonds (comme son iftar annuel par exemple), sur des dons en espèces ou en nature (aliments, vêtements, livres…), notamment en période de ramadan, sur un système appelé « la tirelire », où de petites sommes laissées de côté chaque jour permettent à un donateur de rassembler des sommes significatives à l’intention d’élèves en difficulté, et, enfin, sur un système de parrainage qui vient d’être mis en place. Que faut-il faire pour combattre la pauvreté ? Mme Mansour évoque en premier lieu les nécessaires campagnes de sensibilisation auprès de la population (l’association en entreprend déjà). Mais elle pense également que le ministère des Affaires sociales doit se montrer plus présent sur le terrain. « Des cas très lourds comme la famille que nous avons mentionnée ne peuvent être pris en charge que par l’État, parce que leurs problèmes sont multiples, et c’est généralement le cas avec les victimes de l’extrême pauvreté », ajoute-t-elle. Elle dénonce aussi la coordination inefficace entre les différents acteurs sociaux sur le terrain.
Il y a des cas de pauvreté extrême dans la banlieue sud de Beyrouth. Ça, les dames de l’Association de l’avancement social le savent bien. Cette organisation indépendante, basée à Haret Hreik, sillonne les rues pour venir en aide à plus de 300 familles ayant des enfants en âge d’être scolarisés, et distribuent chaque année, durant le mois de ramadan, quelque 1 300...