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CONCERT - La performance audiovisuelle de Mahmoud Turkmani au Masrah al-Madina (Hamra) Faux mystères

Quand le son, le verbe et les images se croisent mais ne fusionnent pas, cela donne une performance audiovisuelle intitulée Ya Sharr Mout (Que meure le mal et si on groupe les vocables, on tombe sur Oh Putain ) habitée de faux mystères et beaucoup de grinçantes dissonances. Sous la férule de Mahmoud Turkmani, compositeur et interprète de guitare et de oud, six musiciens, dont une jeune chanteuse, tous vêtus de noir, derrière un pupitre et devant un écran géant, ont donné une prestation musicale au Masrah al-Madina à Hamra. Public sélect mais peu nombreux pour une séance plongeant résolument dans la musique moderne contemporaine dotée d’un quart de ton… Sans aller jusqu’à dire qu’il s’agit d’une musique arabe revisitée (ou occidentale revisitée), on se contentera d’évoquer une quête exploratoire et expérimentale pour s’exprimer, au mieux, dans le sillage d’un Stockhausen, Hindemith ou Honegger, avec des accents levantins… Entre borborygmes, gargouillis de toutes sortes (une bouteille de Soha secouée fait l’affaire), mugissements et sifflement du vent, la musique est ici à contre-emploi. Un petit métissage, peut-être personnalisé, mais pas toujours séduisant, ni convaincant. Un cortège disparate et résolument discordant dans ses étranges et insolites harmonies pour accompagner une calligraphie désarticulée, des images de ruine et quelques bribes de poésie où la mort et l’absence sont lumière… Une atmosphère oppressante pour dire la mobilité de l’être quand il est traqué par le mal… Sur certains poèmes de Nadia Tuéni, dans leur version traduite en arabe, le chant alternait avec une narration musicale tout en phrases syncopées et haletantes, accordant plus de place aux bruitages, aux pulsations et aux suspensions qu’à la coulée d’une mélodie prenante. Brûlot de paix et d’harmonie avec quelques moments de grâce quand le qanun ou le oud égrènent quelques notes vaguement tranquilles et rêveuses… Sur la toile blanche du grand écran, en noir et blanc d’abord, ensuite en images un peu colorées, défilent des pans de Beyrouth détruit, avec ses immeubles en gruyère. Images qui gondolent comme un fluide insaisissable pour marquer sans nul doute la mouvance et la bougeotte libanaises. Tout comme ces phrases qui viennent s’amonceler avec leur calligraphie d’encre grasse ou se disloquer, pour révéler le non-dit des lettres séparées. Tout comme le titre puzzle du spectacle qui devient un leitmotiv un peu trop répétitif et lassant… Ainsi « waad » (promesse) devient « adou » (ennemi). Confondante révélation due à la triste expérience de Turkmani, qui a succombé à une maladie qui l’a laissé, pour longtemps, sans usage du geste ou de la parole. Dans ce monde déstructuré, sujet à l’effondrement, la notion de mort, d’absence, de deuil, de tristesse et de mélancolie est omniprésente. Il y a même une sorte de complaisance dans la douleur et le deuil prolongés qu’accentue une musique lancinante, grinçante, aux stridences absolument certes contemporaines mais appuyées. Une prestation privée d’émotion, car le cœur est absent de cette narration conjuguant, dans des chemins solitaires et sans réelle correspondance, les notes, le verbe et les images. Provocante, anguleuse, agaçante, ennuyeuse, point de départ à de nouvelles donnes esthétiques ou musicales, la performance Ya Sharr Mout de Turkmani, de toute façon, reste une expérience de scène à méditer, à assimiler. Pour mieux passer les feux de la rampe, à mieux développer éventuellement… Edgar DAVIDIAN
Quand le son, le verbe et les images se croisent mais ne fusionnent pas, cela donne une performance audiovisuelle intitulée Ya Sharr Mout (Que meure le mal et si on groupe les vocables, on tombe sur Oh Putain ) habitée de faux mystères et beaucoup de grinçantes dissonances.
Sous la férule de Mahmoud Turkmani, compositeur et interprète de guitare et de oud, six musiciens, dont...