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Actualités - OPINION

Système binaire

Il est une fâcheuse habitude libanaise de vouloir tout classer en système binaire. Tu es forcément soit pour moi, soit contre moi, de notre bord ou bien du leur. Ce phénomène touche encore plus les politiciens de la majorité qui s’évertuent depuis des mois à attribuer à l’opposition le nom de « forces du 8 Mars » antinomie de leur « coalition du 14 Mars ». Il est pourtant erroné et surtout dangereux de continuer à classer les Libanais dans deux camps qui furent opposés sur le concept de souveraineté et sur l’essence même du Liban, alors qu’un grand pas a été effectué depuis par le principal acteur du 8 Mars (à savoir le Hezbollah) vers le public du 14 Mars. Le clivage qui existait en 2005, à l’époque des deux manifestations monstres (qui donnèrent leurs noms à ces deux mouvements), n’existe plus. Les lignes se sont déplacées depuis, et il est impératif que le discours politique évolue et en tienne compte. En effet, les principaux points qui opposèrent les deux camps à l’époque concernaient le retrait syrien du Liban, l’application de la 1559 – notamment le désarmement du Hezb – et la connaissance de la vérité sur l’assassinat de Rafic Hariri. 1. Sur le premier point, classer le CPL dans le camp du 8 Mars est une erreur historique et morale. Nul n’ignore le combat mené par le CPL depuis 1988 pour la libération du Liban de l’occupation syrienne alors que toute la classe politique chantait les louanges de cette « présence » et accusait le général Aoun et ses partisans de trahison et d’autres méfaits. Le CPL a même été le fer de lance et le déclencheur de la grandiose journée du 14 mars 2005 et l’une des principales composantes du mouvement qui est né ce jour-là. Par ailleurs, depuis, les Syriens se sont retirés. Même si l’on sait que leurs moukhabarate pullulent partout, tout comme les agents secrets de tous les pays connus sur cette planète probablement. 2. Sur le point des armes du Hezb, le problème se pose certes toujours. Mais là aussi, classer le CPL dans le camp du 8 Mars qui refusait l’application de la 1559 est archifaux. Les images des étudiants du CPL se faisant tabasser par les forces de l’ordre pour avoir osé arborer des pancartes avec le chiffre « 1559 » hantent toujours nos mémoires. Contrairement à tout ce qui est dit et redit aujourd’hui, la position du CPL n’a pas bougé d’un iota sur les armes du Hezb, sur l’unicité des armes légales et l’édification de l’État de droit. C’est même la seule formation politique qui se réclame ouvertement favorable à la 1559 et qui, en même temps, propose une manière de l’appliquer. Une approche méthodique qui préserverait l’unité du pays et les équilibres internes. Il n’est donc pas de trop de le redire : classer le CPL dans le camp du 8 Mars est une erreur historique et morale. Ce serait ignorer royalement les sacrifices consentis par toute une génération et insulter l’un des combats les plus dignes d’une jeunesse, disons-le clairement essentiellement, chrétienne. Mais le plus important reste le chemin parcouru depuis 2005 par le Hezb. Le document d’entente signé avec le CPL constitue un pas de géant que la formation chiite a franchi vers le public du 14 Mars et que les autres composantes de la société se doivent de reconnaître à sa juste valeur. Pourquoi ? Parce que refuser le retour de l’hégémonie syrienne (et donc reconnaître qu’elle existait) n’est pas un acte anodin pour le parti de Dieu. Parce que proposer des initiatives pour corriger les erreurs du passé et construire des relations libano-syriennes saines sont encore plus significatifs pour ce parti prosyrien. (Pour retrouver le détail de ces points, se reporter audit document d’entente mais aussi aux tout derniers programmes des candidats à la présidentielle – beau plagiat !). Parce que le fait d’avoir écrit noir sur blanc qu’il laissait tomber sa lutte pour la libération de la Palestine et de tous les territoires arabes occupés et de déclarer que le Liban est une démocratie consensuelle est une transformation doctrinale énorme du Hezb. Elle est salutaire pour l’existence du Liban. 3. Enfin, sur la connaissance de la vérité. Cette haqiqa qui a servi de prétexte à la majorité pour refuser tant d’initiatives. Il serait vain de revenir sur les vraies intentions actuelles des différentes parties sur le tribunal. Il serait obsolète également de rappeler que le CPL a été le premier à proposer la formation d’un tribunal mixte libano-international. Il serait surtout idiot de penser que maintenant que l’affaire est entre les mains de l’ONU, on pourrait y changer quelque chose. Depuis 2005, les lignes ont bougé au Liban. Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Que les ténors de la majorité le reconnaissent ou pas, d’ailleurs. Non, le Liban n’est plus divisé entre 8 Mars et 14 Mars. Ce clivage est bel et bien dépassé. Oui, le Liban est bien divisé en deux camps aujourd’hui. Le clivage s’est déplacé. Il est ailleurs. Le système binaire est sauf. Mais cela est une autre histoire. Henri BOUILLER
Il est une fâcheuse habitude libanaise de vouloir tout classer en système binaire. Tu es forcément soit pour moi, soit contre moi, de notre bord ou bien du leur.
Ce phénomène touche encore plus les politiciens de la majorité qui s’évertuent depuis des mois à attribuer à l’opposition le nom de « forces du 8 Mars » antinomie de leur « coalition du 14 Mars ».
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