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CONCERT - Au Conservatoire de Genève Le cri musical de Rami Khalifé

GENÈVE, de notre correspondant Zahi HADDAD C’est à l’invitation de l’association Think Lebanon que Rami Khalifé est venu présenter à Genève sa dernière composition En mémoire de la guerre de l’été 2006, qu’il a mariée avec les Miroirs de Ravel. Une représentation intense dont les fonds serviront le travail de plusieurs ONG actives au Liban. 22h00, le silence vient de retomber comme un coup de tonnerre dans la salle du Conservatoire de musique de Genève. L’ambiance est électrique. Immobile devant son piano, Rami Khalifé a les yeux fermés, encore habité par les notes qu’il vient de délivrer à quelque trois cents auditeurs pour la plupart ébahis par ce qu’ils viennent d’entendre. « Intense », « fougueux », « dur », « puissant », « magnifique », « sombre », entendra-t-on dans les travées rouge sang de la salle qui a ouvert ses portes au début du XIXe siècle. « Le choix de cette salle s’est imposé à nous comme une évidence », commentera Céline el-Debs, présidente de Think Lebanon, l’association qui a invité Rami Khalifé à Genève. Notre objectif est « la promotion de la culture et de l’art libanais. Il s’agit de montrer un autre visage du Liban, celui de la créativité, de la paix, de l’espoir et de la réconciliation, tout en soutenant les plus démunis ». Créée en juillet de cette année, Think Lebanon regroupe des bénévoles de toutes nationalités, à l’image de la « Genève internationale ». Une mosaïque fondatrice de l’histoire de la cité lémanique qu’a rappelé le maire de Genève, Manuel Tornare, venu exprimer « le soutien et l’attachement de la Ville de Genève au Liban et à ceux qui souffrent ». À la mémoire des innocents Une heure et demie durant, Rami Khalifé surprend donc par la vigueur de son monde musical. Au menu, Ravel pour donner le coup d’envoi puis, en guise de bouquet final, sa propre composition, créée pendant l’été 2006, alors qu’il était en France loin de sa famille et du Liban, et qu’il se sentait « presque inutile et incapable de faire quelque chose ». Cette œuvre s’articule autour de quatre parties : « Naissance, destruction, chaos, renaissance ». Une succession de rythmes, de sonorités et d’émotions à couper le souffle et à deux doigts de la performance athlétique. Dans sa bulle, le jeune virtuose entame une profonde communion dès les premiers accords. Il dialogue avec son piano, lui susurre ce qu’il a ressenti pendant ce dramatique été. « J’aimerais dédier cette œuvre à tous les innocents qui sont tombés dans cette guerre injuste », expliquera-t-il au public avant d’attaquer les premières notes. Langage universel Le clavier est alors littéralement pris d’assaut par Rami, qui enchaîne à une vitesse étourdissante, avant de se lever et se concentrer sur son instrument pour en pincer les cordes, avec une passion renouvelée à chaque instant. À nouveau assis, il poursuit, les yeux fermés, ne faisant qu’un avec le piano et le cri qui s’en échappe. Les frissons arrivent et, avec eux, les images, gravées dans la mémoire de l’artiste, de cette guerre indicible. Les mots n’ont en effet plus de sens. Ils cèdent le pas à cette musique par laquelle s’exprime Rami qui utilise également son corps raidi et malléable à la fois, ses yeux scrutant régulièrement les spectateurs, son visage grave. La souffrance, l’incrédulité, la lutte, tout y passe. Du classique, on semble passer à l’expérimental, au jazz. Tout se bouscule, alors que Rami frappe même le rythme avec les pieds. Puis, silence. Le pianiste est arc-bouté, à l’image d’un célèbre penseur, entre accablement et assoupissement. Et une incroyable douleur. Latente. Humaine. Puis, il redémarre, sans aucun répit, pour amorcer la renaissance tant attendue : lente, progressive, déterminée, implacable, de plus en plus retentissante. Presque gaie. Quand la dernière note s’éteint, le public genevois reste interdit. Momentanément. Les applaudissements éclatent. La « standing ovation » s’organise. Et les spectateurs entonnent un « Joyeux anniversaire » en l’honneur de Rami qui, hasard du calendrier, soufflait sa vingt-sixième bougie. Ambiance unique pour une fête d’un autre monde.
GENÈVE, de notre correspondant Zahi HADDAD

C’est à l’invitation de l’association Think Lebanon que Rami Khalifé est venu présenter à Genève sa dernière composition En mémoire de la guerre de l’été 2006, qu’il a mariée avec les Miroirs de Ravel. Une représentation intense dont les fonds serviront le travail de plusieurs ONG actives au Liban.
22h00, le silence...