CINÉMA - « Faubourg 36 », un nouveau film musical de Christophe Barratier Un petit coin de Paris... au milieu de la campagne tchèque

Des rues pavées aux façades patinées, des gouttières aux pigeons perchés sur les réverbères, un petit coin de Paris a été reconstitué en pleine campagne, dans les environs de Prague, pour « Faubourg 36 », le nouveau film de Christophe Barratier. «J’en ai fait des films, et des films chers, mais j’ai rarement vu ça », confie Pierre Richard qui joue le rôle de « Monsieur TSF », un musicien improbable devenu asocial après un chagrin d’amour, dans un faubourg animé par les lointains échos du Front populaire. Pour ce film, qui, comme Les Choristes sera un film musical, Jean Rabasse, le chef décorateur, a recréé de toutes pièces « un univers inspiré des années 30, à partir des photographies de Robert Doisneau, de Henri Cartier-Bresson ou de Brassaï ». « Le contexte de 1936 est important parce que c’est une période de changement qui porte en germe le chaos qui rôde », explique Christophe Barratier pour qui « la grande histoire se vit par les petites histoires », celles des faibles contre les puissants. Tourner en décors lui permet de « s’ancrer dans le réalisme poétique » des films de l’époque. « Il ne s’agit pas de reconstituer, mais d’évoquer un Paris populaire disparu », souligne le metteur en scène. « Un Paris poétique » Assisté d’une équipe française et de quelque 250 techniciens tchèques, Jean Rabasse s’est donc employé à recréer « un Paris réaliste et poétique, qui ne soit ni Montmartre, ni Belleville, ni Menilmontant ». La création de la place imaginaire dotée d’un bistrot, d’une épicerie, d’une usine en grève et d’un théâtre fermé, a demandé quatre mois de documentation et presque autant de montage. L’escalier central restitue celui, aujourd’hui détruit, qu’immortalisa autrefois Willy Ronis dans le XXe arrondissement. Insolite, le décor, avec ses amorces de rues pavées qui courent sur près de 200 mètres et ses faux immeubles de bois toilé de jute et de plâtre, s’élève au beau milieu des champs du village de Dubec, à une trentaine de km au sud-ouest de Prague. Apparemment indifférent à l’inconfort rudimentaire des caravanes installées au milieu de grandes flaques de boue, Pierre Richard dit apprécier « l’ambiance formidable du tournage », avec Gérard Jugnot, Clovis Cornillac et Kad Merat. Le soir, à Prague, c’est lui la supervedette : pendant des années, sous le régime communisme, ses films comiques considérés comme politiquement inoffensifs passèrent la censure sans encombre et furent abondamment programmés dans tous les pays de l’Est. Moins cher qu’en France Après le dernier clap – le 16 octobre prochain, selon le plan de tournage – le site sera débarrassé, remis en état puis restitué à son propriétaire pour retrouver sa vocation agricole. La délocalisation à Dubec a été décidée du fait que les extérieurs des studios Barrandov étaient occupés par un autre tournage. Côté décor, le coût reste « 30 à 50 % moins cher qu’en France », selon Jean Rabasse. « On n’a pas économisé, simplement on n’aurait pas eu l’équivalent pour le même prix », souligne le chef décorateur qui tenait à un décor « traditionnel » et des matériaux « naturels ». Christophe Barratier, lui, ne voulait pas tourner à Paris, pour « échapper au quotidien » et permettre aux acteurs de mieux s’immerger dans leur personnage. « Faute de studios dignes de ce nom en province », il a finalement opté pour Prague, après des repérages en Roumanie et en Bulgarie. Même si la concurrence est dure, les prix compétitifs alliés à une longue tradition cinématographique et technique ont permis aux studios tchèques d’accueillir ces derniers mois plusieurs grosses productions – comme Casino Royale, le dernier James Bond, Wanted (Universal Pictures) avec Angelina Jolie ou Prince Caspian, la suite du Monde de Narnia (Walt Disney Pictures). Plus modeste, Faubourg 36 n’en sera pas moins le film français le plus cher de l’année, avec un budget de 28,5 millions d’euros. Sortie prévue au deuxième semestre 2008.