Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

IMPRESSION Le concert aura lieu

Il y aura bien un dénouement à cette histoire sinistre, celle d’un petit pays au bord de la Méditerranée, exactement sur la ligne de faille entre Orient et Occident. Exactement sur le nœud de cette corde que chacun tire à lui sans autre résultat que d’étouffer un peu plus le peuple exténué du Liban. Bientôt trois ans que nous vivons au rythme des éliminations physiques. Il est un joueur trop pressé pour respecter les règles. Il casse les pions pour gagner la partie, en attendant de renverser la table. Peut-on éternellement tricher contre la Constitution, jouer le sang contre l’encre ? Cette formule autant que possible équitable et si difficilement trouvée pour assurer à chaque communauté sa voix au débat public, cette équation particulière de la démocratie est insupportable à certains. Il faut pourtant croire que le peuple libanais, dans toutes ses composantes et quelles que soient les pressions qu’il subit de part et d’autre du monde, y est sincèrement attaché. Par atavisme et du plus loin de notre histoire et de notre conscience, nous savons qu’il nous est impossible de vivre les uns sans les autres. Fut-ce les uns contre les autres, dans cet amour haine qui caractérise parfois les liens les plus indéfectibles. À l’heure où se déroule la cérémonie tragi-comique des condoléances, à l’heure où s’élèvent en chœur les condamnations dont on sait à l’avance les formules consacrées, à l’heure où l’on reconnaît à sa chaleur, à sa moiteur ou à sa froideur saurienne la main qui se présente aux mains des endeuillés, nous revoilà une même famille. Si l’opposition n’est pas complice des assassinats qui se pratiquent en sa faveur, s’il ne lui est pas encore clair que seuls ses ennemis politiques sont condamnés au meurtre, c’est qu’elle est zombifiée. Plus elle affirmera que les victimes sont éliminées par leur propre camp, plus dur sera son éveil. En définitive, et quitte à raisonner à contre-courant du prêt-à-penser crispé que véhicule la peur, par-delà ses différences sociales, culturelles, religieuses et communautaires, le peuple libanais est un et inséparable. Aussi insoluble dans les formules syrienne et iranienne, qu’américaine ou française. Des décennies, voire des siècles, de brassages et de cohabitation ont fait de nous des avatars particuliers. Le Liban ne peut pas, ne pourra jamais secréter d’intégrisme d’aucun poil, car il est réfractaire au repli. L’ouverture lui est vitale comme la liberté qui fut sa raison d’être : un refuge pour les minorités menacées. Trop faibles hélas, trop fragiles pour résister aux convoitises de nos puissants voisins et de leurs protecteurs, de tous les peuples du monde nous sommes pourtant les seuls à détenir le secret de la paix. Des décennies et des siècles nous avons bu la même eau et mangé la même terre, et tour à tour subi chacun son oppresseur. Tour à tour chacun a tenté de dominer les autres en invitant un loup dans sa propre bergerie, pour finir dévoré. D’avoir tout tenté, tout expérimenté, sur, dans, contre, pour, avec les autres, ensemble en définitive, il est grand temps pour nous de trouver un savoir-vivre harmonieux. Gageons que la cacophonie qui nous désespère n’est que la dernière quête d’un accord final. Sans le savoir, l’orchestre est prêt. Le concert aura lieu. Pourvu qu’il se tienne avant que la salle ne se vide. Fifi ABOU DIB
Il y aura bien un dénouement à cette histoire sinistre, celle d’un petit pays au bord de la Méditerranée, exactement sur la ligne de faille entre Orient et Occident. Exactement sur le nœud de cette corde que chacun tire à lui sans autre résultat que d’étouffer un peu plus le peuple exténué du Liban.
Bientôt trois ans que nous vivons au rythme des éliminations physiques. Il est un...