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Actualités - CHRONOLOGIE

DESIGNER - Jessy Gemayel à la 13e Biennale des jeunes créateurs d’Europe et de la Méditerranée Des objets qui déposent leurs traces

Sa nostalgie est moderne, jeune et presque rafraîchissante... Jessy Gemayel, designer d’origine libanaise, vivant en France depuis de nombreuses années, a articulé son dernier travail autour de « la trace », ou ce qu’elle appelle également « l’héritage, la transmission des objets. » Valeur sentimentale et non matérielle, elle les dépoussière et leur donne une nouvelle jeunesse, une autre vie. L’esthétisme en plus... C’est peut-être pour installer ses repères, artistiques et professionnels, qu’elle a tenu à baptiser son nouveau travail « la trace ». Peut-être aussi pour actualiser des motifs anciens et créer des objets nouveaux, surprenants, à la fois drôles, beaux à regarder et utiles. Installée en France depuis de nombreuses années, la jeune fille, 26 printemps, a obtenu un diplôme national d’arts plastiques, option design, avec félicitations du jury, puis un diplôme national supérieur d’expression plastique, à l’École supérieure des beaux-arts de Marseille. Choisie parmi 900 artistes de 48 pays, elle va représenter la France à la sélection France-Sud de la 13e Biennale des jeunes créateurs d’Europe et de la Méditerranée, qui se déroulera en février 2008. Initialement prévue cette année en Alexandrie, la Biennale a été, pour des raisons d’ « ordre économique et organisationnel », reportée à des date et lieu qui restent à déterminer. De drôles d’objets Jessy Gemayel s’est d’abord distinguée par une série de créations originales qui peuvent intriguer, amuser ou intéresser. En 2003, elle offre « chocosucre/chococrème », une « fusion des deux aliments qui accompagnent le rituel du café : le sucre ou la crème et le carré de chocolat ». Elle crée également Unidoz, une pochette à accrocher dans la salle de bain et qui permet de se servir, au besoin, d’un morceau de savon solide qui correspond à la dose quotidienne. En 2004, elle étonne avec Orb, une chaise bascule en composite. L’année suivante, elle dessine des poignets de portes pour salles de bain, dont le côté intérieur permet d’accrocher la serviette. Cette année, subventionnée par la société CMA-CGM et l’École des beaux-arts de Marseille, elle a planché, pour son projet de fin d’étude, sur 4 objets qui seront présentés à la Biennale, autour du thème de « la trace ». Apparaître, disparaître « Je voulais travailler sur l’héritage affectif », explique Jessy, de passage à Beyrouth pour quelques jours. Avec pour titre « l’amour rend aveugle », elle dessine une alliance qui cache à l’intérieur le message « Forever » en braille. « En cas de rupture, lorsqu’elle est enlevée, l’alliance laisse sa marque sur le doigt, comme la cicatrice d’un cœur brisé. » Le projet va ensuite évoluer. « J’ai voulu attaquer les traces que l’on peut garder sur des objets anciens. Revenir sur le passé, qui me paraît important, mais en l’intégrant dans un contexte contemporain. La trace est pour moi la matérialisation d’un lien entre le passé, le présent et l’avenir. » Cette première série de « traces réversibles » va être illustrée par plusieurs objets que Jessy a totalement réactualisés : objets qui réagissent à la chaleur, à la lumière et enfin à l’eau. Qui réagissent « avec leur environnement et leur utilisateur », précise-t-elle. La Fantomatik table, première réalisation, est une table de thé ou de café qui peut paraître simple, voire ordinaire. « Mais lorsqu’un objet chaud est posé sur sa surface, des motifs apparaissent, comme des formes fantomatiques ou des silhouettes de tables anciennes. Une fois enlevé, la trace disparaît… ». Glow in the dark wallpaper est un papier peint de couleur unie, qui capte les UV durant la journée et fait apparaître, la nuit, des traces de motifs de style ancien. « Je me suis inspirée des marques laissées sur un mur par un tableau que l’on enlève, des années après. Ce sont des empreintes de vécu et des témoignages du temps qui passe. » Magic Tile, quant à lui, réagit à l’eau. « C’est en passant une serpillière sur ce carrelage uni que des motifs d’ornements arabes se révèlent. Une fois secs, les dessins disparaissent. La maison prend des airs de scène de théâtre où le décor évolue sans cesse. Il devient ainsi possible de le changer pendant quelques minutes. » Avec Once upon a time, un banal miroir de salle de bains se transforme, dans sa partie non traitée et grâce à la buée, en un miroir ancien. « Comme dans un conte de fées, pendant quelques minutes, la buée forme la trace du passé. Dans toute la série, mes objets ont des formes basiques et simples avant de s’approprier des motifs du passé et réagir avec l’environnement et l’usager. » Avenir Jessy Gemayel a également travaillé sur des « traces irréversibles ». « Une série d’objets qui évoluent avec le temps, mais que je ne présenterai pas à la Biennale, car ils ont besoin de 10 à 15 ans pour se faire ! » Dans ce projet, le temps donc et l’humidité sont les principaux intervenants. Avec le temps propose un banc de jardin où « les parties non traitées, les termites et l’humidité vont révéler la forme archétype du banc et son contenu historique ». Moss Tile, enfin, laisse à la mousse qui va se former au fil des années dans le creux d’un carrelage de jardin le soin d’en révéler les motifs. « Cette mousse, comme une texture en velours, évoque les tissus et papiers peints qu’on utilisait autrefois. » Nostalgie, créativité et technicité ont permis à Jessy de dévoiler son talent. « Plus que des messages à délivrer, j’ai des histoires à raconter », conclut-elle. Carla HENOUD
Sa nostalgie est moderne, jeune et presque rafraîchissante... Jessy Gemayel, designer d’origine libanaise, vivant en France depuis de nombreuses années, a articulé son dernier travail autour de « la trace », ou ce qu’elle appelle également « l’héritage, la transmission des objets. » Valeur sentimentale et non matérielle, elle les dépoussière et leur donne une nouvelle...