À une semaine du scrutin du 10 février, Lieberman, 50 ans, apparaît déjà comme le grand phénomène de ces élections. À la tête du parti Israël Beitenou (« Israël, notre maison »), cet ancien ministre originaire de l'ex-URSS obtiendrait, selon un sondage rendu public lundi, 18 députés sur les 120 de la Knesset. Fondé en 1999, le parti deviendrait ainsi la troisième force du pays, devant les travaillistes du ministre de la Défense Ehud Barak.
De l'avis de tous les commentateurs politiques, M. Lieberman, qualifié par ses détracteurs de « dangereux » ou encore de « fasciste », est le vrai vainqueur de la guerre à Gaza. « À la veille de l'offensive à Gaza, il obtenait 11 à 12 sièges, et ça aurait dû s'arrêter là. Mais il y a eu la guerre et ses conséquences, et Lieberman est monté dans les sondages, volant principalement des électeurs au Likoud » de Benjamin Netanyahu, explique Zeev Khamin, professeur en sciences politiques à l'université Bar Ilan. Depuis la fin de l'offensive le 18 janvier, Avigdor Lieberman ne cesse d'accuser le gouvernement « d'avoir empêché l'armée de finir son travail ». Et la reprise, depuis, des tirs de roquettes, conforte son électorat.
Au cœur de son programme : les Arabes israéliens, descendant des Palestiniens restés en Israël après sa création en 1948, soit aujourd'hui 20 % de la population. « Une cinquième colonne » en puissance, de l'avis du leader d'extrême droite, dont l'un des principaux slogans de campagne est « seul Lieberman comprend l'Arabe ». Il préconise notamment une loi qui les contraindrait à signer une déclaration de « loyauté » à Israël défini comme un « État juif et démocratique ». Les réfractaires se verraient privés du droit de vote. Il propose des échanges de territoires peuplés d'Arabes israéliens contre des parties de Cisjordanie, pour « avoir un État juif homogène », et envisage une telle option à Jérusalem-Est.
De l'avis de Rafi Smith, qui dirige l'institut de sondages Smith Research Institute, Lieberman « dit tout haut ce que les Israéliens pensent tout bas ». Car pour les commentateurs, sa poussée traduit aussi un mouvement de fond de la société israélienne, qui a pris un net virage à droite. Les immigrés de l'ex-URSS, qui ont longtemps constitué l'essentiel de son électorat, n'en représentent d'ailleurs plus que les deux tiers, selon Mina Tsemah, autre responsable d'un institut de sondages. « Lieberman a l'image d'un homme fort », dit-elle, « et c'est notamment ce que les jeunes Israéliens recherchent ». Il surfe aussi sur la vague de la désaffection des Israéliens pour la politique en général, et leur manque d'appétit pour les grands partis et leurs leaders, dont M. Netanyahu et Tzipi Livni (Kadima, centre-droit). « Pour les "Russes", Israël Beitenou est leur parti. Pour les autres Israéliens, c'est un parti de protestation », explique Zeev Khamin.
Si M. Lieberman réalise le score qu'il escompte se posera alors la question de sa place dans la coalition gouvernementale que Benjamin Netanyahu, en tête dans les sondages, devrait être chargé de former. Pour l'heure, l'ex-Premier ministre (1996-1999) n'a pas l'air pressé de s'entendre avec son ancien allié, dont les vues pourraient contrarier une future collaboration avec l'administration américaine de Barack Obama.