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Le maillon faible Nahi LAHOUD

Le premier dispose des gros bataillons du 14 Mars et de son infanterie FL, mais n’a pas d’amis permanents ; l’autre, porté par ses brigades orange et les commandos de Nasrallah mais exclu de l’intifada, est entré dans une mouvance marécageuse. Introvertis, mais fougueux, l’un et l’autre peuvent donc tout perdre ou tout gagner. Invectives, dénonciations, harangues, c’est désormais le seul leitmotiv stratégique que connaissent les gros bonnets chrétiens. Choix binaires ou réflexes manichéens ? Pendant huit mois autour d’une table de dialogues de sourds, ils se sont observés, se sont jaugés, se sont expliqués dans un climat de détestation rarement égalé dans l’histoire du maronitisme. Mais après le temps des engueulades et des surenchères, voici venir celui des décisions. Le docteur a abattu ses cartes (sans surprise). Il désire une direction chrétienne homogène, sous un parapluie « majoritaire » – c’est-à-dire sans le général. C’est rustique et c’est risqué. Mais le FL en chef a-t-il encore le choix des… armes, surtout avec la défection de certains « quatorzistes » ? Oui, non, non, oui… S’il ne rattrape pas le chef du CPL dans la vague populaire, plus rien ne pourra s’opposer aux ambitions napoléaouniennes. De son côté, le général (après avoir gagné la première manche, celle des élections de 2005) veut également mettre au pas, sous un parasol régional, tous les autres, mais a compris que son alliance à « 8 clos », avec le sayyed, lui a fait perdre la seconde manche. La troisième, il l’a gagnée « partiellement » au Metn… Dans ce beau cirque, les acrobaties (sans filet) qu’accomplissent les trapézistes et les pantins des deux hommes sont l’expression d’une immense foire malsaine. Pour mieux comprendre la situation, le docteur FL, qui argumente sa politique à coups de bâtons (rompus), a un parti discipliné, mais des alliés circonstantiels. Le général, qui brûle autant d’étapes que de pneus, possède un gros courant, mais des alliés encombrants. À l’heure des comptes, le résultat pourrait être sans appel, car la guerre des chefs ne fait que commencer. Elle sera implacable, surtout quand on connaît le caractère des deux postulants à l’empoignade et au contrôle de la rue chrétienne. Sur le champ de bataille, passé le premier assaut, il y a déjà beaucoup de blessés, parmi lesquels, les Harb, Lahoud, Moawad, Gemayel ou encore Eddé et Chamoun (lanternes rouges), et surtout les « blancs-beiks » (beys) de tous bords, qui ne font plus recette. Les deux hommes qui se sont affrontés, qui se sont essayés aux jeux de cape et d’épée (Aoun et Geagea), occupent tout l’espace médiatique, mais dans la réalité, au sein de la maronité, la donne est autrement plus compliquée. Ils ont enclenché une mécanique qu’ils ne contrôlent pas. Souvenez-vous de l’absurde confrontation des années 89-90. Ce n’était pas une parade nuptiale, ni même une fricassée de museaux. Jusqu’à novembre prochain (si jamais, pour des « raisons d’État », le président Lahoud reste en place, comme il semble l’insinuer), les chrétiens vont devoir vivre dans une situation inédite : de bâbord à tribord, sans boussole, sans gouvernail, sans règles acceptées par tous, ils risquent de passer par-dessus bord. Geagea demeure le premier des militants pour une légalité « aléatoire » contrôlée par la communauté internationale, tandis que Aoun est devenu l’homme des expérimentations hasardeuses et de l’autorité ébranlée. Un analyste bien avisé a eu ce mot cruel pour les deux hommes : « Avec eux, c’est la politique du coup de poker permanent ! » Les chrétiens, vaille que vaille, tiennent bon, mais sont rongés par le doute, le dégoût. Ils suivent hélas parce qu’ils ne peuvent pas faire autrement. Mais derrière cette solidarité de façade, que de calculs, que d’arrière-pensées. Tous sont aujourd’hui sur la défensive. Les barons des deux camps exigent qu’on les écoute davantage qu’entre deux portes. Ils ont du vague à l’âme. Boutros Harb, l’homme de la jurisprudence, ne se voit pas dans la peau d’un éternel serre-file. Nassib Lahoud (plutôt serre-joint) cherche à reprendre une autonomie, seule capable de valoriser sa candidature présidentielle. Sleiman Frangié, très « serre-tête », tente de bousculer tout le monde. Reste Gemayel, qui se montre tantôt ambigu, tantôt conciliateur, il est un peu désorienté, multipliant les contacts, essayant de jouer les serre-freins. Pour rétablir un semblant d’ordre dans cette famille au bord de la débandade, ils en appellent aux vertus cardinales du très apostolique patriarche Sfeir. Et pourtant, en droit « canon », ils sont beaucoup plus expérimentés que Son Éminence. Mais sera-ce suffisant pour colmater les brèches ? À quel prix et sur quelles bases programmatiques, et avec quels compromis acceptables pour les uns et les autres ? Les chefs maronites ont engagé la partie avec une hargne sans pareille. Pour trois mois encore, mais les cartes maîtresses sont en d’autres mains que les leurs. À ce niveau, qui sera donc le maillon faible ? Nahi LAHOUD Producteur de théâtre Article paru le vendredi 7 septembre 2007
Le premier dispose des gros bataillons du 14 Mars et de son infanterie FL, mais n’a pas d’amis permanents ; l’autre, porté par ses brigades orange et les commandos de Nasrallah mais exclu de l’intifada, est entré dans une mouvance marécageuse.
Introvertis, mais fougueux, l’un et l’autre peuvent donc tout perdre ou tout gagner. Invectives, dénonciations, harangues,...