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Actualités - OPINION

Commentaire La Chine au risque de trop vouloir sauver la face Par Giles MERRITT*

La « face » de la Chine pourrait bien être son talon d’Achille. Alors qu’elle jouit de son nouveau statut de grande puissance économique – le dragon dépasse les tigres asiatiques et les ânes occidentaux – la Chine néglige son inquiétante faiblesse structurelle. La direction communiste a du mal à évoquer (et encore davantage à insister) sur les problèmes du pays. Le souci des dirigeants d’imposer le respect et de ne pas perdre la face les conduit à s’intéresser presque exclusivement aux réussites du pays. C’est une stratégie qui risque de se retourner contre eux, car elle fait l’impasse sur la dynamique de la politique internationale. Si les dirigeants chinois insistent sur la montée en flèche de la Chine, le reste du monde risque de voir d’un œil moins bienveillant son développement économique rapide, destiné à répondre aux attentes de sa population. Le gouvernement sait qu’il va être confronté à un gros problème politique, mais refuse de le reconnaître, que ce soit devant sa propre population ou vis-à-vis de l’extérieur. Les tensions commerciales vont croissantes. Les USA sont d’autant plus préoccupés que leur « dialogue de stratégie économique » avec la Chine en mai n’a donné que peu de résultats. Le Congrès menace d’adopter de sévères mesures protectionnistes. L’Union européenne semble se positionner non loin derrière, mais beaucoup va dépendre de la manière dont la Chine va présenter son dossier durant les prochains 18 mois quand les deux parties négocieront un accord de partenariat très étendu, qui déterminera la qualité des relations bilatérales pour la prochaine décennie. La chancelière allemande, Angela Merkel, vient de se rendre à Pékin et le président français, Nicolas Sarkozy, devrait la suivre prochainement. Tous deux sont sûrement conscients que l’augmentation des exportations chinoises, l’année dernière, ont aidé la Chine à dépasser les USA en tant que premier fournisseur étranger de l’Europe. Ce qu’ils ne voient naturellement pas, ce sont les conditions de vie lamentables de millions et de millions de Chinois, notamment dans les campagnes. Mais la Chine n’est pas d’humeur à plaider la pauvreté en traitant avec l’Occident. Elle a pour objectif d’utiliser les JO de 2008 et les six mois de l’exposition mondiale de Shanghaï au printemps et à l’été 2010 pour accroître au maximum son prestige. Il reste à savoir si ces deux événements feront basculer l’opinion publique mondiale en faveur de la Chine et ceci de manière durable. La méfiance du gouvernement à l’égard des médias étrangers pourrait causer des frictions quand des milliers de journalistes arriveront et voudront étendre leur couverture au-delà des compétitions, à la politique et aux droits de l’homme. Pour l’instant, l’ambiance est à un optimisme sans nuance quant à l’avenir de la Chine. Selon les projections du cabinet de consultants McKinsey, la classe moyenne supérieure compterait 520 millions de personnes en 2025, le type d’annonce qui réjouit les mandarins communistes comme un hommage à leur étrange mélange d’économie de marché et de strict contrôle étatique. Mais c’est le type de prévisions dont ils devraient se méfier. La réalité de la vie quotidienne dans la Chine est très différente selon qu’on la considère de province ou de l’atmosphère en perpétuelle effervescence de Pékin ou de Shanghaï. Ainsi, comme la plus grande partie du pays, la province du Gansu, au centre géographique de la Chine, se débat avec des problèmes sociaux et structuraux qui vont du plus difficile à l’insurmontable. La production par tête d’habitant y est en moyenne de 900 dollars par an et le revenu des paysans, qui constituent la majorité de sa population rurale de 26 millions de personnes, est inférieur à 250 dollars par an. Les défis qui se posent à cette province vont de la réussite de la modernisation de son industrie lourde à la lutte contre la désertification et l’extension du désert de Gobi. Si elle fait des progrès lents mais bien réels, son avenir est obscurci par l’aggravation de la pénurie d’eau. Bien que le fleuve Jaune la traverse, les ressources en eau diminuent rapidement. À Pékin, la préoccupation essentielle est de maintenir une croissance du PIB de 11 % par an, tout en rassurant les gouvernements occidentaux. À la fin de cette année, avec un volume de 1 200 milliards, les exportations chinoises afficheront une augmentation de 24 % par rapport à 2006 et son surplus commercial sera en hausse de 43 %. Mais le commerce ne sera probablement pas la première cause d’inquiétude. En politique étrangère, les problèmes viendront probablement de la préoccupation croissante des gouvernements occidentaux au sujet du réchauffement climatique. Les dirigeants européens et américains peuvent bien être conscients de l’importance économique de la Chine sur la scène internationale, l’opinion publique considère que les usines sont sales et dangereuses pour l’environnement. Les polémiques autour des risques présentés par certains produits chinois et la piraterie de la propriété intellectuelle pourraient entraîner des demandes en faveur de nouvelles restrictions commerciales. La Chine ne devrait pas réagir par un effort de relations publiques, mais en ne masquant plus ses faiblesses et ses vulnérabilités, ce qui lui vaudrait la compréhension de l’Occident. Ce serait une véritable révolution culturelle ! *Giles Merritt est secrétaire général des Amis de l’Europe, un groupe de réflexion basé à Bruxelles, et rédacteur en chef de la revue politique Europe’s World. © Project Syndicate/Europe’s World, 2007. Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz
La « face » de la Chine pourrait bien être son talon d’Achille. Alors qu’elle jouit de son nouveau statut de grande puissance économique – le dragon dépasse les tigres asiatiques et les ânes occidentaux – la Chine néglige son inquiétante faiblesse structurelle.
La direction communiste a du mal à évoquer (et encore davantage à insister) sur les problèmes du pays. Le souci...