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Actualités - OPINION

Pour Paris, un enjeu régional autant que local

De son entretien avec Cousseran, ce ministre retient que, par rapport au dossier libanais, la diplomatie française s’est trouvée dernièrement gênée aux entournures. Par le brusque embrasement à ciel ouvert du conflit saoudo-syrien, qui jusque-là couvait sous la cendre. C’est ce qui explique le gel temporaire des efforts français, alors que l’on s’attendait à un retour plus rapide de Kouchner à Beyrouth. Il a en effet fallu attendre pour voir comment les choses se développaient, étant donné que, cette fois, autant Ryad que Damas traitent activement, chacun à sa manière, le dossier libanais, y interviennent plus ou moins directement et l’utilisent, chacun à sa façon, comme carte à jouer dans le Monopoly régional. C’est donc à zéro, ou même en dessous, que l’initiative française repart pour redonner corps aux espérances, tempérées puisqu’elle n’agit que dans un cadre de climat, qu’elle avait pu susciter localement. Pas chez tout le monde, faut-il relever et rappeler. En tout cas, pas chez les prosyriens les plus mordus. Car, transcendant le volet initial relatif à la promotion du dialogue interlibanais, la diplomatie française estime devoir désormais porter son effort, en toute priorité, sur l’échéance présidentielle libanaise. Un rendez-vous que pour sa part le régime syrien tente de torpiller. Or l’élection cristallise dorénavant, bien plus que tout échange intérieur sur les divers problèmes constitutifs de la crise, les possibilités d’un début de solution. Car elle permettrait de sauvegarder une certaine normalité, ainsi qu’un ensemble politique libanais assez cohérent pour engager de raisonnables négociations entre protagonistes du cru. En d’autres termes, la tenue effective de la présidentielle apparaît comme la seule garantie plausible contre une partition politique de facto du Liban. Avec deux présidents, deux gouvernements, deux Parlements. Une déchirure irrémédiable ne pouvant que produire des retombées négatives sur une région elle-même gravement en crise. Une dislocation qui risquerait, à terme, de faire tache d’huile et de rendre insolubles les conflits aigus qui lacèrent cette contrée du monde. Qu’il s’agisse de l’antagonisme israélo-arabe, de la scission palestinienne, des litiges interarabes, de la lutte des axes, de l’Irak, du nucléaire iranien. Ou du problème de l’eau, sous-estimé, ignoré même, alors qu’il reste le vecteur le plus sûr des guerres futures. La France est parfaitement consciente de ces perspectives élargies, de l’effet boule de neige que risquerait d’avoir, en fin de compte, le simple torpillage de l’échéance présidentielle libanais. Un détail, dirait-on, mais le diable, comme on sait, se niche dans les détails. Paris se trouve donc contraint, par les complications qu’entraîne la querelle saoudo-syrienne, de marcher sur des œufs. Cousseran revient à la charge, car, indique-t-il sobrement, l’on ne peut rester les bras croisés à attendre la casse. Mais il fait savoir que Kouchner, le finaliseur, ne pourra pas entrer en scène de sitôt et ne reviendra donc pas à Beyrouth avant plusieurs semaines. Le temps qu’on y voit un peu plus clair du côté de Ryad, de Damas et de Téhéran. Capitales que l’émissaire français renonce à visiter derechef, comme il en avait l’intention. Sondage Quoi qu’il en soit, lors de ses entretiens avec les personnalités locales, Cousseran a posé beaucoup de questions. Notamment au sujet de la controverse relative à une éventuelle concomitance entre la présidentielle et la mise en place d’un nouveau gouvernement. Comme on s’en doute, les loyalistes lui ont confirmé que la présidentielle passe avant tout, du moment qu’il est vital de parer le risque d’un vide institutionnel, synonyme pour le moins d’anarchie. Le ministre Safadi a de la sorte déclaré que la question ministérielle est mise sous le coude, qu’il ne saurait y avoir de simultanéité avec cette seule vraie priorité qu’est la présidentielle. Position partagée, évidemment, par Siniora mais aussi par Bkerké. Comme on s’en doute également, les opposants ont pour leur part certifié à Cousseran qu’il faut, en premier, former un cabinet d’union. À la rigueur, ont-ils ajouté, l’on pourrait accepter la simultanéité avec la présidentielle. Dans ce cadre, Aoun n’hésite pas à critiquer le patriarche et le mufti, allant jusqu’à laisser entendre que les hommes de religion n’ont pas à se mêler de politique. Sans craindre de se contredire, il leur reproche en même temps de ne pas prendre position contre une ligne loyaliste qui, selon lui, est porteuse d’un projet de partition. Un plan dont il accuse plus spécialement Joumblatt et Geagea. Coupables aux yeux de l’opposition de défendre l’idée d’un président indépendantiste issu des rangs du 14 Mars. Couple ambigu Parallèlement, la querelle Joumblatt-Berry reflète, pour nombre d’observateurs, la dispute saoudo-syrienne. Envenimée en filigrane, selon un diplomate informé, par les craintes de Damas d’un accord que ses alliés iraniens concluraient sur son dos avec les Saoudiens, au sujet du Liban, avec coup de pouce français. Appréhensions qui accentuent, selon cette source, la détermination syrienne à bloquer l’échéance présidentielle libanaise car il n’en sortirait certainement pas un président qui serait à sa botte ou, du moins, lui serait favorable. En fait, rappelle ce diplomate, Ryad et Téhéran se sont entendus depuis assez longtemps sur la question libanaise. Plus précisément en janvier dernier lorsqu’ils ont fait ensemble barrage à toute confrontation entre sunnites et chiites sur la scène libanaise. Depuis ce temps, ajoute-t-il, l’Iran se montre convaincu qu’il faut stabiliser cette scène. Y empêcher un clash partitionniste, en favorisant une élection présidentielle normale, dans les délais légaux. Une position qui aurait été communiquée aux Syriens, qui se sont abstenus de la commenter, répondant prudemment que, pour leur part, ils soutiennent tout arrangement auquel les Libanais parviendraient entre eux. En même temps, on le sait, ils enjoignaient à leurs alliés locaux de ruer dans les brancards, de tout torpiller, de refuser toute entente. Retour aux questions de Cousseran. Elles ont également porté sur le quorum des deux tiers et sur le point de savoir qui veut de l’élection et qui n’en veut pas. Il s’est de même enquis des mécanismes à mettre en œuvre pour assurer la présidentielle. C’est-à-dire de la possibilité de parvenir à un président de consensus. Toujours est-il que, dans la mesure où l’on considère que la présidentielle dépend de la conjoncture extérieure, force est de reconnaître que les perspectives actuelles ne sont pas encourageantes. Nombre de professionnels des deux bords estiment en privé que, dans les circonstances régionales présentes, on ne pourra pas organiser l’élection dans les délais légaux. Pas tant qu’il n’y aurait pas eu un accord entre Washington, Ryad et Damas. Philippe ABI-AKL


De son entretien avec Cousseran, ce ministre retient que, par rapport au dossier libanais, la diplomatie française s’est trouvée dernièrement gênée aux entournures. Par le brusque embrasement à ciel ouvert du conflit saoudo-syrien, qui jusque-là couvait sous la cendre. C’est ce qui explique le gel temporaire des efforts français, alors que l’on s’attendait à un retour plus...