C'est un « premier pas » vers l'abolition du secret bancaire, a souligné le commissaire européen à la Fiscalité, Lazlo Kovacs, qui, avec cette offensive, s'aventure sur un terrain très sensible.
Elle intervient alors que la place financière du Luxembourg est, depuis l'éclatement de la crise financière, régulièrement mise en cause pour son manque de transparence. La polémique s'est encore accrue à la suite de l'affaire de fraude du financier américain Bernard Madoff qui touche plusieurs sociétés d'investissements installées dans le Grand-Duché.
Concrètement, la proposition de Bruxelles prévoit que le Luxembourg, l'Autriche et la Belgique, les trois États de l'UE qui conservent le secret bancaire, ne pourront plus refuser de donner des informations fiscales à d'autres pays de l'UE concernant les contribuables de ces États. La situation actuelle est « inacceptable », a souligné M. Kovacs.
« Le message c'est d'abord de dire : mettons de l'ordre au sein de l'Union avant de donner des leçons aux autres », commente un expert financier.
L'espoir est que cela influe sur l'attitude de pays non membres de l'UE et pratiquant le secret bancaire, comme la Suisse ou le Liechtenstein, très prisés des riches contribuables européens.
Pour Lazlo Kovacs, « cela va certainement renforcer notre position pour négocier avec les États tiers, y compris les paradis fiscaux européens. Parce que aujourd'hui, ils peuvent nous dire : comment pouvez-vous attendre que l'on pratique l'échange d'informations, si vous ne pouvez pas d'abord régler ce problème chez vous ? ».
La proposition de Bruxelles présentée hier complète un texte déjà présenté en novembre visant à améliorer la législation sur la fiscalité de l'épargne, datant de 2005, dont les lacunes avaient été mises en évidence après le scandale d'évasion fiscale au Liechtenstein il y a un an.
La directive actuelle prévoit un échange d'informations entre États de l'UE sur les revenus de l'épargne des non-résidents.
Mais les pays de l'UE pratiquant le secret bancaire et les paradis fiscaux européens hors UE - Suisse, Saint-Marin, Monaco, Andorre, Liechtenstein... - se contentent de taxer à la source les intérêts tirés de l'épargne placée chez eux.
La Commission a proposé en novembre de combler des lacunes du texte, en étendant son champ d'application à certains produits financiers et structures comme les fondations.
Mais elle n'avait pas jusque-là proposé de s'attaquer frontalement à nouveau au secret bancaire, sur lequel ont déjà buté les discussions ardues pour établir la directive de 2005. Ces tractations avaient duré quatorze ans.
La proposition de Bruxelles, qui devra obtenir le soutien de l'unanimité des pays de l'UE pour être mise en œuvre, comme tous les sujets fiscaux, promet des débats très conflictuels.
L'Autriche a exprimé dès lundi son opposition. « Abandonner le secret bancaire seul n'a pas de sens. Nous sommes contre une solution unilatérale au détriment de l'Autriche », a déclaré Harald Waiglein, porte-parole du ministère des Finances. Il s'est inquiété de la perte de compétitivité que subiraient les banques autrichiennes par rapport à leurs concurrentes suisses et liechtensteinoises.