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Actualités - OPINION

Les conditions d’utilisation de la force par la Finul P. Fady FADEL

Après les attaques terroristes perpétrées à l’encontre de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) les 24 juin et 16 juillet 2007, la question de l’utilisation de la force – armée ou coercitive – par les Casques bleus est revenue au-devant de la scène, faisant l’objet d’interprétations politiciennes controversées, allant parfois jusqu’à faire de la Finul un organisme d’observation. Or, en examinant la résolution 1701 du 11 août 2006 ainsi que les règles d’engagement communiquées le 18 août 2006, force est de constater que les conditions d’emploi de la force par la Finul s’articulent autour de deux axes principaux : la légitime défense et la défense de leur mission. Reconnu par la charte des Nations unies (art. 51) en tant que droit naturel, résultant du droit coutumier, le principe de légitime défense s’est vu s’appliquer également au sujet des opérations de maintien de la paix, en doctrine et en pratique. Il est indiqué que la Finul 1 recevra « des armes de caractère défensif. Elle ne devra faire usage de la force qu’en cas de légitime défense. La légitime défense comprendrait la résistance à toute tentative de l’empêcher par la force de s’acquitter de ses fonctions conformément au mandat du Conseil de sécurité » (rapport du secrétaire général, S/12611/1979). La notion de légitime défense a subi des modifications, au moins du point de vue théorique. Ces modifications ont eu d’ailleurs des répercussions sur la pratique de la Finul en ce qui concerne l’emploi de la contrainte. Le droit de légitime défense a été défini par le secrétaire général Dag Hammarskjöld dans son étude sommaire comme suit : « Une définition raisonnable semble avoir été établie dans le cas de la force d’urgence où la règle appliquée interdit absolument aux hommes participant à l’opération de jamais prendre l’initiative de recourir à la force armée, mais les autorise à répondre par la force à une attaque armée, notamment aux tentatives de recours à la force qui viseraient à leur faire évacuer les positions qu’ils occupent sur l’ordre du commandant (...). Ici, l’élément essentiel est de toute évidence l’interdiction de toute initiative de recours à la force armée. » Cette interprétation dite « étroite » face à l’interprétation dite « large » du droit de légitime défense prévalait pour toutes les Forces des Nations unies, en vue de faire la différence nette entre ces opérations et celles qui pourraient être décidées en vertu du chapitre VII de la charte des Nations unies. Dans une note sur le rôle et le fonctionnement de Unficyp, rendue publique le 11 avril 1964, le secrétaire général indiqua que l’expression « légitime défense » comprend : a- la défense des postes locaux et véhicules des Nations unies soumis à une attaque armée ; b- l’appui de tout autre membre du personnel de la Force soumis à une attaque armée. Aucune mesure ne devra être prise par les troupes de la Force qui soit susceptible de la mettre en conflit direct avec l’une ou l’autre des communautés chypriotes, sauf dans les circonstances suivantes : a- si des membres de la Force sont contraints d’agir en état de légitime défense ; b- si la sécurité de la Force ou de certains de ses membres est menacée ; c- si des arrangements particuliers, acceptés par les deux communautés, ont été violés ou, de l’avis du commandant local, sont sur le point d’être violés, ce qui risque de provoquer une reprise des combats ou met en danger l’ordre public. La meilleure illustration de l’interprétation large du droit de légitime défense est l’avis du représentant soviétique en ce qui concerne l’ONUC avant l’adoption des résolutions du 21 février et du 24 mars 1961 qui ont donné à la Force le droit d’employer la contrainte. M. Kouznetsov déclarait que « la Force des Nations unies pouvait légitimement et même devait pénétrer au Congo, malgré la résistance des forces katangaises, sans pour autant que le principe posé par le secrétaire général tenant à l’interdiction par l’ONUC d’user de ses armes, sauf le cas de légitime défense, fût tenu en échec (...) ; les troupes envoyées sur le territoire de la République du Congo ont le devoir de balayer tous les obstacles qui pourraient être dressés dans la voie devant permettre l’accomplissement de la tâche qui leur a été impartie par le Conseil de sécurité. Si donc ces troupes se heurtent au cours de leur mission à une quelconque opposition armée, elles ont parfaitement le droit d’user de leurs armes, puisqu’elles se trouvent à ce moment-là dans le cas de légitime défense tel qu’il ressort de l’interprétation du rôle que doivent jouer ces troupes. » Force est de reconnaître combien la thèse soviétique correspond à la conception de la légitime défense exprimée par le secrétaire général M. Waldheim à l’égard de la Finul. En effet, la résistance à toute tentative de l’empêcher par la force de « s’acquitter de ses fonctions » est sans doute un pas en avant par rapport à la « résistance aux tentatives de recours à la force qui viserait à leur faire évacuer les positions qu’elles occupent ». On peut, peut-être, considérer l’ancienne conception comme une « défense négative », tandis que la nouvelle conception serait une « défense positive ». D’ailleurs, selon M. Waldheim, les troupes de la Finul « ne sont autorisées à faire usage de la force que pour se défendre lorsqu’elles sont attaquées, ou lorsqu’on essaie de les empêcher d’exécuter les tâches qui leur ont été confiées par le Conseil de sécurité ». Le secrétaire général fait en réalité une combinaison entre les deux conceptions, ce qui a permis en fait aux responsables de la Finul de prendre des positions, parfois contradictoires. Ainsi le général Erskine a déclaré à la radio israélienne que « ses forces n’hésiteraient pas à tirer si on les empêchait d’accomplir leur mission (...). » « Nous avons des armes, a-t-il dit, nous avons le droit de les utiliser et nous le ferons si besoin est. » Autrement, comment peut-on expliquer que la Finul exerce le droit d’empêcher toute infiltration des éléments armés dans la zone d’opération et de contrôler tout mouvement, d’autant que ces éléments armés ne s’opposent pas à la Force des Nations unies ? Ils procèdent à un passage furtif en direction des frontières avec Israël sans qu’ils aient quelque chose à voir avec les membres de la Force. Mais le fait de les laisser passer vide, en effet, la mission de son contenu principal, « prévenir une reprise des combats ». Par contre, quand le problème était lié à la restauration de l’autorité libanaise au Liban-Sud, la position de l’ONU était réservée. Lors du blocage du détachement de l’armée libanaise à Kawkaba, dû au refus de l’Armée du Liban-Sud de lui permettre d’avancer, le porte-parole de la Finul, M. Keith Beavan, a déclaré que la Force pourrait faire usage de ses armes pour permettre audit détachement de gagner Tebnine au Liban-Sud. Les Nations unies ont répliqué que « cette déclaration ne représente pas l’avis de l’organisation » et M. Beavan fut rappelé incessamment pour consultation au siège des Nations unies à New York. Plus récemment, les règles d’engagement de la Finul, marquées « UN Restricted », distribuées le 18 août 2006 aux pays intéressés au siège de l’ONU à New York, affirment que la Finul renforcée opère selon des principes « de nature principalement défensive » mais qui « autorisent l’usage d’une force appropriée et crédible si nécessaire ». Ces règles d’engagement préservent sans ambiguïté le droit « inhérent » à l’autodéfense des Casques bleus. Au-delà de la légitime défense, l’usage de la force est autorisé pour « assurer que le théâtre d’opérations de la Finul (du fleuve Litani jusqu’à la ligne bleue) ne soit pas utilisé aux fins d’activités hostiles de quelque nature que ce soit », pour « résister » à des tentatives de faire obstacles au mandat de la Finul ou pour « protéger les civils sous la menace imminente de violence physique ». L’usage de la force doit être toutefois, selon les règles d’engagement, « proportionnel ». Par ailleurs, si la Finul n’est pas chargée de chercher et de trouver des armes, il n’en demeure pas moins que son mandat l’oblige à « empêcher leur circulation », selon le lieutenant-colonel Olivier de Cevins, commandant du premier bataillon français de la Finul (Le Matin, 30-9-06). En effet, face à l’utilisation de l’espace géographique où la Finul est déployée, pour exercer des activités hostiles, comme ce fut le cas le 17 juin 2007, la Finul est autorisée à user de « la force létale » en ouvrant le feu si les « combattants, illégalement armés, refusent de se rendre aux Finul » (qui devraient les rendre par la suite à l’armée libanaise) et « si l’armée libanaise n’est pas en mesure d’intervenir ». En outre, à travers « la libre circulation » reconnue par les règles d’engagement à la Finul dans sa zone d’opération, il existe désormais des « check-points » fixes et mobiles. « Si un camion passe avec des armes, on l’arrête », explique un responsable militaire onusien (Le Monde, 22-08-06). L’armée libanaise serait alors appelée à intervenir. « Si le véhicule tente de passer en force, nous utiliserons la force armée. » Dans tous les cas, « si l’armée libanaise n’est pas en mesure d’intervenir – et ce en coordination avec elle –, nos pouvoirs sont très étendus », conclut-il. D’ailleurs, l’article 12 de la résolution 1701 ne stipule-t-il pas que « le Conseil de sécurité autorise la Finul à prendre toutes les mesures nécessaires dans les secteurs où ses forces sont déployées et quand elle le juge possible dans les limites de ses capacités – et non pas de son mandat ! – à veiller à ce que son théâtre d’opérations ne soit pas utilisé pour des activités hostiles (…), à résister aux tentatives visant à l’empêcher par la force de s’acquitter de ses obligations (…) et à protéger le personnel, les locaux (…), à assurer la sécurité et la liberté de mouvement du personnel des NU et des travailleurs humanitaires (…) » ? Au vu de ces stipulations et dispositions, nous constatons que les pouvoirs impartis à la Finul sont musclés, « très durcis ». La Finul a désormais « un chapitre VI robuste », explique un haut responsable onusien, selon lequel l’ONU a pris des morceaux du chapitre VII et les a placés dans les règles d’engagement. L’utilisation de la force par les Casques bleus dans le contexte juridique et militaire décrit plus haut ne nécessite donc point une révision des règles d’engagement ou une adoption d’une nouvelle résolution. En revanche, d’une part, l’avertissement adressé par le juge Serge Brammertz, dans son huitième rapport rendu public le 12 juillet 2007, au sujet de la situation sécuritaire critique dans le pays dans les mois à venir et, d’autre part, la multiplication d’actes terroristes à l’encontre de la Finul constitueraient une base juridique pour une éventuelle évolution du mandat et de la mission de la Finul : sa transformation en une opération d’imposition de la paix, se dotant de pouvoir d’initiative. Le feuilleton de l’été a débuté ! P. Fady FADEL Docteur en droit public Secrétaire général de l’Université antonine Article paru le mardi 21 août 2007
Après les attaques terroristes perpétrées à l’encontre de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) les 24 juin et 16 juillet 2007, la question de l’utilisation de la force – armée ou coercitive – par les Casques bleus est revenue au-devant de la scène, faisant l’objet d’interprétations politiciennes controversées, allant parfois jusqu’à faire de la Finul un...