EN LIBRAIRIE - « The Book of Closure » en vente à la CD Thèque et au Virgin Megastore Impressions d’un été indélébile

C’est de rage, de grosse colère qu’il s’agit... Lorsque la guerre de l’été 2006 a éclaté, nouveaux chapitres sanglants dans nos livres d’histoire, Diana Jarmakani propose aux amis du Liban d’écrire des histoires, des impressions spontanées. De s’exprimer en toute liberté pour évacuer le trop-plein de stress et de frustration. Dix jours plus tard, une centaine de mails lui reviennent, réunissant les diverses « humeurs » dans un livre, sorti en juin dernier, qu’elle a appelé « The Book of Closure ». Comme elle aurait pu l’appeler « 7ala2oulna 3al nashif », ou, en langage châtié, « Ils nous ont tous bien eus ! » Plusieurs signatures, des citoyens de 15 à 60 ans, des Libanais en colère contre tout et tous les politiciens, ont rapidement répondu à l’appel de Diana Jarmakani. « Durant l’été dernier, à l’occasion de nombreuses réunions entre copains, j’ai pu remarquer que tous se plaignaient. Tout le monde se sentait perdu et déçu, presque trahi par le cours des choses », confie cette graphiste qui a toujours eu, sous le label de son agence P.INC, un goût pour les extrêmes, les campagnes qui décoiffent et les emballages qui surprennent. « J’ai voulu faire un petit livre pour leur donner la parole. » Quatre-vingt-trois personnes se sont ainsi exprimées en anglais et en arabe. Elles se sont posé les questions d’usage : faut-il rester, partir, croire en des lendemains meilleurs ? Elles ont dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas, sans que leurs discours ne soient politiques. Artistes, peintres, compositeurs, journalistes, écoliers, ou simples citoyens libanais ont composé de belles pages, spontanées et sincères, avec, pour principal fil conducteur, une colère justifiée. « J’ai commencé par envoyer un mail à une vingtaine d’amis. Grâce à l’effet “boule-de-neige”, le message m’est revenu quelques jours plus tard ! Pour la sélection finale, nous avons choisi la diversité autant que la clarté et le talent dans l’écriture. » Page blanche Quarante-quatre textes ont été choisis par l’équipe de P.INC. Sur un ton las, animé, énervé, révolté, ils lancent un « pourquoi ? », qui trouve écho mais toujours pas de réponse. Les écrivains en herbe déversent leur ras-le-bol. « Ce petit livre est dédié à ceux qui n’arrivent à faire aucun plan d’avenir, qui ne croient plus en aujourd’hui ou en demain. Ceux qui sont partis et qui veulent revenir. Ceux qui souhaitent, tout simplement, vivre en paix. » La couverture du livre est blanche, « lumineuse », sans titre, car, « dans le cercle chromatique, le blanc est le résultat d’un mélange de toutes les couleurs ». Ces couleurs qui, comme il est souvent dit dans le livre, sont devenues de ridicules symboles politiques. Un code-barres occupe le haut de chaque page car, précise Diana, « le citoyen libanais est devenu un produit. Il n’y a plus d’individualité, plus de nation. Chacun se prend pour un chef, un za3im. D’ailleurs, le livre lui est cyniquement dédié, qui qu’il soit. » En fin de livre, Diana Jarmakani offre un délicieux lexique, « salbait », en arabe dans le texte. On y trouve des définitions personnalisées de la gamme de couleurs locales, l’orange, le bleu, le rouge. Des expressions familières, des slogans et des objets détournés en raison des circonstances que traverse, inlassablement, le pays. Les terminologies du pneu, de la religion, la liberté, la tranquillité et de la démocratie sont à revoir, avec un sourire cynique ! Mieux vaut en rire... Ce Book of Closure se veut enfin, comme son nom l’indique, une page que l’on tourne sur cette période noire. « Mais la page n’est pas réellement tournée, conclut Diana Jarmakani. La colère, au vu des évènements actuels, gronde encore. » Une suite est donc à prévoir, bientôt... Carla HENOUD