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Actualités - OPINION

Convention des droits de l’enfant dans l’islam Un grand pas en avant pour les sociétés musulmanes

Le monde musulman vient d’introduire sa version des droits de l’enfant. Il s’agit d’une adaptation au droit musulman de la Déclaration universelle des droits de l’enfant. Que convient-il de penser de cette initiative ? Ceux qui sont à cheval sur les principes et qui de plus souffrent d’un certain complexe de supériorité par rapport au monde musulman ne manqueront pas de rejeter cette adaptation comme marquant un pas en arrière par rapport à la déclaration des Nations unies. Mais cela ne représente rien de nouveau, puisque ces personnes-là considèrent le droit musulman comme rétrograde et, à bien des égards, incompatible avec le droit dit « universel ». Je pense qu’il serait bon de sortir des querelles oiseuses qui se réclament de principes transcendants mais abstraits. Les choses étant ce qu’elles sont aujourd’hui et compte tenu des difficultés que le monde musulman a à s’adapter au monde moderne, je trouve que la version musulmane des droits de l’enfant représente un pas à la fois courageux et positif dans la bonne direction. Rien que pour cela, il faut féliciter les personnes et les gouvernements qui l’ont parainée. Il faut bien reconnaître, d’autre part, que le besoin de réconcilier le droit et la morale avec les exigences de la foi est, lui aussi, un besoin universel. Il suffit, pour s’en convaincre, de se rappeler la position la plus constante de l’Église catholique. Les encycliques des temps modernes cherchent inlassablement à rappeler les exigences morales de la foi par rapport aux innovations qui sont en train de transformer le monde dans tous les domaines. Le monde musulman est donc parfaitement dans son droit de chercher à adapter les déclarations onusiennes aux exigences religieuses de l’islam. Cela ne veut pas dire que la déclaration des droits de l’enfant dans l’islam ne nous pose pas de problème ici même, au Liban. Le Liban est aujourd’hui un pays où les musulmans sont majoritaires, mais qui n’en est pas pour autant un pays musulman. C’est sous ce rapport qu’il convient de réfléchir sur la spécificité libanaise. Le Liban n’est ni un pays musulman ni un pays chrétien. Ceux qui concluent de cela que l’État libanais est un État laïc se trompent. En effet, ils ne tiennent pas compte de la contradiction libanaise qui permet aux forces vives de l’islam et du christianisme de s’immiscer constamment dans les affaires nationales. À cause de cela, le Liban est un pays primitif qui s’imagine être moderne. Si l’on définit la modernité comme l’émancipation de l’État de la tutelle religieuse, alors le Liban se situe dans les limbes de l’indéterminisme et de la confusion. Il a un pied dans le monde moderne et un autre pied dans l’Antiquité. Au cours d’une conversation avec un musulman qui est bien conscient des problèmes dans lesquels nous nous débattons, il m’a dit que l’idéal serait de doter le Liban d’une nouvelle religion d’État qui serait un amalgame entre l’islam et le christianisme. Il se rendait bien compte qu’un tel projet est utopique, mais cela lui permettait de conclure que le problème libanais est insoluble. Il l’est, en effet, mais uniquement dans la conception primitive des choses. La conception primitive des choses fait du projet libanais un projet religieux. Or cela n’est possible que quand il y a une religion qui domine et des religions qui se soumettent à sa domination. Au Liban, ni les musulmans ne peuvent vivre sous domination chrétienne ni les chrétiens sous domination musulmane. Le projet libanais ne peut donc être que moderne, puisque seule la modernité est en mesure d’assurer l’égalité de tout le monde dans le droit. Cela veut dire qu’il ne sera possible aux chrétiens d’être chrétiens qu’au niveau communautaire. De même, il ne sera possible aux musulmans d’être musulmans qu’au niveau communautaire. Sur le niveau national, il ne peut y avoir ni de musulmans ni de chrétiens. C’est cela que nous n’avons pas encore compris. Je propose de faire du niveau communautaire le lieu où nos différences socioreligieuses ont droit de cité. Mais nous devrions interdire à nos différences religieuses toute ingérence dans les affaires nationales. En ce qui concerne l’islam, la conséquence de ce particularisme libanais, tel que je viens de le définir, le réduit chez nous à n’être qu’une religion amputée de sa dimension étatique. Dans les pays musulmans, l’islam est indistinctement religion et mode de gestion de l’État. Il en était ainsi du christianisme au Moyen Âge et dans l’Antiquité byzantine. Dans ce monde, on concevait le pouvoir comme venant de Dieu. Aujourd’hui nous le concevons comme venant du peuple. Il s’agit là de conceptions simplistes. En réalité, le pouvoir reste toujours l’apanage des puissants. L’art consiste à mettre des limites au pouvoir, en le subordonnant, d’une manière ou d’une autre, à un certain sens de la justice dans le respect des libertés démocratiques. En d’autres termes, tout pouvoir tend à devenir abusif. D’où le besoin permanent de vigilance pour limiter ses abus. L’émancipation de l’État de la tutelle religieuse est encore loin de la culture politique libanaise. La nouvelle déclaration des droits de l’enfant dans l’islam est l’occasion d’une remise en question de ce qu’il y a de plus néfaste chez nous. Il est plus facile pour les chrétiens d’admettre le principe de l’émancipation de l’État de la tutelle religieuse. Dans la pratique, on en est fort éloigné. Laissées à elles-mêmes, les sociétés se reproduisent à l’identique, de génération en génération. Tout changement nécessite donc des ruptures audacieuses avec la tradition. Or la tradition est un mélange confus de bien et de mal, de conscience et d’inconscience, de savoir et d’ignorance, de vérité et d’erreur. Sans une prise de conscience de cette condition humaine, les hommes, en Orient comme en Occident, continueront de faire de leurs demi-vérités des vérités absolues et universelles. Joseph CODSI Universitaire

Le monde musulman vient d’introduire sa version des droits de l’enfant. Il s’agit d’une adaptation au droit musulman de la Déclaration universelle des droits de l’enfant. Que convient-il de penser de cette initiative ?
Ceux qui sont à cheval sur les principes et qui de plus souffrent d’un certain complexe de supériorité par rapport au monde musulman ne manqueront pas...