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Actualités - REPORTAGE

Société - Un programme de cours d’art pour enfants à Nabaa Ayadina : de la compagnie et de la chaleur humaine pour ceux que la vie n’a pas gâtés

«Levez le bras, étirez-le bien, faites un mouvement rotatif… ». Ces phrases ne sont pas prononcées dans un cours de sport, mais par une dame qui fait faire à un groupe de personnes du troisième âge des exercices destinés à les garder en forme, dans un local d’association à Nabaa. L’ambiance est gaie, on y fait des plaisanteries, certains y dévoilent une âme de poète, d’autres sont simplement heureux de bavarder et de casser la croûte dans une atmosphère amicale. Bienvenue à l’association Ayadina, où le principal souci est celui de réapprendre la joie de vivre à ceux que la vie a oublié de gâter. Fondée depuis une dizaine d’années par Maya Najjar, qui en assume toujours la présidence, l’association aspire à « aller là où les autres s’arrêtent », comme la définit sa fondatrice. « Il y a beaucoup d’associations qui se sont penchées sur les besoins premiers des catégories défavorisées de la population, comme les frais médicaux et autres, dit Mme Najjar. Nous, nous avons voulu agir contre la solitude, parce que nous avons constaté que c’est elle qui pèse le plus sur les vieux. Nous leur apportons une présence, de l’amour, de la joie, des sorties… ». À ceux qui pourraient penser que son action s’inscrit dans le domaine du superflu, Mme Najjar répond qu’elle refuse de considérer cette amélioration du quotidien comme un luxe. « Je ne me résous pas à limiter la vie de ces gens-là à la lutte pour la survie, dit-elle. La beauté est, à mon avis, un élément essentiel pour la dignité humaine. Nous traitons d’égal à égal avec les personnes qui viennent chez nous, c’est un privilège que d’être admis dans leur monde. » Et de fait, les bénéficiaires de l’association, qui se rendent trois fois par semaine, toute l’année, à son siège afin d’y passer la matinée, rendent visiblement cette affection aux dames de l’association. Ils les saluent chaleureusement, se confient à elles, les louent volontiers face aux étrangers. Les personnes du troisième âge ne sont pas les seules qui retiennent l’attention de Ayadina. L’association a aussi prévu des programmes pour enfants, principalement axés sur les arts. « Quand je pense aux talents que l’on gaspille chez les enfants de milieux modestes, je me dis que c’est un crime », lance Mme Najjar. Partant du fait que le talent ne devrait pas être un luxe réservé aux riches, Ayadina a mis au point un programme pour les enfants du quartier. Il s’agit de cours (donnés bénévolement la plupart du temps par des professionnels) de ballet classique, de peinture, de danse folklorique, de solfège, de chorale, de piano et, espère Mme Najjar, de guitare et de violon dès l’année prochaine. Quelque 125 enfants sont ainsi concernés. Une lutte contre la délinquance chez les jeunes « Ce n’est pas seulement de l’art pour l’art, souligne Mme Najjar. Nous sommes capables d’évaluer l’impact positif sur le comportement des enfants dans leurs familles et à l’école. Ils sont épanouis, ouverts. C’est la meilleure protection contre la délinquance. » En été, Ayadina a également organisé un camp d’été pour les enfants, tous les jours de 10h à 15h, durant le mois d’août. Il comprendra un suivi scolaire, des jeux de société, des sorties… « Nous allons même essayer de les emmener nager une fois par semaine », souligne Mme Najjar. Cette volonté de faire du beau une partie intégrante de la vie de chacun a toujours été une caractéristique de la personnalité de Maya Najjar, selon son propre témoignage. « J’ai toujours aimé faire une différence dans la vie des gens, et j’ai commencé très tôt à initier des activités dans mon village de Yahchouch, en plantant des fleurs par exemple », se souvient-elle. Plus tard, elle ira seule faire le tour des maisons des plus défavorisés, pour les rencontrer, tenter d’amener quelque joie à leur vie. « Vous ne pouvez pas vous imaginer combien ils sont gentils et généreux, dit-elle. La plupart étaient des déplacés qui avaient leur maison à la montagne, puis qui se sont retrouvés sous un escalier quelconque. Mais ils n’ont pas abandonné leurs habitudes d’hospitalité pour autant. Nous faisions souvent des rencontres chez l’un d’eux, qui se transformaient en véritables fêtes. Nous aidions les femmes à rester coquettes. » Rejointe par d’autres dames, c’est en 1997 qu’elle fondera son association à Nabaa, « parce que c’est le centre de la misère et qu’il est multiconfessionnel », d’abord sous l’aile des sœurs franciscaines, puis de manière autonome. Le premier local de Ayadina était situé dans un vieil immeuble, mais l’association a loué, depuis, un local plus neuf et plus vaste, avec de la place pour les activités des enfants. Mais ça n’a pas toujours été facile pour l’association de s’imposer et de trouver les moyens de s’autofinancer. « L’idée n’intéressait personne parce que nous ne travaillons pas pour des enfants malades, handicapés ou orphelins, déplore Mme Najjar. Ce sont toutes de nobles causes, mais il faut que tout le monde réalise que des enfants qui vivent dans des conditions aussi misérables, même en bonne santé, sont bel et bien touchés, quoique d’une autre façon, et qu’il est nécessaire de les sauver de la délinquance. » * * * Un projet de résidences appropriées pour personnes du troisième âge, un rêve Sa longue expérience sur le terrain a fait naître en Maya Najjar, fondatrice de Ayadina, un rêve qui correspond aux besoins des personnes âgées qui, n’étant pas malades ou invalides, veulent un chez-soi et refusent d’être internées dans un asile. « Ce serait un projet qui leur assurerait de petits appartements, correspondant à leurs besoins, et qui leur seraient accessibles », dit-elle. Ce projet répondra également, selon elle, à leur besoin de compagnie puisque les repas seront pris en commun, et que les habitants y seront en contact avec leurs voisins et avec l’association. En effet, la solitude, les frais de location de maisons souvent mal aménagées (dans des immeubles sans ascenseurs par exemple) et les frais de santé restent les principaux soucis de la population de ce quartier désavantagé, d’où l’intérêt de l’idée proposée. « Des mets chauds seront cuisinés chaque jour par des dames volontaires. Il y aura une grande chambre de buanderie, une possibilité de visites de l’extérieur, poursuit-elle. Les habitants y seront soumis à des tests de santé réguliers, effectués par des médecins ou des étudiants en médecine volontaires. » Tel que l’imagine Maya Najjar, ce projet comportera des espaces verts, absolument indispensables, selon elle, au bien-être des pensionnaires. Mais du rêve à la réalité, il faut trouver les possibilités de réaliser ce projet. Ayadina cherche non seulement à monnayer la construction du projet, mais aussi la couverture de ses frais de gestion par la suite. Et pour cela, l’aide de la municipalité ne peut qu’être précieuse. Une réunion a eu lieu récemment au siège de la municipalité de Sin el-Fil avec le président du conseil Nabil Kahalé, Raymond Riachy, employé, Hala Alameddine, une des architectes volontaires prêts à travailler sur le projet, et Mme Najjar. Au cours de cette rencontre, la présidente de l’association s’est informée des besoins de la région, qu’un tel projet pourrait combler. « Ce projet devra inclure des activités qui permettront à Ayadina de le financer et de s’autofinancer, sinon sa durabilité serait remise en question », explique Mme Alameddine. Parmi les idées envisagées, un nombre d’appartements à louer à un public plus large, probablement plus jeunes et vivant dans des conditions moins difficiles, une salle polyvalente à louer, un restaurant peut-être… L’association instaurera également un système de parrainage pour les pensionnaires âgés. Mme Alameddine nous précise que ce projet sera également conçu pour être un projet pilote d’un point de vue écologique, avec utilisation de panneaux solaires, de système de collecte de l’eau de pluie, d’espaces verts entre les bâtiments… Une étude de faisabilité sera effectuée à l’AUB par une équipe de professionnels, afin de préparer un dossier à présenter à d’éventuels donateurs. Suzanne BAAKLINI
«Levez le bras, étirez-le bien, faites un mouvement rotatif… ». Ces phrases ne sont pas prononcées dans un cours de sport, mais par une dame qui fait faire à un groupe de personnes du troisième âge des exercices destinés à les garder en forme, dans un local d’association à Nabaa. L’ambiance est gaie, on y fait des plaisanteries, certains y dévoilent une âme de poète,...