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Actualités - REPORTAGE

Donia et Juan Antonio n’ont pas besoin de mots pour se comprendre Quand un soldat espagnol de la Finul épouse une Libanaise de Kleïa

Donia et Juan Antonio s’aiment. Elle est libanaise, il est espagnol. Elle parle anglais, lui comprend quelques mots de la langue de Shakespeare. Donia, 24 ans, et Juan Antonio, 26 ans, se sont mariés dimanche dernier à Marjeyoun. Le jeune homme avait servi six mois au sein du contingent espagnol de la Finul dans le secteur est. Il était rentré à Grenade, il y a quatre mois, avant de revenir au Liban épouser sa dulcinée. Donia et Juan Antonio sont amoureux. Et l’amour ne se cache pas. Même s’ils ont un peu de mal à parler ensemble, et à engager une véritable conversation à deux – Donia comprend l’espagnol sans le parler –, tous les deux acquiescent que l’on n’a pas besoin de mots pour se faire comprendre, il suffit d’un regard… Une modeste maison à Kleïa : c’est le domicile momentané de la mariée, qui vient de rentrer d’une lune de miel de quelques jours à l’hôtel Dana, à Ibl el-Saki, à quelques kilomètres du village. Donia et son époux devraient partir en Espagne, à Jun – un petit village de Grenade –, dimanche prochain. Entre-temps, c’est dans la maison de la mariée que le couple habite. La famille de Donia Atallah est originaire de Darb el-Sim (est de Saïda). Avec les événements qui ont touché la région en 1985, elle s’est installée à Kleïa. C’est là que la jeune fille grandit. Elle vit avec son frère, Youssef, et sa mère Fadwa, institutrice dans une école et un orphelinat de Bourj el-Moulouk, village voisin de Kleïa. Assis dans la salle de séjour de la maison de Kleïa, Juan Antonio Cerrano Alvarez dit qu’il se sent chez lui, que les parents de Donia sont devenus sa propre famille, qu’il aime la cuisine de « Hamaté » (belle-mère). C’est que la jeune mariée a appris à son époux quelques mots d’arabe… Quand Donia et Juan Antonio racontent leur histoire d’amour, même séparément, ils ont les mêmes souvenirs, ils évoquent les mêmes événements qu’ils estiment importants. Le jeune couple s’est rencontré en octobre dernier quand les premières unités du contingent espagnol étaient arrivées au Liban. Donia avait quitté son université pour travailler dans un magasin de Marjeyoun qui venait d’ouvrir ses portes et qui vend des vêtements et des accessoires militaires. De l’importance de la traduction… La jeune fille et son époux racontent la même histoire : Juan Antonio est entré dans le magasin, avec cinq autres soldats. Il y avait trois vendeuses. Mais il n’a vu qu’elle et elle n’a vu que lui. Juan Antonio ne parle pas anglais. Il charge l’un de ses camarades, Quiroga, de dire à Donia qu’elle a de beaux yeux. Durant une dizaine de jours, presque au quotidien, Juan Antonio tente d’inviter la jeune fille à dîner. Elle refuse et finit par accepter au bout de la troisième semaine. Pour se faire comprendre, le couple est toujours accompagné d’un traducteur, Quiroga, ou d’un autre camarade qui parle anglais. Quand le contingent espagnol commence à donner des cours de langues dans les villages où il est déployé, dont Kleïa et Marjeyoun, Donia, qui travaille toute la journée, n’a pas le temps d’apprendre la langue de Cervantès. Les deux jeunes gens, chacun de son côté, évoquent les mêmes étapes importantes de leur histoire : Donia montre un petit bracelet en cuir sur lequel son nom est inscrit en strass. « Quand le père de Juan Antonio est mort, il est rentré en Espagne. Il était tout triste, mais il a pensé à moi, me ramenant un bracelet personnalisé », raconte la jeune femme, avec un grand sourire. Juan Antonio parle de son propre anniversaire, de la surprise que Donia lui avait préparée. Il se souvient du nounours et de la montre qu’elle lui avait offerts. Ce soir-là, il avait eu les larmes aux yeux. Et puis, il y a eu cette fameuse Saint-Valentin. Juan Antonio, qui est caporal, et qui n’a donc pas le droit de sortir en semaine ou de rendre visite aux civils libanais, envoie le 14 février dernier trois officiers espagnols et une traductrice à la maison de sa dulcinée pour lui offrir une rose rouge et un petit mot : « Te quiero » (Je t’aime). Donia enverra une réponse avec le groupe : une autre rose rouge, également avec un petit mot « Bé hebbak » (Je t’aime). Le couple raconte qu’il s’est parlé des mois sur Internet, les jours où les amoureux ne se voyaient pas. « De lundi à jeudi », précise Juan Antonio, qui ne pouvait sortir de la caserne qu’en week-end. Comment ont-il fait pour s’écrire sans avoir une langue en commun ? Donia répond simplement : « Google translator. » Elle explique : « On faisait du “chat”, lui de son campement, moi de ma maison. J’écrivais le texte en anglais, je le passais dans Google translator pour le traduire en Espagnol, Juan écrivait en espagnol, passait son texte dans le programme de traduction et l’envoyait en anglais. » Mais mars, la date de départ des premières unités espagnoles arrivées au Liban, est rapidement venu. Juan Antonio a donc pris son courage à deux mains invitant au restaurant les parents de Donia pour leur dire qu’il aime leur fille et qu’il veut l’épouser. Fadwa, la mère de la jeune fille, trouve Juan Antonio sincère mais n’y crois pas vraiment. « Le soldat espagnol finira par oublier ses promesses », se dit-elle… Donia, elle, sait que « ça sera Juan Antonio ou personne d’autre ». Tous les jours, durant quatre mois, les jeunes gens s’écrivent des mails ou « chattent » sur Internet. Juan Antonio, qui passe ses examens pour devenir Gardien de la paix, revient quand même au Liban le 19 juillet dernier. Donia, aidée de sa maman, prépare le mariage en une semaine. Interrogée sur la réaction des gens, notamment de ses camarades du village et de la famille, Donia indique : « Certaines personnes que j’invitais à mon mariage m’ont tout simplement dit : “Attends qu’il soit là, peut-être qu’il ne reviendra jamais au Liban”. » Mais Juan Antonio est bel et bien revenu et le mariage a bien eu lieu en l’église grecque-catholique de Marjeyoun. Juan Antonio et Donia devraient s’installer bientôt en Espagne. En attendant le départ, prévu dans moins d’une semaine, ils vivent à Kleïa. À la terrasse de la maison, Juan Antonio joue tranquillement aux dames avec Khalil, le père de son épouse, qu’il trouve « la plus jolie femme de tout le Liban ». Il se dit « très heureux ». Il mange « le taboulé et la mloukhiyé de Hamaté ». Entre-temps, sa belle-mère pense au départ de sa fille, les larmes aux yeux. Mais Fadwa est contente : « Depuis que Juan Antonio est là, je suis sûre qu’il aime Donia. Il suffit de voir comment il la traite. Je pense que c’était écrit dans le ciel… », dit-elle. Juan Antonio et Donia, eux, ne cessent de s’enlacer et de s’embrasser. Nous n’avons plus qu’à souhaiter au jeune couple tout le bonheur du monde, et aux célibataires, qui cherchent encore l’âme sœur, de la trouver rapidement. Inchallah ! Patricia KHODER

Donia et Juan Antonio s’aiment. Elle est libanaise, il est espagnol. Elle parle anglais, lui comprend quelques mots de la langue de Shakespeare. Donia, 24 ans, et Juan Antonio, 26 ans, se sont mariés dimanche dernier à Marjeyoun. Le jeune homme avait servi six mois au sein du contingent espagnol de la Finul dans le secteur est. Il était rentré à Grenade, il y a quatre mois,...