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En marge de la bataille de Nahr el-Bared II- L’argent salafiste contre l’éveil en islam

Par Abdel-Hamid el-Ahdab L’histoire est faite de défis et de satisfactions. La Chine s’est rebellée contre les valeurs sacrées et elle est entrée de plain-pied dans le présent. Le Japon a eu besoin, à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, de la défaite d’Hiroshima pour guérir du fascisme du sacré et intégrer notre ère. Pour son éveil, l’Europe a abandonné le sacré à l’homme afin qu’il y cherche les solutions à ses problèmes métaphysiques. Elle l’a franchement déconnecté du système social, économique et politique, et a fourni du respect à la raison et de la notoriété à la liberté afin d’en faire le fondement de la vie (voir L’Orient-Le Jour du samedi 28 juillet 2007). Lorsque l’éveil progressait dans le monde arabe et marquait des pas importants, le mufti d’Égypte, cheikh Mohammad Abdo, n’avait pas hésité à dire que si quelque différend devait naître entre la raison et la religion, le dernier mot reviendrait à la raison. Le cheikh d’el-Azhar, Ali Abdel Razzak, avait dit que l’important dans l’expérience du prophète Mohammad n’est pas la capacité militaire ou celle du pouvoir, mais l’apport spirituel et moral. L’islam est, en effet, un message divin et non un système de gouvernement. Il est une religion et non un État. Où étions-nous et où sommes-nous à présent ? C’est de là que nous devons commencer. Du fleuve Nahr el-Bared, de tous les fleuves qui menacent l’avenir de la société musulmane qui subit aujourd’hui le despotisme politique, le fanatisme religieux, la misère économique, le sous-développement, la progression de la mentalité superstitieuse et obscurantiste qui se répand dans de larges couches de la population et même chez les intellectuels ! De là devons-nous commencer : une guerre de libération de l’homme dans la société musulmane, une guerre de réhabilitation de la raison et de la liberté. Le vide après la chute de Nasser, puis celle du communisme La défaite de 1967 a favorisé le retour de l’esprit salafiste, et ce courant s’est employé à récupérer la notoriété de Abdel Nasser dans les milieux musulmans arabes et non arabes dès l’émergence de l’intifada palestinienne. Nul doute que la chute de l’Union soviétique et celle des concepts marxistes ont rendu le discours salafiste plus susceptible d’écoute. Le paradis sur terre est devenu impossible et cette chute a coïncidé, de surcroît, avec un afflux d’argent du pétrole venu se déverser dans les caisses salafistes, ce qui a renforcé du coup sa résolution et s’est abattu sur la pensée musulmane réformatrice et moderne, qu’elle a anéantie. Aussi n’est-il resté qu’une voix, qui est la sienne. Les premières victimes du salafisme sont les musulmans eux-mêmes. N’y a-t-il pas eu cent mille tués algériens jusqu’à présent ? Et la guerre Iran-Irak n’a-t-elle pas opposé deux peuples musulmans et provoqué la mort de 750 000 musulmans ? À noter que ce sont les slogans du salafisme iranien qui avaient alors porté le monde arabe à soutenir l’Irak. Le salafisme musulman n’aurait pas prospéré si Nasser était resté, si la défaite de 67 n’avait pas eu lieu, si la politique américaine ne s’était pas emparée du salafisme et si des montants sidérants n’avaient pas été versés à ce mouvement. La salafisme musulman vit de la tyrannie. Sa victime la plus importante est le devenir musulman et humain, ainsi que la vérité de l’islam et son message civilisateur. Si la politique américaine n’avait pas été celle du dédain et du mépris des sentiments musulmans les plus chers, le monde islamique n’aurait jamais écouté les salafistes. Le plus étrange dans la politique américaine d’aujourd’hui est qu’elle s’est alliée avec des États et des régimes salafistes et intégristes pour combattre le salafisme intégriste afghan. N’était-ce pas l’Amérique qui avait soutenu, créé et préparé le terrain au salafisme afghan dans la guerre menée en vue de la chute de l’Union soviétique ? La manipulation américaine Lorsque Dwight Eisenhower fut élu président des États-Unis, en novembre 1952 et lorsqu’il entra à la Maison-Blanche à la fin de janvier 1953, il fit nommer deux personnes aux plus hautes fonctions de l’Administration. Le hasard fut que ces deux personnes étaient des frères d’un abbé qui avait passé sa vie à invoquer le royaume de Dieu. Le premier frère était John Foster Dulles. Il assurait les fonctions de secrétaire d’État, et il était celui qui élevait le plus la voix pour affirmer que la religion est l’arme la plus efficace et la plus active dans le tiers-monde car elle constitue l’identité traditionnelle de peuples et nations encore vierges et instinctifs. La religion est, pour eux, un contrat politique et social unique, qui leur sert de pont entre le présent et l’après. Le deuxième frère, Alan Dulles, occupait le poste de directeur de l’Agence de renseignement centrale (CIA) à laquelle avait été confiée la mission de diriger la nouvelle guerre (la guerre froide). Son arme consistait à « lancer des idées et non à ouvrir le feu ». La stratégie américaine dans le tiers-monde ayant reposé sur l’arme de la croyance qui était confrontée à la menace athée, la CIA n’a pas hésité à adopter les devises de l’islam – qui était la croyance la plus répandue dans la région – afin d’en faire son instrument et l’utiliser comme munition. Celui qui fait un retour à l’histoire observe que les prédicateurs, frères de l’abbé protestant, ont beaucoup participé, à travers la politique extérieure américaine et celle de la CIA, au rapt du salafisme suicidaire afin de l’utiliser contre le communisme, pour le laisser ensuite travailler à l’écroulement du monde sur les têtes des musulmans. La renaissance musulmane a beaucoup souffert de la politique des États-Unis et des régimes despotiques qui lui étaient alliés. Si ce courant de la renaissance a faibli de sorte que l’islam ne se perçoit plus ni dans la pensée, ni dans la musique, ni dans les arts, ni dans les découvertes scientifiques, ni dans la loi, mais seulement dans les porteurs de barbe et dans la femme voilée, c’est parce que les États-Unis en ont été responsables dans leur politique et parce que l’argent salafiste est également responsable de l’anéantissement du mouvement de renaissance moderne de l’islam. L’ouverture stoppée net Il est vrai que la pensée occidentale civilisatrice et ouverte au dialogue a envoyé, et continue d’envoyer, des signes au mouvement de renaissance islamique, en citant, par exemple, Nagib Mahfouz pour le prix Nobel de littérature et en nommant l’Égyptien Ahmad Zoueil pour le prix Nobel des sciences. Le salafisme a, d’ailleurs, senti le danger d’une entente entre les civilisation et les religions, et il s’est empressé d’attenter à la vie de Nagib Mahfouz, montrant ainsi son refus de dialogue avec le courant civilisateur occidental qui cherche à s’ouvrir aux Arabes. Mais l’afflux de l’argent dans les caisses salafistes et la politique arrogante adoptée par les États-Unis après la chute des empires européens et de l’Union soviétique ont annihilé les capacités humaines et mis fin à l’ouverture qui était en cours dans le monde musulman. Il n’existe pas de conflit de civilisations. Le recul actuel de la civilisation musulmane est le résultat irrémédiable de la politique américaine et de l’afflux de l’argent dans les caisses salafistes. Ce sont ces facteurs qui ont porté les peuples musulmans à écouter et accepter les salafistes du fait du vide intellectuel et religieux, et ce sont ces facteurs qui ont fait échouer l’école réformatrice moderne. Il existe un conflit entre des politiques et non entre des religions ou des civilisations. Ce sont les États-Unis qui ont soutenu tous les régimes militaires dans le tiers-monde, régimes où prospéraient le vice et la corruption, et qui ont appauvri leur peuple jusqu’à l’affamer. L’opinion publique américaine et européenne commence à poser aujourd’hui des questions, notamment après la guerre ratée en Irak. André Fontaine demande, dans Le Monde, aux États-Unis s’il peut exister un bon et un mauvais terrorisme. Ben Laden était un terroriste qui servait la politique américaine et il avait la bénédiction des États-Unis ! Jean d’Ormesson interroge, à son tour, l’Amérique dans Le Figaro : « Est-ce que la pensée politique américaine s’est posé cette question : pourquoi les choses sont-elles arrivées à ce point ? » Seul le courant réformateur moderne de l’islam était, et demeure, capable de faire face et d’empêcher l’évolution des choses au degré qu’elles ont atteint à New York, Madrid et Londres, avant de se répandre dans tous les pays arabes et parvenir au Liban, à Nahr el-Bared. Il n’existe plus de choix L’argent salafiste a attaqué sévèrement et avec violence la pensée éclose à l’époque de la renaissance et de la réforme musulmanes, et il est parvenu à la supprimer. Les musulmans sont à présent dénudés devant le salafisme suicidaire dans tous leurs pays. Tel est le fond du problème. Il faut, pour contrer ce défi, revenir à la pensée de la renaissance islamique réformatrice qui a vu le jour au début du siècle dernier et qui était une extension de la pensée réformatrice fédératrice (tawfiqui), également apparue au début du même siècle et constitutant elle-même une prolongation de la pensée réformatrice fédératrice dont les piliers étaient Averroès et la première époque abbasside, avec sa pensée, sa science et ses lumières. Cette époque avait apporté la preuve que l’islam civilisé est autre chose que les barbus, les porteurs de bâton et les femmes voilées. Cet islam abrite les musulmans qui désirent vivre libres et jouir des plaisirs de la vie et de la dignité y attachée. Ce n’est pas l’islam qui a fait haïr la vie aux musulmans et ce n’est pas la civilisation musulmane qui a imposé le sous-développement, l’humiliation, la pauvreté, le refoulement et l’arrogance. Les musulmans ne peuvent plus regarder en spectateurs le salafisme suicidaire en train de détruire ce qui est construit, d’anéantir la vie humaine et de répandre la culture de la mort au nom de la religion. Celui qui n’est pas avec nous dans notre rejet du salafisme suicidaire est avec eux. Il n’existe plus de choix. La troisième guerre mondiale est difficile, mais les musulmans non salafistes ont, dans cette guerre, le premier et le plus important rôle. Ils sont les premiers concernés et ont une obligation qui est celle de liquider l’islam terroriste salafiste. * Avocat, docteur en droit.
Par Abdel-Hamid el-Ahdab

L’histoire est faite de défis et de satisfactions.
La Chine s’est rebellée contre les valeurs sacrées et elle est entrée de plain-pied dans le présent. Le Japon a eu besoin, à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, de la défaite d’Hiroshima pour guérir du fascisme du sacré et intégrer notre ère. Pour son éveil, l’Europe a abandonné...